samedi 20 décembre 2014

En passant...

Départ aux aurores pour le Sud...
 
Ce n'est pas une fuite, mais presque.
 
Un peu d'air frais, une bouffée de renouveau, histoire de conclure cette drôle d'année de façon la plus légère qui soit...
 
Je ne vous oublie pas, je vous souhaite de joyeuses fêtes et à très vite!

jeudi 18 décembre 2014

C'est pas moi, c'est pilou!

Je vous jure que c'est pas de ma faute.
 
J'avais décidé de jeter mes pilouteries. Je sentais comme une résistance: le pilou, se sentant menacé, essayait de s'imposer. C'est comme ça qu'un matin, à deux jours de la fin de ma formation...
 
...  j'avais retrouvé mes chaussettes en pilou sur mes pieds.
 
Dans les vestiaires, j'ai souri en enfilant mes chaussures de sécurité. Trop tard, hein.
 
Maintenant que ma formation est finie et que je retombe dans la "catégorie 1" de mon employeur, Popol, pas question de traînasser, on est d'accord. Le plan d'action était clair, dans ma tête. Mise à jour du CV, planning de mes entraînements pour le CAP Pâtisserie, contacts à confirmer, dossiers à boucler pour le titre de cuisinier (eh oui, il y a des devoirs...) et, cerise sur le gâteau, reprise du footing, allez hop.
 
Et paf, je vous le donne en mille: mon corps m'a rappelé son besoin de pilou.
 
Lundi soir, je claque des dents, j'ai des frissons, madame la fièvre s'est donc invitée sans crier gare. Plus que jamais, je me suis protégée, à coups de couche de pilou (la bonne excuse).
 
On appelle ça la décompression, j'imagine. J'aimerais mieux ne pas y trouver un quelconque plaisir. Mais savoir que tout le monde se caille dehors et se bouscule dans les magasins, pendant que je suis bien au chaud - certes, avec un ventre douloureux - à mater Dexter (je n'avais toujours pas vu la dernière saison, c'est dire si le pilou boulot
m'avait happée!) et à rattraper, enfin, un peu du retard dans mes lectures, eh ben, je vous assure, c'est un peu... jouissif.
 
On a les plaisirs que l'on peut, hein.

jeudi 11 décembre 2014

Ce que je vais faire de ma peau

Les mains visqueuses à dépiauter un pied de veau, je me suis interrompue quelques secondes pour contempler le spectacle.
 
J'ai observé mes petits camarades, devant moi, dans cette grande cuisine.
 
Je les ai vus virevolter, s'agiter, mettre la main à la pâte et j'ai pensé que, voilà, il était temps de partir.
 
Demain, c'est mon dernier jour de formation en cuisine. Après huit mois d'apprentissage, de rires, de larmes, de labeur, de sueur, d'envies, de doutes, je quitte le centre avec la sensation, finalement, d'avoir grandi.
 
"Finalement", car je reviens de tellement loin que je n'étais pas certaine de pouvoir remonter et j'avais, il y a dix jours encore, l'impression d'avoir creusé ma propre tombe.
 
Aujourd'hui, ça va. J'ai passé, de nouveau, quelques tests (des "situations", comprenez des examens blancs) et je consacre ces derniers jours à réaliser des recettes qui changent un peu de notre quotidien (d'où le pied de veau, qui complète la farce de la terrine de faisan... pas le genre de plats que je cuisine régulièrement).
 
Pour m'être régulièrement assoupie dessus, épuisée, je crois connaître à peu près par cœur le sommaire de "Cuisine de référence" - le bouquin so old school mais tellement indispensable pour qui veut apprendre le BAba de la cuisine française - et je rêve de garnitures aromatiques, de fonds, blancs, bruns, de fumets parce que, enfin, j'ai accepté d'apprendre, vraiment, les bases de notre gastronomie. Oui, aussi étonnant que cela puisse paraître, je sentais chez moi une certaine résistance face à ces menus traditionnels, avant de comprendre qu'ils allaient sans doute m'aider, au quotidien, pour concocter tout le reste.
 
Bon, que Ginette Mathiot ne se retourne pas dans sa tombe, je ne lui ferai pas d'ombre et je reste définitivement attirée par une cuisine sans doute plus "mondialiste", qui pioche ses influences aux quatre coins de la planète, en toute humilité, on est d'accord (vous avez cru que la mouette était devenue mégalo? Je vous rassure, y'a du boulot). Mais enfin, je suis quand même drôlement contente d'avoir compris, enfin, les diverses techniques qui permettent à la cuisine française d'être ce qu'elle est.
 
Je suis contente, aussi, de terminer maintenant cette formation, même si j'aurais tellement de choses à apprendre encore. Je sens qu'il était temps pour moi de partir.
 
"Mais alors, que vas-tu faire?" s'inquiètent déjà certains de mes camarades. Déjà, je vais finir de me préparer pour passer mon titre pro de cuisinier, puisque l'examen n'est fixé qu'en février, a priori. Ensuite, je vais m'atteler, enfin, au CAP pâtisserie car je suis en retard par rapport au programme (je me suis inscrite pour le passer en juin 2015, je n'ose penser à tous les candidats qui potassent depuis la rentrée, hum).
 
Enfin, je vais pouvoir souffler, un peu, et prendre suffisamment de hauteur, j'espère, pour envisager l'avenir.

Que vais-je faire de ma peau?

Je n'en ai aucune idée, sincèrement. Je ne suis sûre que d'une chose: il y a encore moyen de rigoler, dans une telle jungle...

samedi 6 décembre 2014

Le petit moment de solitude

Aujourd'hui, j'ai renvoyé ça:

Pour le plaisir d'être encore étudiante...


Oui, je me suis inscrite au CAP Pâtisserie en tant que candidat libre.

Je n'allais pas m'arrêter en si bon chemin, hum?

...

Vieux doutes.

...

Bon, je ne suis plus à ça près et puis, je ne veux pas vivre avec des regrets, alors advienne que pourra. Dans la foulée, petit passage à la boulangerie de mon bourg. C'est le patron qui me sert. J'en profite, je lui demande au débotté s'il prend des stagiaires, en fabrication:

"Ah non... C'est pour votre fils qui est en 3e?"

...

Je vous laisse imaginer la tête qu'il a fait lorsque je lui ai répondu que c'était pour moi, en fait.

vendredi 5 décembre 2014

Du sang, des larmes ou ma vie en cuisine, part 2

Après la claque infligée vendredi dernier, vous imaginez bien comme je planais dans un ciel cotonneux, pour démarrer le week-end...
 
Un modèle de zenitude (Oh, Sego, ça va maintenant, hein).
 
Comment chasser l'angoisse lorsque, en guise de conclusion, le chef m'a indiqué que je passais de nouveau un examen blanc le mardi?
 
Alors, à défaut de faire le petit chien ou de me prendre un rail de coke, j'ai suivi les conseils du chef. Je me suis détendue avec des amis (qui ont eu, en outre, l'idée géniale de m'offrir de quoi me shooter au chocolat à l'espagnole pour un bon moment, j'aime ce genre de réconfort), avec Clark (faites-moi penser, hein), Loulou.
 
J'ai regardé mon chat et j'ai imaginé que la vie ne pouvait pas être aussi dure.
 
Là, il est un peu tendu, je devrais peut-être penser à lui donner un peu de Lexomil.
 
 
Ensuite, je me suis souvenu que mon chat relevait plus de l'ordre de la peluche et que j'avais, a priori, un cerveau plus volumineux que le sien et donc, davantage de raisons de ne pas me laisser aller.
 
J'ai donc demandé à mon cerveau de mémoriser en express la somme d'informations que je lui transmettais. La veille de ce deuxième examen blanc, je me suis concentrée sur des tas de vidéos que j'avais visionnées trop vite, auparavant, sans y prêter, sans doute, assez d'importance.
 
Mon cerveau a un peu râlé, parce qu'il n'est plus trop habitué, je crois, à tant d'efforts. Je me suis demandé comment je faisais pour apprendre par cœur, il y a très, très longtemps. Après, j'ai compris : c'est en pratiquant que je saurai.
 
Un peu apaisée, je suis retournée au charbon le lendemain. Au menu cette fois, tarte aux poireaux, poulet rôti et son jus, pommes cocotte (plantage de cuisson la veille), jardinière de légumes, choux au café.
 
Oui, je sais, je vous donne l'eau à la bouche, ah ah ah. N'empêche que j'ai mis de côté mon peu d'enthousiasme pour ce genre de mets (quoique bons) peu funky et j'ai tenté de remettre les choses dans l'ordre.
 
