samedi 16 janvier 2016

Comme tu n'es pas du métier...

A l'heure où les figures people tombent comme des mouches en ce début d'année, j'ai envie de vous souhaiter le meilleur pour 2016, d'abord. Et de vous confirmer - vous vous en seriez douté - que je ne suis pas mourue.
 
Je suis juste passée dans une sorte d'ouragan-tourbillon-tornade (vous voyez le genre) qui m'a laissée un rien lessivée. Mais heureuse.
 
Souvenez-vous, je n'étais plus qu'une boule de nerfs rongée par l'angoisse, ces derniers temps. Après près de deux ans consacrés à me former pour exister dans un domaine réputé dur et exigeant (ah bon? à peine :) ), j'étais arrivée là, devant un mur intimidant, très intimidant. A quelques jours de ma fin de droits, je ne savais vers où me tourner, me démenant pour trouver, enfin, sinon une place au soleil, au moins le droit de profiter de quelques rayons.
 
Et puis, soudain, le tourbillon. Un premier entretien pour travailler dans un restaurant. Un bon feeling avec la boss. Un deuxième entretien et un bon feeling, cette fois, avec le chef de cuisine. Un essai, un nouvel entretien au téléphone, un deuxième essai et la sortie d'une arme, avec l'espoir qu'elle soit fatale:
 
Ben quoi? Pourquoi ne pas tenter le coup ? Sur un malentendu, ça peut marcher...
En quittant la cuisine après mon second essai, sans avoir revu la boss retenue ce jour-là, j'ai donc déposé cette tarte au citron, que j'avais confectionnée au préalable at home. Qui ne tente rien... Il n'y avait plus qu'à attendre.
 
Et puis, une proposition inattendue du snack, pour lequel je travaillais le midi, m'a créé quelques gros nœuds au cerveau et à l'estomac. Choisir un temps plein dans un restaurant à 120 couverts ou un mi-temps avec des personnes humainement extra, me laissant le temps de développer ma petite entreprise?
 
Chercher le challenge en allant puiser au fond de moi des ressources dont je ne me sentais pas forcément pourvue ou continuer d'envoyer des assiettes de snack dans un contexte convivial sans avoir les mains liées ?
 
L'aventure dans un monde tant espéré mais redouté, ou le bricolage entre un peu de rédaction, un peu de cuisine, un peu de pâtisserie?
 
Nous étions mi-décembre et j'attendais avec une hâte non dissimulée un peu de répit, une once de moments insouciants avec Loulou, le retour vers une vie normale, le temps des vacances. J'avais clairement dans ma ligne de mire le samedi 19 décembre, premier jour de la trêve.
 
Alors que je retournais ce joyeux bazar dans mon cerveau déjà bien mal rangé, un texto, alors que j'allais entamer mon service au snack: "j'ai besoin de vous".
 
La boss de la pâtisserie-chocolaterie pour laquelle j'avais travaillé cet été m'appelait en renfort pour la période de Noël.
 
Un CDD, à partir... du 19 décembre.
 
J'étais à plat.
 
Evidemment, j'ai dit... oui. Trop facile.
 
Je crois que mon chat se moque de moi, en imitant l'état larvesque dans lequel je me sentais alors...
 
Le soir, alors que je mettais toujours en balance le snack et le restaurant, la boss du second établissement m'a appelée, l'air un peu grave.
 
J'ai cru que c'était mort. Et j'ai senti la déception monter en moi.
 
"Je voulais vous dire, Stéphanie : il va falloir que vous nous fassiez beaucoup, beaucoup de tartes au citron meringuées."
 
J'étais bien alignée. Ok, allons-y pour le challenge, puisque mon cœur et ma conscience me l'indiquaient. Sautons le pas.
 
Le lendemain, je retrouvais le labo de la pâtisserie et j'ai ainsi assisté à la multiplication des bûches, sous mes yeux, quoiqu'épuisés, émerveillés. J'ai connu cette drôle d'effervescence de Noël quand on travaille ainsi, petites mains avec petites mains, pour sortir le meilleur.
 
On est parfois arrivé à 5h du mat' au labo pour en sortir à 18h... Pour réaliser en rentrant à la maison que j'avais, de mon côté, des bûches à confectionner, m'étant emballée quelques jours plus tôt sur cette idée... Autant vous dire qu'au moment de démarrer ce que j'ai vécu alors comme une contrainte, j'étais aussi enthousiaste que Thomas Thévenoud devant sa feuille d'impôt.
 
Pourtant, contre toute attente, j'ai aimé créer ces desserts, et j'ai même senti une pointe de plaisir, entre deux bâillements.
 
Mangue framboise, ou comment éviter la bûche crème au beurre!
 
L'ombre, c'est ma fatigue, je crois, elle était devenue omniprésente.
 
Bon, un ermite n'aurait sans doute pas renié le rythme de mon existence mais je l'ai vécu comme une expérience, une de plus. Une qui me menait jusqu'au 3 janvier... Avant d'enchaîner le 4 sur mon premier CDI en restauration (disons qu'un autre était prévu, mais un kit "souris-trou au plafond - œufs brouillés au micro-ondes" avait eu raison de ma bonne volonté).
 
Oui, je me pince. Je travaille comme cuisinière (ou commis? Je ne connais même pas l'intitulé de mon poste!), de façon officielle, je veux dire, je suis payée pour ça... et j'ai commencé à 9 jours de ma fin de droits!
 
Evidemment, le chef m'a rappelée que je n'étais pas du métier et je dois clairement faire mes preuves. J'ai deux mois d'essai. Mais, après deux semaines, je peux l'écrire: je ne vois pas les journées passer. Le rythme est intense, j'apprends, j'emmagasine, j'observe et surtout, je taille, je cisèle, j'émince, je découpe.
 
Parfois des petits bouts de chair, aussi, on ne se refait pas. Mais, promis, je n'ajoute pas ces suppléments aux salades, malgré l'apport protéinique certain.
 
J'ai même déjà ma petite routine. A 6 heures 20, j'appuie sur le bouton du réveil pour qu'il m'accorde quelques minutes supplémentaires, et puis encore, avant de réaliser que là, bon, faut y aller. J'entame alors ma petite marche en avant perso: saut du lit, enfilage de jean express, hop, le pull, hop, la salle de bains, hop, le bisou à Loulou à qui il reste encore quelques minutes de sommeil - le veinard - hop, la case thé qu'il faut sauter parce que plus le temps, hop, le trajet en voiture et à 7 heures, je suis en poste, ne sentant plus, soudainement, toute cette fatigue qu'il me semble pourtant si difficile à éradiquer lorsque je suis encore sous la couette.
 
La journée a démarré et le rythme s'emballe.
 
La vie est dingue.
 
Vive 2016!