dimanche 22 novembre 2015

Bon jour

Ce matin, mon épi, mon chalazion (pas du tout dramaturge, j'ai vu mon ophtalmo en urgence cette semaine, croyant que j'allais perdre mon œil), mes poils aux pattes (je vous ai dit que j'étais célibataire? Au cas où vous ne le sauriez pas, là, c'est juste l'indice parfait.) (j'ai honte) (mais au moins, j'ai chaud aux mollets), bref, tout ce monde-là et moi, nous sommes partis courir.
 
Etait-ce le vent frais mais sec, ce soleil, le ciel bleu, la couleur des feuilles? Je ne sais pas, j'avais juste envie de dire bonjour à tout le monde.
 
Même à celui qui m'a collé son gros chien dans les pattes.
Même au cycliste qui m'a couvert de boue à son passage.
Même à cette vieille dame qui m'a regardé comme si j'avais tué sa mère au moment où j'ai osé la saluer.
Même à ce couple visiblement amoureux, que j'ai zieuté avec un rien de jalousie.
Même à cet homme visiblement célibataire depuis bien plus longtemps que moi, à qui j'ai eu envie de rabattre la langue tellement il bavait... (Vous me direz, c'était peut-être la fatigue extrême qui lui donnait cet air lubrique) (honnêtement, ça devait être ça, en fait, parce qu'avec mon épi, mon chalazion et mes poils aux pattes, j'étais pas au comble du glamour, hein).
Surtout à ce jeune homme physiquement intelligent qui a eu la bonne idée de croiser mon chemin (toujours ça de pris, hum).
 
Oui, j'avais le sourire, celui qui incite les autres à s'y mettre aussi et à le lâcher, ce fichu "bonjour", même du bout des lèvres.
 
Oui, je me suis dit que c'était quand même bête de crier à la fraternité sur les réseaux sociaux et de se renfrogner en vrai. Tel un bisounours, j'ai envie d'aimer les autres. J'ai envie de penser qu'on est tous dans le même bateau et qu'on a peut-être intérêt, mine de rien, à le piloter ensemble.
 
Et puis, de toute façon, le chien, il m'a même pas fait tomber, d'abord. Et puis, la boue, elle est partie du premier coup. Pourquoi il aurait fallu s'énerver, hein? :)

vendredi 20 novembre 2015

Schizophrène

Schizo. Voilà comme je me sens en ce moment.
 
Ce matin, par exemple, j'étais dans l'hémicycle du Conseil régional pour retranscrire les débats de personnes politiques ou pas, d'ailleurs.
 
En rentrant, j'avais ça dans la boîte aux lettres:
 
Déjà, un DRH qui prend encore la peine d'envoyer une lettre, fût-elle de refus, on frise le paranormal.
 
Ah oui, c'est vrai, j'envoie des candidatures à la pelle, en ce moment, pour dégoter un poste en cuisine, pâtisserie, traiteur, vous voyez bien.
 
Je fais ça entre deux articles parce que, oui, je cherche aussi de la pige et j'ai même enfin découvert Star Wars, si si, à 41 balais, à la faveur de deux papiers (que je n'ai finalement même pas rédigés, la loose). A la place, j'ai analysé le rôle de Disney dans le 7e art. Cherchez l'erreur.
 
J'ai écrit un portrait aussi, cette semaine, sur un entrepreneur nantais... en rentrant de mes services du midi. Je devais un peu sentir la frite, j'imagine, en écrivant ce papier, après avoir monté du burger et des panini.

Hier soir, libérée de ces petits retours vers le futur (ou était-ce des réminiscences du passé?), j'ai pu passer un entretien. Je retiens mon souffle, mais j'ai adoré ce moment et je reste en course pour ce poste de commis de cuisine. Fingers crossed.

De quoi bien finir la journée après un début larmoyant. Je devais en effet évoquer mon projet de pâtisserie avec une coopérative d'entrepreneurs, hier. Face à l'urgence financière (dans moins de 2 mois, plus de droits, c'te blague), j'ai dû me rendre à l'évidence: il me faut reporter mon projet, remballer mon bébé et mes idées, mettre le tout sous couveuse et attendre le retour des éclaircies...