Pas simple dans mon cas, je vous assure. Pour vous situer, j'ai la sensation d'images qui s'envolent, d'idées fugaces qui, sitôt sur un neurone, filent de nouveau sans me laisser le temps de les capter (logique pour des idées fugaces, on est d'accord). (Soyez indulgents, je me suis cogné des heures de vidéos d'un monsieur à l'accent sudiste prononcé dans le somptueux décor d'une cuisine de CFA) (je précise que j'adore l'accent chantant du Sud, ça n'a rien à voir).
 
Bref, quatre heures plus tard, le corps tendu et les joues toujours rouges, je m'attelais à ma sauce hollandaise, demandée en sus, après avoir rendu les plats. Et là, le drame, ma sauce vire. Non, pas encore!
 
Que s'est-il passé, je n'en sais rien (j'ai réfléchi deux secondes, peut-être?), mais j'ai pu la rattraper et au final, elle est sortie nickel. Et lorsque je me suis assise devant le chef, j'ai compris que tout n'était pas perdu.
 
"- C'est pas mal. On se rapproche de la vérité."
 
...
 
"- Allez, demain, rebelote."
 
Si, si, rebelote.
 
Mercredi, j'ai donc remis ça, au milieu de douze stagiaires (le service continue, non, on n'arrête pas tout juste pour remettre sur les rails la mouette, eh!), me faufilant entre des corps obstruants, enjambant, me baissant sous les apprentis cuistots, suppliant "pardon, pardon, chaud, chaud" et autres implorations du genre, pour respecter le timing. Une petite alarme incendie et la sortie réglementaire de la cuisine ont clos la liste des obstacles et, finalement, m'ont un peu blindée. Les conditions ne pourront pas être pires, le jour de l'examen, a priori.
 
Le cœur battant, j'ai rejoint les chefs pour le nouveau débriefing. Alleluia, ai-je pensé, ils ont été satisfaits du résultat et de ma progression. Et j'ai senti, de mon côté, que les choses avançaient.
 
Il n'y a rien de gagné et le titre n'est absolument pas acquis. J'ai encore beaucoup à travailler. Mais j'ai l'impression d'avoir retrouvé le bon chemin, d'y voir un peu plus clair.
 
Tant mieux parce que, pour ma dernière semaine, je vais avoir... trois nouvelles situations.
 
Comment on dit déjà? Etre soumis à rude épreuve? Mais non, pensez donc...

jeudi 4 décembre 2014

Du sang, des larmes, ou ma vie en cuisine, part 1

Scène de crime n°1...
 
 
Les gars, les filles, je reviens de loin.
 
... n°2...
 
Mais de très loin, je veux dire.
 
... N°3. Attention, ces images sont déconseillées à un jeune public
(prévient-elle une fois les photos publiées)
 
Il y a eu du sang en cuisine.
 
Ne prenez pas mes mots au pied de la lettre, quand je parle de sang, je métaphorise (Ségo, sors de ce corps). Là, ma cuisine digne de celle d'un serial-killer qui n'aurait pas appliqué le code de Dexter, c'est juste le résultat d'un coulis de griottes réalisé un soir, un peu tard, et qui a eu le mérite de provoquer quelques éclats de rire à la maison. Allez savoir pourquoi, Clark a trouvé le pestacle assez drôle (faites-moi penser à vous parler de Clark, pas celui de Lois, non, celui, plus noble, de Scarlett).
 
Je vois pas ce qu'il y avait de marrant, franchement.
 
Non, je n'ai pas eu une poussée acnéique subite, ni la scarlatine ou la rougeole. On peut parler de "coulis gicleur" pour expliquer un portrait aussi macabre - le flou n'a rien à voir, Clark ne maîtrise pas le zoom de mon portable, semble-t-il, à moins qu'il ait eu la délicatesse de flouter la réalité, trop choquante.
 
Non, ce soir-là, aucune escalope de la main n'a été réservée pour un usage ultérieur. C'est bien au centre de formation que j'ai commis un meurtre. Ou au moins une tentative, pour éliminer le mal en moi.
 
Le doute.
 
La semaine passée a très, très mal démarré en cuisine. Mais quand je dis très mal, je n'exagère pas. Sur les deux jours de service que j'ai vécus, j'ai eu envie à chaque fois de balancer ma spatule et de me barrer. Vraiment. Le cauchemar total.
 
Le premier jour, on s'est emmêlé les pinceaux, avec mon binôme. Le lendemain, sur les mêmes plats chauds, malgré une mise en place nickel, on a trouvé le moyen, avec un autre camarade, cette fois, de foirer nos sauces. Enfin, non. Une sur trois était réussie: elle a fini dans l'eau du bain-marie. Pratique, en plein service. C'est pas comme si cette sauce était à base d'une réduction d'échalotes, nécessitant donc un rien de temps, hein...
 
Pendant que mon acolyte plantait son beurre blanc, j'avais quant à moi fait virer ma Choron (sauce béarnaise avec une concassée de tomates). Allez savoir pourquoi, tous les clients avaient en outre choisi l'entrecôte, délaissant choucroute de la mer et gibelotte de lapin qui auraient pu -je dis bien "auraient pu", hein, ne nous emballons pas - nous sauver la mise.

Pas de sauce, pas d'envoi. Eh eh eh, elle est où, la sortie?

Au lieu de me poser deux secondes, de faire le petit chien, de respirer par le ventre, de penser à je ne sais quelle image positive (quelle idée, aussi), j'ai paniqué. Je me suis énervée sur une jeune stagiaire qui ne comprenait pas vraiment ce qui se passait, j'ai lancé les plats comme j'ai pu, totalement insatisfaite du rendu et surtout, je me suis demandé ce que je faisais ici.
 
Je suis partie me réfugier à la plonge, dès la fin du service. Oui, la plonge peut avoir ses bons côtés, même si elle ronge les mains et vous laisse aussi mouillé qu'un curieux venu admirer les côtes bretonnes un jour de pleine tempête.
 
La réaction a été immédiate. Le chef m'a appelée et m'a prévenue:
 
"- Demain, vous êtes en situation."
 
Comprenez, en examen blanc.
 
Ça tombe bien, j'étais en pleine confiance.
 
J'ai essayé de faire le petit chien, de respirer par le ventre, de penser à je ne sais quelle image positive. Mais rien. J'ai juste senti l'angoisse.
 
L'angoisse de celle qui ne sait pas, qui ne sait plus, qui est perdue. Je suis rentrée, le visage baigné de larmes, sans pouvoir les contenir davantage.
 
Le lendemain matin, la boule au ventre, j'ai donc eu mon sujet. Macédoine de légumes, poulet sauté déglacé, pommes cocotte, légumes de mon choix et tarte aux pommes, rien que du très classique. Comment ça, ça ne vous fait pas triper? Ah bon?
 
Sans déconner?
 
Sachez que si l'on cuisine de façon contemporaine au centre, le référentiel du titre professionnel, lui, demeure centré sur les bases de la cuisine française, avec toutes les techniques que cela suppose, évidemment (c'est bien l'intérêt) mais, du coup, le jour de l'examen, on est jugé sur une entrée, un plat et un dessert aux airs des années 60.
 
Attention, je ne cherche pas d'excuse. J'explique.
 
Me voilà donc partie pour quatre heures, sans pouvoir évacuer le stress latent. Au début, ça va. Rapidement, je perds les pédales. J'essaie de me rassurer à l'envoi de mon dernier plat en me disant que tout est parti, dans les temps. Allez, respiration du petit chien, on y croit, je suis peut-être pas si mal...
 
"- Stéphaniiiiiiiiiiiiiiie!"
 
OK, respire par le ventre, Steph. C'est le chef qui te fait signe de rappliquer.
 
Je m'asseois. Il me regarde. Il est atterré.
 
Non, je ne me fais pas de film. C'est bien de la consternation.
 
Il me demande ce que je pense de ma production, je n'ai pas besoin de sortir le fouet, je l'ai intégré depuis un moment dans ma panoplie, de façon automatique. Pourtant, je suis malheureusement dans le vrai, cette fois, quand je me flagelle.
 
"- Pour moi", commence le chef, "vous êtes une énigme."
 
J'ai foiré mon examen blanc, il ne valide rien. Même pas la tarte aux pommes, le truc qui me semblait quand même le plus basique.
 
