mercredi 1 juin 2011

Tout ce que j'aurais voulu dire...

J'aurais tellement de choses à vous raconter que je ne sais plus par quoi commencer. Ma petite vie va à cent à l'heure, actuellement, et ce n'est pas pour me déplaire, vous l'aurez deviné. Du coup, j'en viens à me demander si je ne ressens ce besoin d'écrire qu'en ces temps de doute et de solitude pas si lointains. Bien sûr, la propension à s'épancher ici est d'autant plus grande qu'elle comblait sans doute, jusqu'ici, une sorte de vide abyssal que je ressentais trop souvent. Pourtant, l'envie d'écrire ne m'a pas lâchée. J'ai simplement été prise dans un tourbillon, et je n'ai pas pris le temps de vous raconter ces deux, trois choses que j'aime habituellement partager avec vous.

Tout se perd, les amis.

Bref.

J'aurais pu vous raconter, par exemple, cette sensation incroyable que j'ai ressentie, vendredi dernier, face à Poney. J'ai eu littéralement l'impression de voir sortir des pages de son manuscrit la petite fille qu'elle décrivait si bien. L'enfant délaissée qu'elle a été, à la fois privilégiée (matériellement) et tellement esseulée. Si vive et si seule. Poney se trouve provisoirement dans un EHPAD (mais si, vous savez, ces accueils de jour, des maisons de retraite, quoi. 'Scusez, je suis intoxiquée par les abréviations à force d'écouter du politicard) et c'est donc dans cet endroit paisible et - évidemment - mortel (sans mauvais jeu de mots) que je l'ai retrouvée pour nos traditionnels entretiens. Dépitée de se trouver au milieu de ces vieux qu'elle déteste (!), Poney, 86 ans, ne cache pas son mépris pour ces braves âmes dont le but est d'avoir la plus grosse maladie à mettre en exergue à la face de tout l'EHPAD.
Alors, Poney a haussé les épaules, soupiré, et s'en est allée. Elle n'a rien à voir avec eux, et continue de se pomponner. Plus par habitude qu'autre chose, je crois. Elle est totalement découragée. Elle aimerait tant que son manuscrit soit publié... Patience, patience, ai-je tenté de la rassurer. Mais tout était décidément trop lourd, ce jour-là. Elle n'en pouvait plus. Ses yeux brillaient plus que de raison et elle a serré les dents, très fort. J'en ai eu la chair de poule. Et là, j'ai compris ce parallèle entre celle qu'elle est aujourd'hui et cette petite fille, qu'on baladait de maison en maison, parce que sa présence gênait sa propre famille. Je me suis dit que même à 86 ans, on n'était pas blasé. Que l'on pouvait ressentir avec la même violence les uppercuts que la vie nous inflige et, comme une gamine de 8 ans, nourrir cette part d'espièglerie, que Poney garde au fond d'elle.

J'aurais pu vous raconter combien je me suis sentie à côté de mes pompes, lundi, lorsque les institutrices nous ont conviés - nous, parents respectables - à une petite réunion pour débriefer sur les évaluations nationales. En les écoutant parler, j'ai constaté, non sans un certain effroi, que j'étais complètement passée à côté de cet épisode scolaire de mon Loulou. Oh, j'avais bien signé un mot stipulant que les élèves allaient s'atteler à de petits tests. J'ai surtout pensé que le Ministère de l'Education y voyait là l'occasion de remplir des cases et de nous sortir de jolies stats. Point. Je n'ai même pas envisagé une seconde de faire bachoter mon fils, au contraire de mères tellement plus impliquées que moi... Et à voir certaines d'entre elles noter assidûment tous les commentaires des instits ce soir-là, à entendre d'autres revenir sur l'état d'avancement - ou plutôt de retard- de la classe sur le programme scolaire, je me suis juste enfoncée un peu plus dans ma chaise. En même temps, on était tous un peu ridicules, derrière notre pupitre, genre les géants dans un monde de lilliputiens.

J'aurais pu vous raconter la magie de Royal de Luxe, troupe installée sur Nantes depuis des années, revenue dans sa ville en fanfare avec un spectacle absolument grandiose, que j'ai suivi les yeux écarquillés. Au delà du réalisme de ces géants, au delà de l'énergie incroyable déployée par ces artistes en tenue de velours sous le cagnard nantais, au delà de la grandiloquence de l'événement, j'ai savouré ces miettes de l'enfance que ces hommes et ces femmes jetaient, en battant le pavé, en sautant, en criant, heureuse de constater que l'imagination a encore sa place en ce bas monde et que certaines âmes n'ont pas tout perdu de leur candeur.

J'aurais pu vous raconter mon hilarité intérieure en voyant une photo d'un type sur lequel j'avais flashé, lors d'un mariage voilà trois ans - et même un peu fantasmé, je dois bien l'admettre. Devant le cliché, devant ce visage fade qui m'avait semblé si rayonnant alors, je me suis demandé ce que j'avais bien pu imaginer.

J'aurais pu vous raconter mon introspection dans la seconde qui a suivi, lorsque j'ai tourné la page. Je figurais aussi dans l'album. Je me suis aussi demandé ce que j'avais bien pu imaginer, avec cette tête de déterrée, qui vivait encore dans le doux monde du salariat, pressée comme un citron.

J'aurais pu vous raconter combien j'aime mon quotidien, aujourd'hui, même si rien n'a fondamentalement changé, que les lendemains demeurent incertains. Combien j'ai l'impression de ne plus me noyer dans un verre d'eau.

J'aurais pu vous raconter la plage, le soleil, les rires et la complicité qui s'installe avec de nouvelles têtes, les instants un peu à part, un soir en terrasse, un autre entre amis. La vie, dans sa plus grande banalité, en somme. Dans ce qu'elle a de plus beau, aussi.

J'aurais pu vous raconter ce sentiment diffus de toucher du doigt le bonheur. Oui, vous raconter combien ma volonté de reprendre le contrôle sur ma vie m'a paradoxalement permise de lâcher prise.

Mais ce sera pour une autre fois. Lorsque le calme aura repris ses droits. Et après quelques jours de vacances, parce que, oui, dans ma grande candeur, je crois encore que je peux partir en vadrouille et faire comme bon me chante.

2 commentaires:

  1. Bonnes vacances, la Mouette !

    Tu sais, la boule dans la gorge, tu me l'as refilée en parlant de Poney....

    L'éclat de rire, moi, je l'ai eu en lisant l'épisode "évaluation scolaire", ces pauvres gosses qu'on tente de calibrer au carré, et ces parents morts d'angoisse qui prennent au sérieux toutes ces conneries...ils sont tous là à penser "avenir" pour leur gamin...mais combien d'entre eux vont penser à leur apprendre à voir le monde du bon côté ? à transmettre le goût de vivre au lieu de celui d'amasser sans cesse ? à regarder l'autre, admettre sa différence ?

    Souvent, quand je regarde des parents, j'ai l'impression de voir des photocopieuses et ça m'effraie.

    Bien contente de te savoir bien dans ta vie.

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  2. Alors... à une autre fois :-)
    L'Ecriteuse

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