Et donc réfléchir à mon avenir, faire ces sauts de puce d'un monde à l'autre, envisager ma place dans le travail comme quelque chose d'aléatoire et fluctuant.

C'est un peu fatigant, devrais-je admettre. Pour tout dire, j'ai l'impression de sauter d'un univers à l'autre en un éclair, de troquer ma panoplie "d'intellectuelle" (hum) pour celle de manuelle, avant de tout enlever et de me ressentir un peu... déboussolée, peut-être?
 
Pas le choix, je crois. Ainsi va ma vie.
 
Ce matin, la conférence traitait du "travail en 2030". A écouter le consultant parler, je me suis dit que je n'étais pas la seule à virer schizo. Les amis, on est beaucoup à avoir basculé, et le mouvement va grossir, entre deux activités qui n'ont parfois rien à voir.
 
Schizo, oui. Je ricane intérieurement quand j'affirme que j'irai à la soirée pyjama chez Jawad, ce soir, événement organisé sur Facebook, me délectant des commentaires sur ce vrai mytho (ah pardon, supposé mytho, n'oublions pas la présomption d'innocence, les amis) qui a accueilli à l'insu de son plein gré des mecs armés jusqu'aux dents. Oui, je me marre franchement devant les trésors d'imagination des internautes. Et puis, je bascule dans la tristesse extrême en lisant ce témoignage de Louise, si touchant; Louise, qui n'a pas renoncé à son humour pour raconter l'horreur; Louise qui me tire les larmes et me remue les tripes.
 
Schizo. Ou juste très, très humaine, à assister comme chacun à la transformation de notre monde...

samedi 14 novembre 2015

Le deuil


 
L'horreur a frappé à notre porte. Elle relativise évidemment nos petits bobos et peines de cœur, soucis quotidiens et autres tracas qui deviennent soudain si futiles.
 
Pensées pour toutes les victimes, pour leurs proches.
 
Je suis en deuil.

jeudi 12 novembre 2015

Clark et moi

"Non, mais oh, t'es vachhhhhheeeeeeee!"

Un jour de novembre 2014, assis derrière son ordi, il a levé la tête, m'a regardé, mi-courroucé, mi-stupéfait et il m'a dit ça :

 "Non, mais oh, t'es vachhhhhheeeeeeee!"

Je me suis touché le torse, j'ai cherché le bouton mais je n'ai pas réussi à faire "meuh" (j'avais un drôle d'humour à l'époque, je m'en rends compte).

Pourtant, j'ai compris rapidement l'objet de son courroux.

L'homme parcourait mon blog et lisait ce post.

Dedans, j'écrivais notamment : " je n'ai pas mon Clark Gable à disposition (on fait avec les moyens du bord, y'en avait plus en rayon, quand on parle de pénurie, je vous jure, ce ne sont pas de vains mots) "

Laissant entendre, donc, que j'étais comme une âme en peine, sans la moindre trace d'amour à mille kilomètres à la ronde. Alors qu'un homme, un vrai, était bel et bien à quelques mètres de moi, là, dans ce salon soudain envahi d'incompréhension et de gêne.
 
...
 
 
Pourtant, il était là, mon Clark, revenu après avoir pris le large.
 
Et puis, la vague l'a de nouveau emporté.
 
Un an après avoir écrit ces premiers paragraphes, Clark n'est plus mon Clark. J'ai envie de me recroqueviller et puis, dans un même élan, de relever la tête.
 
J'ai envie de taire ma douleur; en même temps, j'ai l'impudeur de vouloir la partager, comme pour mieux évacuer toutes ces choses qui pèsent sur mon cœur.
 
Je me sens sereine mais j'ai les yeux embués.
 
Je suis solide mais mes jambes sont en coton.
 
Je me dis que tout ça ne regarde que nous deux. Je me dis que la tristesse fait partie du processus très banal que je vis, de nouveau. Je relativise.
 
Mais après tout, pourquoi retenir ses larmes? Je sais, le temps fait son œuvre, patin couffin.
 
Aujourd'hui, c'est juste que si je tourne la tête vers cette chaise désormais vide, c'est juste le souvenir d'un air mi-courroucé, mi-amusé, qui me reste en mémoire.
 
Rien d'autre.
 
Et pourtant tellement.