"Vous êtes une énigme", répète-t-il, levant les yeux au ciel. "L'énigme Stéphanie."
 
Je n'en mène pas large mais je sais qu'il a raison.
 
"Vous êtes perdue."
 
Bingo. Les larmes,  que je retiens depuis quelques minutes, glissent sur mes joues, rougies par l'effort.
 
"Vous allez me faire baisser mes stats!"
 
Il finit de m'assassiner avec cette dernière réflexion. Car oui, le chef peut se targuer de 100% de réussite au titre...
 
A suivre...
 
 
 
 
 
 

lundi 24 novembre 2014

L'étoffe de l'apprentie

Ranger ma caboche, disais-je, la dernière fois...
 
A l'impossible, nul n'est tenu. Disons que j'ai retrouvé de la sérénité, mais pour ce qui est du flou, le brouillard ne s'est pas vraiment dissipé.
 
Dans trois semaines, ma formation sera finie. J'ai repris le chemin du centre depuis une dizaine de jours, à l'issue d'un stage ô combien instructif sur tous les plans. J'ai joué la carte Charles Barkley, et décidé d'y aller tranquille, sans (trop de) pression. Mes plats n'en sont pas meilleurs, il y a même eu, encore, de sérieuses plantades, mais j'essaie de voir au-delà de tout ça.
 
Où cela va-t-il me mener? Plus que jamais, je réalise à quel point la cuisine et la pâtisserie sont pour moi comme des traits d'union vers l'autre, une façon de créer un lien, une envie de partager. Ce n'est pas nouveau, on est d'accord, et c'est d'ailleurs pour cette raison que les grands pontes avaient retoqué mon projet, dans une autre vie. Trop de rêves, dans cette caboche, pas assez de réalisme...
 
Car oui, la cuisine, c'est faire. J'en ai pleinement pris conscience lors de mon dernier stage. Pas question d'enrober l'information, d'expliquer longuement, de partir dans des discussions infinies. Non, en cuisine, on te donne l'info, tu dois réagir aussitôt, sans tergiverser.
 
Dans mon travail de journaliste, j'amadouais mon interlocuteur. Je sacrifiais une question, la première. Je la lançais juste pour amorcer l'échange, pour que mon vis-à- vis comprenne qu'il pouvait me faire confiance, qu'il avait en face de lui une personne qui ne chercherait pas à le piéger (pas toujours facile à imaginer pour l'interviewé, tant la méfiance envers la presse est grande), mais qui, au contraire, saurait l'écouter et véhiculer ses propos fidèlement.
 
Désormais, c'est action-réaction. D'où cette impression d'avoir les deux pieds dans le même sabot. Je vous jure, le temps que tout ça monte à mon cerveau, le mec en face a déjà dégainé sa douille et vanné deux sauces.
 
J'ai réalisé, aussi, à quel point je craignais toujours d'être jugée. Or, lorsqu'on se retrouve simple stagiaire, on l'est logiquement, sans doute avec plus d'indulgence, certes, mais les conclusions tombent vite, sans appel.
 
J'ai essayé de me rassurer, parfois. Il était normal que je ne maîtrise pas tout, les gens ne pouvaient pas se montrer si durs que je l'imaginais à mon égard, je progressais... Il en ressort néanmoins un sentiment latent de découragement et, curieusement, d'une forme d'excitation, sans doute parce que, malgré tout, j'apprends.
 
J'apprends chaque jour, y compris sur moi-même. Mes limites, mes ressources, mes envies, mes dégoûts...
 
Si quelqu'un se pointait devant moi en me disant vouloir se reconvertir professionnellement, à un âge aussi avancé (!) que le mien, je serais mitigée. Bien sûr, la tendance ne va faire que s'accroître, dans cette société en évolution permanente, où les ancrages d'hier ont perdu tant de sens, où les repères s'amenuisent chaque jour, où chacun rêve et imagine un avenir autre.
 
J'aurais envie de l'encourager, parce que, c'est vrai, changer radicalement de voie, en tant qu'adulte, c'est comme prendre un shoot quotidien. Rien ne ressemble à ce que l'on connaissait avant, chaque jour offre son lot de surprises - bonnes ou mauvaises - et puis, oui, il y a cette petite fierté que l'on ressent, au fond, de bousculer son existence pour apprendre.
 
J'aurais aussi envie de l'alerter sur la solidité mentale nécessaire à pareil bouleversement. Je comprends mieux, vraiment, les grands discours sur la création d'entreprise, sur le soutien des proches à son projet, sur ses ressources propres... Il faut être fort dans sa tête pour se lever chaque matin et ne penser qu'aux jolies choses, en évacuant le malaise latent, ce sentiment de ne pas être à sa place, les échecs répétés, la sensation de n'être, décidément, pas grand chose.
 
Surtout, il faut mettre de côté certains questionnements. Depuis quelques mois, j'ai été moins présente pour mon loulou, mine de rien. Il y a sans doute gagné en autonomie et ça ne va sans doute pas le perturber outre-mesure mais je dois chasser certaines idées. Pourquoi de tels sacrifices? A quoi cela va-t-il me mener? Ai-je vraiment l'étoffe?
 
Oui, je continue de trop réfléchir. Sans doute parce que j'ai besoin de me poser quelque part, d'être un rien rassurée, au lieu de marcher sur des sables mouvants.
 
Je sais aussi que j'ai besoin de ce mouvement. Alors, je vais continuer d'affronter les vagues, sans me laisser submerger.

lundi 10 novembre 2014

En bas de l'échelle

Voilà très longtemps que je n'avais pas pris le temps de venir ici. Voilà très longtemps que je n'avais pas pris le temps, tout court.

Pour une fois, je ne me couche pas avec les poules, car demain, c'est repos, alors j'en profite pour retrouver une activité normale. Enfin, à peu près.
 
On va pas s'emballer non plus, j'ai pas sorti la boule à facettes. Je vais juste passer la barre des 22 heures, ce soir, quelle folie.

J'aurais eu tant de choses à vous raconter, je crois, et pourtant, je n'ai pas trouvé la force de coucher toutes ces anecdotes, petites boulettes, vrais doutes et encouragements épars. Trop lasse.

Le stage se passe bien. Je travaille, j'en prends plein les yeux, j'apprends, surtout. Pour cette dernière semaine, je suis au "froid", là où on prépare toutes les entrées, amuse-bouche et autres joyeusetés. Après une semaine au "chaud", j'avais enchaîné à la pâtisserie, labo qui se charge aussi du salé dès lors que l'on parle de bouchées à la reine, feuilletés multiples et autres... croque-monsieur. Ce sont d'ailleurs ces derniers qui sonnaient le début de ma journée. Prendre le pain de mie, le beurrer de béchamel, le garnir de jambon, recouvrir, beurrer de béchamel, parsemer d'emmenthal... Enfantin, oui.

Rajoutez-y l'envie de bien faire, vite, sous le regard de quelques âmes sans doute un rien amusées (et agacées, hum) et votre spatule déborde, les gestes deviennent hésitants, la main pas assez généreuse sur le fromage, puis trop, puis...

Ou comment avoir l'impression d'avoir deux mains gauches. Sans doute aurais-je dû penser plus souvent à la réflexion de Charles Barkley, grand basketteur que j'ai tant aimé, avec sa gueule de nounours et ses réflexions pas piquées des vers:

"La pression, c'est ce qu'on met dans les pneus."

Oui. Ma jante à moi, elle est juste un peu trop visible.

Voilà. Je me suis fait 52 kg de pommes au pèle-pommes, un matin, afin de garnir 280 tartes individuelles (j'ai dû, en réalité, en faire 80 et le chef, 200, hum...), j'ai goûté des épinards, de la ratatouille et des salades à base d'avocats-crevettes-sauce cocktail à 7 heures du mat', bu des cafés sans ne plus avoir aucune notion de l'heure, au moment de la pause matinale, dressé des réductions par centaines, apprivoisé la douille de façon ferme, si si, raclé le sol, observé avec émerveillement le montage de bûches élégantes...

J'ai souvent tenté de chasser de mon esprit les idées parasites, pour me concentrer, à l'image de toutes ces personnes en cuisine, si précises, si rapides, si expérimentées.

De quoi m'en remettre une couche sur le fait que je suis en bas de l'échelle.

De quoi réfléchir à l'idée de grimper les marches, peut-être, sans doute, d'une manière détournée, dans ce milieu si particulier, où chaque faux pas se paie au centuple, où la moindre imprécision me plonge dans un gouffre de questions, alors que je voudrais juste vivre l'instant, savourer ces derniers moments passés dans ces labos.

J'ai 40 ans, l'impression d'en avoir 17 et d'être une apprentie mal dégrossie. Oui, j'ai le sentiment de faire mon Pierre Richard en cuisine et pourtant, loin devant, il y a forcément quelque chose qui se profile. Forcément.

Vous voyez que je ne passe pas mon temps à m'auto-flageller. Je sais que demain est un autre jour.

Scarlett, sors de ce corps.

...

Ou pas, d'ailleurs, quand j'y pense. Après tout, avec son foutu caractère, l'héroïne de Margaret Mitchell, elle a pas lâché l'affaire. Et même si je n'ai pas mon Clark Gable à disposition (on fait avec les moyens du bord, y'en avait plus en rayon, quand on parle de pénurie, je vous jure, ce ne sont pas de vains mots) (mais je m'égare, je n'avais pas prévu d'aborder cet aspect sentimental) (Bref).

Même si je n'ai pas mon Clark Gable à disposition, disais-je, je sens en moi une rage d'y arriver, parce que, quand même, je ne veux pas avoir fait tout ça pour rien.

Je ne peux pas avoir fait tout ça pour rien.

Je vais ranger ma caboche et je reviens, ok?

mardi 28 octobre 2014

Du gore en cuisine

Tout est parti d'une proposition alléchante. On m'a demandé si je voulais avoir les mains douces. Et comment! Si elles sont écorchées et privées d'une longueur d'ongles décente pour ressembler à des membres féminissimes, mes menottes n'allaient quand même pas refuser pareille opportunité.
 
Dans la minute, j'avais les mains... dans la graisse. Pas de cambouis ni de moteur à démonter, non, j'étais un peu désespérée la semaine dernière, mais pas au point d'embrayer un virage en mécanique.

Non, non, de la graisse d'oie. Qu'il fallait séparer du gésier, après avoir enlevé le meilleur, aka les boyaux. Le petit côté granuleux, ça et là? Ah, les derniers repas des bêtes, des céréales, haricots et des grains de maïs même pas prémâchés (pauvres oies, comme si elles avaient un dentier, aussi).
 
Miam.
 
Bon, vous devez vous poser des questions. Je devrais peut-être reprendre au commencement, c'est-à-dire à lundi matin.
 
Je me réveille en sursaut après un drôle de rêve (des histoires de couteaux qui se déplacent tout seuls) (j'ai renoncé à chercher) (et non, je n'irai pas voir de psy pour en parler). Un coup d'œil au réveil. 5h33. Oh, je peux me rendor... Mais oh, non! Je dois être à 6h pour mon premier jour de stage chez un traiteur, c'est-à-dire, oui c'est ça, dans 27 minutes.
 
J'avais bien programmé le réveil. Mais juste oublié d'enclencher le bouton. Le vieil acte manqué.
 
Telle une furie, j'ai donc sauté dans mes vêtements et j'étais finalement en tenue à l'heure dite, contente d'être là, pour ce dernier stage de ma formation, chez un traiteur, vous disais-je, réputé sur la place nantaise.
 
Après une première journée sans histoire, le rythme s'est accéléré aujourd'hui, avec cette opération coup de poing d'oie et de canards: le chef est allé en chercher 3 tonnes dans le Sud de la France, ce lundi, et c'est donc tout le personnel qui s'est concentré sur le dépiautage de ces drôles de bêtes bien grasses.
 
Et c'est comme ça que, bien appâtée par cette promesse d'avoir les mains plus douces que si j'avais passé quinze jours dans un bain d'aloé vera, j'ai pu prendre un malin plaisir à diviser l'appareil digestif des oies en trois parties, la graisse, les gésiers et les boyaux remplis de miam-miam.
 
Impossible de prendre une photo et je n'ai pas trouvé grand-chose de parlant sur la toile. Mais croyez-moi, en termes de gore, l'exercice est plutôt intéressant. Niveau dangerosité aussi, si je m'en réfère aux deux glissades qui auraient pu me propulser direct "stagiaire Gaston Lagaffe du mois", si je ne m'étais pas rattrapée à l'arrache, après avoir rippé sur des boyaux et autres bouts de tête qui traînaient, sur le sol sanguinolent.
 
Tout ça pour avoir les mains douces... Je sens que je vais encore rêver de couteaux qui se déplacent tout seuls, moi. Pas de quoi s'inquiéter. Non, ma préoccupation est ailleurs. Je me demande juste s'il est normal d'adorer avoir ainsi les mains dans la gadoue. Une petite régression, peut-être?

...

Le premier qui me parle d'aller voir un docteur de la tête, je lui sépare les gésiers de sa graisse, il fera moins son malin.

Non, mais oh.

dimanche 26 octobre 2014

L'histoire de la tête bof bof bien rangée

Autant vous le dire, fallait pas me causer, mardi soir. J'étais en train de brûler dans les flammes de l'enfer, celles du désespoir, de l'incompréhension, du chaos.
 
OK, je revenais de Marseille, ceci peut expliquer cette légère hyperbole.
 
N'empêche. J'étais au fond du trou.
 
Le week-end précédent, sous le soleil du sud, je maudissais mon balai qui, cette teigne, ne me quittait plus. Et puis, prise de conscience le dimanche matin, alors que j'étais entourée d'amis, dans un cadre idyllique et une température estivale... Oui, alors que ça aurait dû aller, ça n'allait pas. Je me suis un peu effondrée. Quelques seaux de larmes plus tard, à peu près assez pour remplir la piscine dans laquelle nous nous étions par ailleurs prélassé la veille, je demandais la note à mes amies, pour cette thérapie improvisée. Et surtout, j'avais avoué.
 
Oui, j'étais en extrême difficulté. Non, je ne me sentais pas (plus?) à ma place, ni en cuisine, ni en pâtisserie. Je cherchais la fuite, un moyen de couper court à ce qui devenait un cauchemar.
 
Chaque jour, je me sentais glisser un peu plus vers les ténèbres...
 
Touchez le fond, qu'ils disaient, vous n'en remonterez que mieux.
 
Mouais. Lundi matin, j'étais à l'aéroport de Marseille, il n'était pas 6 h du matin et je cogitais déjà. A 8h30, comme par miracle, j'étais en tenue de cuisine pour démarrer la journée au centre. Au menu: éclairs au chocolat.
 
Au départ, j'ai pensé "Chouette, j'ai envie de faire un peu de pâte à chou, ça fait longtemps, toussa, toussa".
 
J'ai refait deux fois ma pâte. Et puis deux fois ma crème pâtissière. Le chef avait demandé des éclairs gourmands? J'ai inventé un concept, l'éclair-kebab, ou l'éclair-panini, selon les préférences culturelles.
 
Ce concept-là, sûre que personne ne me le piquera.
 
Vous l'aurez compris, je rêvais d'éclairs à la Christophe Adam (enfin, de très loin, on est d'accord, mais vous voyez bien le principe), dans ma grande naïveté, j'ai eu un espèce de truc moche et improbable... Ça ressemblait un peu à des croissants, en fait. Et pan dans ma pomme, eh eh eh (Adam... Pomme... OK, je sors)

(Oui, quelques jours après, je peux en rire. Enfin, un peu).
 
Heureusement, comme le chef, il est trop sympa, il nous a donné une seconde chance. Allez, le lendemain, chacun retournait au même poste.
 
Vous savez quoi? Je les ai encore foirés.
 
Vous imaginez un peu mon état. J'aurais été dans un avion s'écrasant sur le World Trade Center le jour du tsunami japonais, ça n'aurait pas été pire, sans vouloir en rajouter dans mon côté marseillais.
 
Convoquée par les deux chefs, je me suis assise face à eux et là, je me suis effondrée. Ils n'ont pas forcément été tendres, bien sûr, fort logiquement, mais je crois que personne ne pouvait se montrer plus dur avec moi, ce jour-là, que... moi-même.
 
On fait comment, lorsqu'on s'embarque dans une voie, contre l'avis de certaines âmes bien avisées, et qu'on se casse la gueule? On fait genre, "ça ira mieux demain?"
 
Il paraît que je me mets trop de pression, que je vise des objectifs inatteignables, que je suis très mal organisée, que j'intellectualise trop, que, que... Je sais (presque) tout ça. Je suis jugée par des professionnels, logique que la sanction tombe.
 
Si j'avais pu me réfugier chez les Yanomani ou les Papous, j'aurais pris un aller direct.
 
A la place, je les ai fixés et j'ai laissé couler les larmes sur mes joues, comme une gosse prise en faute qui lâcherait les vannes.
 
Que personne ne me parle de sécheresse, j'ai assuré la profondeur des nappes phréatiques nantaises pour quelques saisons.
 
"Enfin, il n'y a pas de raison que vous n'y arriviez pas", a repris l'un des chefs. "Vous avez deux bras, deux jambes, une tête qui fonctionne plutôt pas mal... Enfin, même si elle n'est pas très bien rangée en ce moment..."
 
Il a pointé là sur le hic. Ma tête, c'est le Bronx. Alors, j'ai décidé de les écouter, d'aller goûter de nouveau au plaisir de cuisiner sans pression, juste pour renouer avec les sensations perdues.
 
Je ne dis pas que c'est gagné, on est d'accord. Mais ce soir, un pot au feu de canard, un amuse-bouche et des samoussas de canard (oui, je l'ai fait à toutes les sauces, celui-là) plus tard, je n'ai plus envie de jeter mes couteaux, mes douilles et mon calot.
 
A moi de faire le tri et d'envisager la cuisine comme une immense salle de jeu...

vendredi 17 octobre 2014

La semaine d'une apprentie mercotte

Lundi matin, je suis retournée à l'école.

Oh, je n'étais pas seule. Mon balai s'était invité, ce pot de colle.

C'est donc avec une ceinture de maintien que j'ai fait le chef, de nouveau.
 
Je crois que j'ai lancé un style. Un rien timorée dans l'idée de devenir une grande esthète de la cuisine cabossée, j'ai néanmoins demandé un coup de main à mon chiro préféré (enfin, c'est surtout lui qui m'adore, il peut partir souvent en vacances grâce à mes passages répétés chez lui) pour qu'il me remette droite comme un i.
 
Bingo. J'ai dit au balai de partir, maintenant, faut pas rester là, monsieur, oh. Mon autorité (enfin, surtout celle de mon chiro) a payé. Mon compte bancaire aussi. Hum.
 
...
 
Mardi matin, est-ce parce que j'étais droite comme un i, genre, un peu sévère? En me présentant à mes nouveaux petits camarades, mon chef m'a appelée "Mercotte".
 
Mercotte. Au secours. J'adorais son blog, il y a fort longtemps (quand je croyais encore que le prince avait juste un souci de créneau pour garer son cheval blanc en bas de mon immeuble, vous voyez, ça ne nous rajeunit pas), mais le côté cassant de la dame, découvert via l'émission qu'elle anime avec Cyril Lignac, non, pitié, je n'adhère pas.
 
Du coup, devant mon air atterré, mon chef m'a expliqué: "mais si, Mercotte, les macarons, toussa. Vous aimez faire la patoche, c'est tout!"
 
Ah, ok, mais appelez-moi Paulette, en fait, ça ira mieux.
 
Après, comme j'étais chef et que le chef va voir chacun de ses marmitons (eh eh eh, j'adore l'abus de pouvoir immédiat que me confère ce statut), je suis allée leur demander... leur prénom, je leur ai donné leur tâche de la journée et en partant, j'ai précisé que je m'appelais Stéphanie, hein, et pas autre chose (enfin si, petite chef ou chef, je réponds aussi, modestement, évidemment).
 
Dans la foulée, parce qu'il fallait que je cuisine pour le "perso", je me suis fendu d'une fricassée de volaille sur un espace de 0,78 m2 environ, rapport que plein de petits nouveaux sont arrivés, qu'une mère n'y retrouverait plus ses petits et que là, c'est un peu le gros bordel, soyons honnêtes.
 
Déjà qu'avec un poste travail de ministre, je trouve le moyen d'être à la bourre, alors là, je vous explique pas le Bronx. J'en suis ressortie encore toute chose, avec ce sentiment terriblement angoissant de régresser un peu plus chaque jour.
 
...
 
Mercredi, j'avais des devoirs à la maison. L'occasion de refourguer Loulou, ce futur-ado-déjà-désagréable, chez les grands-parents, pour avancer. L'occasion, aussi, de prendre ma première vraie pause (entendez, affalée toute la journée sur le canapé avec, certes, l'ordi sur les genoux, parce qu'on a un métier, quand même, les gens) (enfin, presque) depuis ma fin de stage chez Vincent Guerlais.
 
L'occasion, enfin, de réintroduire le fameux P'tit Beurre à ma table, en récompensant mes parents pour leur courage, leur mérite et leur patience (il faut au moins ça) lorsqu'ils ont ramené Loulou à la maison le soir.
 
Oui, courage, mérite et patience de supporter cet être certes jeune, mais qui goûte déjà un peu trop aux joies de la provocation et qui est revenu, le sourire sournois aux lèvres, avec des Vans aux pieds, les chaussures dont il rêvait et que j'avais refusé de lui acheter, moi la méchante mère sans cœur (on m'appelle Mercotte, souvenez-vous, ça rime avec Javotte...). Dois-je préciser que le Loulou en question est actuellement handicapé du talon, avec une suspicion de maladie de Sever (ça claque, hum) et que les chaussures en toile, ben non, c'est pas une bonne idée?
 
Bref, il a obtenu ce qu'il a voulu, en me regardant bien dans les yeux. Là, il va peut-être pouvoir m'appeler Mercotte.
 
...
 
Jeudi, j'avais IEA. Ce service traiteur qu'on assure, avec l'école, où nous étions deux, chef compris, l'an passé, et cinq hier. Beaucoup trop. Du genre à se marcher dessus.
 
Si j'ai pu passer au dessus de ce sentiment d'habiter dans un placard, une fois encore, j'ai eu bien plus de mal à encaisser ma discussion matinale avec l'un des stagiaires. Nous étions au brief du matin et le chef avait annoncé qu'on travaillerait tous chez nous, le lendemain, réunion et fermeture du centre oblige. Laurent Bagbo - c'est son surnom à l'école - s'est plaint de ne rien pouvoir faire, n'ayant pas internet.
 
On rejoint ensuite le coin pâtisserie, tous les deux, et je lui en reparle. Il me dit qu'il n'a pas internet chez lui... parce qu'il n'a pas de chez lui, en fait. Il dort dans sa voiture.
 
Ah. Ok. Qu'est-ce que je fais de ça? Evidemment, il ne m'a pas demandé de lui rendre service, de l'héberger ou que sais-je encore, mais quand tu prends la bombe dans la face, tu en fais quoi? Tu la rends et tu dis, ah, ok, c'est cool, tu goûtes à ma pâte à... bombe - justement - en attendant?
 
J'ai cherché une solution, quelque chose, est-ce qu'il n'y avait pas moyen de... Il a repoussé l'idée en disant que c'était une épreuve de la vie, toussa, et puis, quelques heures plus tard, alors que nous finissions le service à l'IEA, il s'est vanté qu'il irait faire la chasse aux cougars, le soir. Pour trouver l'amour, a-t-il précisé. Et un toit?
 
Je ne vais pas mentir, ça m'a trotté dans la tête toute la journée. Ce qui est compliqué, c'est que le type n'est pas spécialement sympathique (cette histoire de cougars, bon, bref...) et qu'en plus, il a rabaissé ses critères de cougar quand il a su que j'avais 40 ans. 10 ans de moins d'un coup, qu'il a pris, son curseur, mais le plan drague à deux balles dans une cuisine surchauffée, euh, comment dire... J'ai eu moins envie de lui proposer mon canapé.
 
N'empêche, on fait quoi de ces situations extrêmes?
 
Le soir, heureusement, j'ai pu reprendre ma tenue de Mercotte, non pas en pâtissant, c'te blague, mais en jouant la grande méchante auprès de Loulou, qui avait choisi ce jour pour aller voir un copain à Trifouillis-les-Oies, après le collège, alors qu'il avait, dans le même temps, une radio à passer pour voir si Sever l'avait attaqué.
 
...
 
Ce vendredi, je travaille donc à la maison, avec Internet, veinarde que je suis, et surtout, c'est les vacances scolaires ce soir. En bonne mercotte, je peux l'avouer: je vais pouvoir souffler et envoyer le pré-ado chez son papa. C'est moche, hein?
 
Ah, et que Mercotte ne m'en veuille pas, j'imagine bien que c'est juste une attitude pour l'émission, ce côté cassant et désagréable, n'est-ce pas? Hum?
 

vendredi 10 octobre 2014

Ne me parlez pas de petits beurres...

Oui, oui, en vrai, c'est bon.
 
 
J'ai toujours adoré les "Petits Lu". Ma sœur aussi, elle qui, mince comme un fil, s'en offrait un paquet entier à l'heure du thé, lorsqu'elle rentrait du lycée. Les petits beurres, c'est donc un peu notre petite madeleine, à la maison, le souvenir de dimanches réchauffés par le grand jeu du "mordez-leur les oreilles, avant de les croquer."
 
Pourtant, j'ai eu envie de les boycotter pour un petit moment, là. D'ailleurs, j'en ai rêvé. Chez Vincent Guerlais, ils font de délicieux petits beurres, mais revisités, au praliné, au chocolat, noir ou au lait.
 
Très bien, vous me direz.
 
Ben oui, mais la blague, c'est qu'ils en ont font des boîtes entières. Et qu'il faut bien les fabriquer. Et donc les démouler.
 
Et c'est là que la mouette, cette stagiaire, intervient.
 
J'ai dû démouler, je ne sais pas, deux mille, cinq mille, huit mille de ces petites douceurs, mercredi et jeudi. Ma seule compensation m'a permis de tenir le coup: j'étais au labo chocolat, où sévissent les specimen physiquement intelligents, du genre bruns ténébreux, à commencer par une star de la télé, oui, oui, puisque le chef du labo a participé à la première édition de "Qui sera le meilleur pâtissier?". (la photo ne rend pas grâce à sa beauté intérieure, hum).
 
Quand, jeudi, mon "tuteur" de stage m'a indiqué que je recommençais la tâche de la veille, j'ai pris ça comme un jeu, du genre, je vais m'amuser à aligner différemment les petits beurre, pour varier les plaisirs. A 8 heures du mat', j'étais déjà un peu lassée. A 9h20, après la pause, je me suis demandé quand le carnage allait cesser. A onze heures, j'ai retrouvé un peu de joie en empilant par dix les saletés, plutôt que de les prendre par quatre. A onze heures quinze, un physiquement intelligent m'a demandé pourquoi je les traitais ainsi.
 
"Bah, pour aller plus vite!" lui ai-je répondu fièrement.
 
" Ça les raye", m'a-t-il asséné. Cassée, la mouette.
 
J'ai repris mon rangement par quatre.
 
A midi, mon tuteur s'est inquiété de mon état. Et quand, à 13 heures bien sonnés, il m'a précisé que demain, y'aurait du changement... car on passait au chocolat noir, il a bien saisi à mon regard que j'étais à deux doigts de la syncope.
 
"OK, on va alterner avec Bei", l'autre stagiaire, qu'il m'a dit gentiment, "ce serait bien que tu gardes un bon souvenir de nous, quand même."
 
Car c'était aujourd'hui ma dernière journée de stage. Et, de fait, j'ai patouillé mes mains dans le chocolat, le praliné, pesé des dizaines de kilos d'amandes effilées et tamisé des poudres par milliers. De quoi me faire oublier les petits beurres et repartir avec le sourire, satisfaite d'avoir vécu, trois semaines durant, dans un réel temple de la pâtisserie...

dimanche 5 octobre 2014

Dans les choux

Je l'avoue, chez Vincent Guerlais, je rongeais un peu mon frein de ne pas réaliser des tâches purement "pâtissières". Mais ça, c'était avant les commandes de pièces montées.
 
240 choux. On ne s'emballe pas, je n'ai fait que les garnir, c'est Jimmy, qu'il est trop fort,
qui réalise de telles pièces montées...
 
 
Hier, j'ai dû garnir, allez, quatre cents petits choux de crème vanille ou de chocolat.
 
Autant vous dire que la douille, maintenant, est moins rétive à mon contact...

vendredi 3 octobre 2014

Call me "Mrs Freeze"!

Eh oui, j'ai un nouveau surnom. "Mrs Freeze". C'est Jimmy, second du chef au labo pâtisserie, qui m'a octroyé ce joli nom, rapport aux heures passées ce matin dans le congel'. J'exagère à peine. En sortant, j'avais faim, tellement j'avais dû brûler de calories.
 
Le croissant, il a pas fait le malin quand il m'a vue.
 
Dans ce lieu glacial et sombre, j'ai donc démoulé, rangé, compté, plaqué et puis, quand même, un moment, Jimmy a dû avoir pitié. OK, j'avais ma polaire, un blouson au dessus, deux couches de gant mais je faisais peine à avoir, j'imagine. Du coup, je suis partie garnir des petits choux. Ceux-là même qui me faisaient déjà les yeux doux hier...
 
Bon, je sais pas vous, mais moi, j'ai les yeux qui me piquent. Ah bah c'est normal. A 20 heures, je suis au lit. Rapport au réveil matinal à 3h, demain matin.
 
Euh, je rêve ou j'ai plus de vie? :)

jeudi 2 octobre 2014

Le nez (gelé) dans le cacao

Le froid a un avantage, c'est qu'il fait brûler des calories.
 
A peu près 34 pour un quart d'heure passé à -18°... contre 167 000 ingurgitées le temps de passer devant ma copine Bei, qui couche des choux et qui met de côté ceux qui sont moins jolis.
 
Si on ne les mange pas, ils partent à la poubelle (je ne suis pas une poubelle, c'est juste que ces choses-là sont addictives) (franchement, ce serait dommage) (oui, je répète, je ne suis pas une poubelle).
 
34 calories contre 167 000...
 
Super efficace, comme technique pour perdre du poids, hum?
 
Ah oui, on est d'accord, ce n'est pas la question. Je suis là pour bosser, le reste, c'est de la littérature (enfin, on n'est pas obligé non plus de tolérer les bourrelets, juste-parce-que-ça-compte-pas-puisqu'on-bosse, on est d'accord).
 
C'est comme le croissant du matin, à la pause. A 9 heures, hop, tout le monde s'arrête, on boit le café et on se chope un petit doré au passage. On n'est pas obligé, bien sûr. Rien dans la convention de travail ne stipule:
 
"Stéphanie M. devra manger un croissant chaque matin à la pause, en vertu de l'émulation collective et de sa bonne intégration à la société".
 
Non.
 
Mais quand on s'est levé à 5 heures du matin, qu'on est depuis 3 heures debout et concentré sur les tâches les plus diverses, la tentation est grande, avouez-le.
 
Pourtant, si vous saviez à quoi je résiste... Les amandes torréfiées qui gigotent encore sur le marbre, les chutes de chocolat, les pistoles - toutes petites, ce serait si facile d'en prendre une ou deux au passage - les orangettes au chocolat, et toutes ces petites douceurs qui traînent ça et là, parce qu'une personne a malencontreusement mis un doigt sur le glaçage, rendant l'entremet invendable, ou a rippé (on se prend un nombre de coups hallucinant, par les collègues qui passent et repassent derrière nous alors qu'on essaie juste d'être le plus précis possible).
 
Bref, vous l'aurez compris, je ne suis pas, mais alors pas du tout dégoûtée du sucre ou du chocolat après une dizaine de jours à bosser au labo. Pourtant, j'ai quasiment passé ma journée de mercredi le nez dans le cacao. Et quand je dis "le nez dans le cacao", c'est littéralement ça: hier, après avoir brassé des centaines d'orangettes dans cette subtile poudre brune, j'ai vu le regard des uns et des autres s'éclairer en passant devant moi.
 
Aurais-je été touchée par la grâce? Auraient-ils entrevu ma beauté intérieure sous la façade de l'apprentie pâtissière?
 
Non.
 
A la place, on m'a clairement suggéré de prendre une bonne douche en sortant. Et pour cause, ma tenue noire était marron et j'avais le visage comme celui d'un comique blanc qui aurait voulu se grimer en noir (très réussi et naturel, donc).
 
En rentrant, une fois débarbouillée, j'ai voulu me moucher. J'avais du cacao dans le nez. Mais plein, hein, comme si je m'étais vraiment repoudré le nez.
 
Je crois que je suis repérée.
 
Je pourrais craindre que ça jase derrière mon dos, car au labo, ils aiment bien balancer. Le jour où une planche en bois toute pourrie est venue se casser alors que nous avions posé dessus environ dix tonnes de pâtes de fruit, la nouvelle a fait le tour en 3 minutes et on nous a bien chambrées, les autres filles stagiaires et moi. Hier, quand un apprenti a écrit "noizét" sur sa recette, il a été humilié en dix secondes par son chef (il avait quand même le début du mot bien écrit, non?) (le pauvre).
 
Mais après tout, le ridicule ne tue pas. Il n'est pas rare de croiser un petit homme en polaire, avec le bonnet assorti, dont on devine à peine le visage, foncer vers le congel', ou un autre avec une manchette orange, pour corner, vanner, coucher...
 
Alors, puisque le congel' est aussi devenu ma seconde maison, moi aussi, j'ai rajouté du polaire et de gros gants à ma tenue, même si j'ai bien conscience que le froid est mon ami - rapport à ces saletés de petits choux qui traînent.
 
Le pire, c'est que je ne suis pas fan de choux, à la base. Mais que voulez-vous, on peut vite réviser son jugement, dans un tel temple de la douceur...

lundi 29 septembre 2014

Où j'ai voulu décrocher la lune

Mes pieds étaient gelés, par la fraîcheur du sable. Le vent s'était un peu levé et mes deux gilets enfilés l'un sur l'autre ne pouvaient me réchauffer. Je grelottais.
 
Et pourtant.
 
Pourtant, je me suis rarement sentie bien qu'à cet instant. Le froid, la fatigue, les doutes, rien ne pouvait ternir ce sentiment soudain et surprenant de plénitude.
 
 
Sinon, vous croyez que je peux envisager une reconversion dans les cartes postales?
 
Samedi. Il était 20 heures et des poussières, peut-être. Je fixais l'horizon et j'ai saisi ma chance, j'ai mesuré le luxe de prendre ce temps sur cette plage pornicaise, en songeant que ma journée, commencée si tôt, avait pris une sacrée amplitude.
 
...
 
Seize, dix-sept heures plus tôt, j'étais au volant, attendant d'ouvrir le compteur des voitures croisées. Bilan : une. J'ai croisé un autre zozo matinal de tout le trajet, en allant bosser si tôt.
 
Drôle de sensation que celle de mener une vie parallèle, quand la ville dort.
 
A 4 heures du matin, chacun était déjà affairé au labo. Nous avons dressé, dressé, dressé, des multitudes d'entremets tous plus beaux, et puis, nous avons rangé, anticipé, porté, couché, dressé, encore.
 
L'exigence est de mise et, si l'on dépasse d'un millimètre le point exact où il fallait coucher la chantilly, on se sent juste tellement à côté de la plaque qu'il faut vite se ressaisir pour passer au suivant.
 
Il paraît que j'avais des petits yeux. Une semaine de passée, déjà, et des marques de fatigue? En fait, je ne me bats pas tant contre la fatigue (enfin, c'est vite dit, j'ai l'impression que ma couette est devenue l'une de mes visions-fétiche, ces derniers jours) que contre le froid. En passant devant chez... Damart, ce midi, j'ai sérieusement songé à rentrer pour la première fois dans la boutique pour essayer leur truc qui tient chaud.
 
Et puis j'ai pensé que j'aggravais mon cas. Je veux dire, Damart, ce serait pas un peu pour les vieux?
 
Donc, je me suis ravisée. Mais, quand même, ils ont quand même une sacrée cible à viser, parmi ceux qui se gèlent dans les chambres froides.
 
Ben oui, parce qu'un labo comme celui de Vincent Guerlais recèle de ces pièces, tantôt accueillantes (je vous explique pas le shoot dans celui dédié au chocolat...), tantôt... eh eh eh, glaçantes (elle était facile, mais tellement réaliste). Et quand on doit y passer dix minutes, le temps de ranger des plaques de macarons, par exemple, on a beau avoir endossé une polaire, les doigts sont brûlés, et l'engourdissement tarde à s'éloigner.
 
Cette prise avec le réel me donne à voir, vraiment, ce qu'est ce métier. Sa dureté, son décalage avec une vie sociale "raisonnable". Son exigence, mais sa beauté, aussi. J'avoue une légère frustration, parce qu'il s'agit d'une véritable machine et que les stagiaires ne sont pas habilités à réaliser des recettes de A à Z. On pèse - 15,414 kg de crème fraîche, 12, 856 kg de chocolat blanc, 868 g de beurre de cacao... - on dépose les seaux et une autre personne exécute pendant qu'une nouvelle tâche nous appelle. J'aime l'intensité du rythme, moins le peu d'approfondissement.
 
Cela n'enlève rien au plaisir que je ressens de découvrir cet univers.
 
C'est pour cela aussi, je crois, que j'ai tant savouré ce moment, entré directement dans le top 5 de ma boîte à images, parce que j'avais juste à ouvrir les yeux, contempler la beauté de cette nature, suivre naïvement le coucher du soleil et la lente métamorphose des nuages - ce soir-là, le ciel était rempli de dinosaures, allez avoir pourquoi - et être là, sentir mes tensions s'apaiser.
 
Oui, j'aime bien rappeler que la terre est ronde. Et puis, faire des photos droites, non, vraiment, avec un esprit tordu comme le mien, c'est juste inconcevable.

Vous les voyez, ou pas, les grands dinosaures?


J'ai greloté et pourtant, j'aurais voulu ne jamais partir.

Elle n'était pas si loin, la Lune...
 
 
La lune était d'un orange comme jamais je ne l'avais vu. En me relevant, j'ai juste souri. Comme si mes sens étaient à ce point aux aguets que je voyais littéralement un nouvel horizon se profiler, là, à portée de main.
 
 
 
 
Comme si je pouvais décrocher la lune, juste en levant mon bras vers elle.
 

mercredi 24 septembre 2014

Du sang sur la dalle

14h30. Retour maison.

Une tache rouge au sol. Grande, large, imposante. Oui, devant ma maison.

Depuis deux jours, Loulou a été propulsé "grand garçon". Vu l'heure à laquelle je quitte mon home sweet home tous les matins, il se lève plus tard que moi, s'habille, déjeune et part prendre son bus, comme le grand garçon qu'il est, donc. Il a bientôt 11 ans, j'imagine que ce bond dans l'autonomie n'est pas une hérésie.

N'empêche, y'a une tache de sang devant chez moi. Il s'est passé un truc.

Je me précipite sur la porte, dans le couloir, le salon... Loulou trône paisiblement sur le canapé.

Pas de mort, pas de kidnapping, pas de drame.

C'est déjà ça.

"Eh, maman, t'as vu, j'ai fait une blague pour effrayer Marvin quand il va arriver!"

Loulou a mangé un clown, visiblement.

Marvin est donc cet enfant venu passer l'après-midi avec Loulou, sans même remarquer la fameuse tache de sang (du ketchup, en fait).

Pendant ce temps, j'ai failli faire un arrêt cardiaque (enfin, si j'étais cardiaque, je veux dire).

Et, histoire de me finir, Loulou s'est peinturluré les mollets en bleu-blanc-rouge, ce soir, pendant que je préparais le dîner, genre pour encourager nos Tricolores.

Lesquels, je l'ignore, mais il était content de son coup. Moi, beaucoup moins, une histoire de patience un peu bousculée, peut-être.

On me dirait que Loulou a besoin d'attirer mon attention que je ne serais pas étonnée, tiens.

Je comprends pas, je suis tellement disponible en ce moment, pourtant...

mardi 23 septembre 2014

La souris et les fourmis

"Tu es en stage découverte?"
 
Je vous parlais de cette nouvelle jeunesse que j'avais envie de célébrer mais, sincèrement, je ne pensais pas avoir fait un tel bond dans l'espace-temps.
 
Le stage découverte, c'est pour les 3e, non?
 
En même temps, je ne me suis jamais couchée aussi tôt depuis mes années collège... Choix stratégique pour une marmotte telle que je peux l'être car, comme prévu, ce matin, à l'heure du réveil - 5h pétantes - j'ai envisagé de faire la morte.
 
Et puis, en remettant en place deux neurones au moins (mais en vrai, Sarko, il le fait vraiment, je veux dire, il va nous faire la retape, toussa toussa?) (ça se trouve, il a retrouvé ses neurones en faisant son yogging, qui sait) (tu m'étonnes que j'ai pas envie de me lever, lorsque la première image de la journée se fixe sur le nabot) (bref), en remettant en place deux neurones au moins, j'ai saisi l'intérêt de se lever fissa.
 
Eh eh eh, premier jour chez un grand de la pâtisserie...
 
Autant vous le dire, j'ai été impressionnée. C'est une véritable machine, mais avec du vrai humain dedans. Comprenez que j'y ai vu des cuves que je ne pourrais pas porter toute seule, si l'envie me prenait d'appeler mon ami le balai, que j'ai balancé plus de 6kg de chocolat blanc et 2 kg de beurre de cacao dans une seule et même préparation, que j'ai dû assembler au bas mot 500 macarons, coque après coque, sur les 7000 de la fournée...
 
Et qu'en même temps, ce sont de vraies personnes qui œuvrent. Combien sont-ils? Vingt? Trente? On sent tout le savoir-faire de ces chocolatiers, pâtissiers pour qui l'exercice n'est pas une lubie depuis qu'ils sont tombés sur Top Chef, mais bien un métier, une passion, une envie de bien faire.
 
Avec mes deux mains gauches, j'ai été servie d'entrée de jeu puisqu'il était question de poser délicatement une framboise fraîche sur un dôme aux contours fragiles, avant d'entourer le tout d'une non moins fragile spirale en chocolat... Le baptême du feu aura été immédiat.
 
Le Mulinello, ou comment dérouler une spirale comme si sa vie en dépendait...
 
 
Pourtant, pas de stress ni de peur de mal faire, je me sens pleinement dans mon élément, concentrée et appliquée. Pas d'autre alternative, cela étant, tant il est question de minutie et de rigueur.
 
La journée a passé à une telle vitesse que je n'ai fait qu'observer de loin les multiples postes de travail, sans pouvoir m'attarder sur la coupe du chocolat ou sur les dressages de certaines petites tueries qui, une fois décomposées, semblent tout de suite un peu plus réalisables (enfin, on ne s'emballe pas, je mesure la complexité de chaque création). Pas de frustration, je fais ma petite souris au milieu des fourmis et j'aurai encore l'occasion d'assouvir ma curiosité.
 
Pour l'instant, je vais faire ma collégienne de base et voir si Morphée veut bien m'accueillir à l'heure où je démarre normalement ma soirée. Histoire de ne pas me prendre une échelle remplie de pastillage ou de tartelettes dès mon arrivée au labo demain...

lundi 22 septembre 2014

Allons voir l'agitateur de papilles...

Je sens que je vais me coucher tôt ce soir. L'effet du punch que je bois en intraveineuse depuis mon anniversaire, pour noyer le chagrin d'être si vieille en ce miroir vider la cuve que j'avais prévue alors que mes amis ne sont pas des alcooliques?
 
Non. En fait, j'ai un truc à vous dire, et ça fait un moment que j'attends ce jour pour vous l'annoncer.
 
Tin tin...
 
D'ailleurs, depuis près de deux mois, la lettre trône sur mon frigo (je vais peut-être envisager un léger ménage, quand j'y pense, on dirait... ben, rien, justement, mon frigo ne ressemble plus à rien, sinon à un patchwork d'œuvres de Loulou et à des tas de petites notes de partout).
 
A la base, c'était un frigo, avec du miam miam à l'intérieur.
Et on s'étonne que ce soit le bordel dans ma tête, après ça...
 
 
Mais, si, regardez bien...
 
Comment ça, c'est flou? Oui, ok.
Bon, l'important, c'est qu'ils aient le plaisir de m'accueillir dans leur laboratoire, non?
 
Demain matin, je démarre un stage de trois semaines chez Vincent Guerlais. Pour les non-initiés et ceux qui n'ont pas la chance d'habiter la région nantaise, Vincent Guerlais, c'est un chocolatier-pâtissier qui tue sa mère excelle au point de viser le titre de MOF et pour moi, c'est juste un rêve de pouvoir travailler dans son laboratoire.
 
Non, pas pour manger à l'œil des kilos de chocolat, croquer un p'tit blond ou m'empiffrer de crémeux au cheesecake. J'ai des principes, et si je peux éviter de prendre 15 tonnes en quelques jours, eh bien, j'hésiterais pas. Pas envie de repartir en roulant, hein.
 
C'est simple, tout est beau, bon, classe. Pour les curieux, allez régaler vos yeux, c'est sublime.
 
Voilà, je vais me coucher tôt, disais-je, parce qu'au niveau des horaires, ça pique un peu. 6h du mat' en semaine, 4h le samedi...
 
Heureusement que je suis encore jeune.
 
Ah oui, parce que j'ai autre chose à vous annoncer. En fait, on ne se transforme pas en affreuse sorcière le jour de ses 40 ans. C'est mieux que ça, les âmes merveilleuses que j'ai autour de moi ont su largement me donner le sourire et me donner à penser que, décidément, la vie ne fait que commencer, tant qu'on garde les yeux grand ouverts.
 
Euh, je fais la maligne, mais on verra dans quel état seront mes paupières, dans trois semaines, tiens.

vendredi 19 septembre 2014

Seventy four

OK, soyons concentrés.
 
 
Combien j'ai de doigts?
 
Combien de cheveux blancs?
 
Combien d'enfants?
 
Même la bougie a déjà pris cher.
 
Combien de mari?
 
Combien de raisons de pleurer ?
 
Combien de prétextes pour sourire ?
 
Combien de rêves ?
 
 
Alors, 10, 3, 1, 0, 36, 48, numéro complémentaire 10 000.
 
 
Mon loto a un drôle de tête mais il est l'histoire de ma vie.
 
Ma vie, elle, n'est pas vraiment linéaire et mon balai, qui a décidé de s'incruster parce que, visiblement, il est bien au chaud chez moi, ne va pas me démentir, lui qui me rappelle constamment cet état d'instabilité.
 
Je suis une pub vivante pour les appels à témoins. Ancienne anorexique devenue boulimique, journaliste femme dans un milieu d'hommes, mère célibataire, apprentie cuistot à l'âge où les vrais, ceux qui ont passé leur CAP à l'adolescence, ont déjà 25 ans de métier derrière eux, je cumule et si je n'ai guère d'appétence pour le racolage télévisuel, je reconnais que j'aurais pu être une bonne cliente pour Confessions intimes ou autre déballage sur des chaînes d'un haut niveau intellectuel.
 
Je suis pourtant tellement normale. Comme nombre d'entre nous, j'ai peur du temps qui passe, et si je devais réécrire ce petit laïus, je n'en changerais pas une ligne.
 
C'est juste qu'au lieu de chercher une voie rassurante (relativisons, nous sommes quand même entourés de grands méchants qui coupent des têtes et gouvernés par des têtes qui devaient l'être) (sans doute plus méchantes mais aussi coupées, je veux dire) (non, parce que là, quand même, faut pas pousser, quand on commence à ressentir des bouffées de chaleur de honte dès que Prési & cie sortent de leur boîte, c'est moyennement bon, non?) (et non, mes bouffées n'ont rien à voir avec la ménopause, je vois les mauvaises langues réagir un peu vite), BREF, au lieu de me rassurer en retournant sur le droit chemin, j'explore, je divague, je m'égare, je teste, j'imagine, je rêve, j'envisage (et j'abuse des parenthèses, faut-il le souligner).
 
Je me prends pas mal les pieds dans le tapis, aussi, mais ça fait partie du kit "je-veux-bien-grandir-mais-garder-un-petit-bout-de-mes-4-ans".
 
C'est drôle, en ce jour un peu spécial pour moi, je pensais être capable de dresser un bilan. J'imaginais déjà évoquer une phobie administrative pour ne plus avoir à confesser mon grand âge. Je me voyais, telle Greta Garbo, me retirer avec dignité avant que les sévices du temps ne fassent vraiment leur œuvre.
 
Mais, rien à faire, je continue de courir (bon, ok, le balai aime bien me jouer quelques tours), de pédaler le nez au vent, d'avoir 8 ans devant une glace en revenant de la plage, de me rouler dans le sable chaud sous le regard effaré de ceux qui, pourtant, me connaissent un peu. Je ne renie toujours pas mon rire, même si ma crédibilité ne lui dit pas merci, parce que c'est comme un reste d'enfance et d'insouciance.
 
Oui, je continue de regarder les quadras à cravate comme des gens pas tout à fait comme moi, les mamans d'élèves comme des femmes tellement plus investies dans la vie locale, et quand je me vois dans la glace, je sens toujours ce décalage avec l'idée très conformiste que je me fais des adultes.
 
Ce matin, au lieu du bilan mi-figue mi-raisin que je pensais établir, je mesure surtout tout le chemin qui reste à parcourir, et ça me donne un étonnant sentiment de... jeunesse.
 
Non, je ne cherche pas à me rassurer (quoique), je saisis pleinement les chances qui me sont données de vivre à plein cette décennie qui démarre.
 
Bref, j'ai 40 ans.