mardi 20 janvier 2015

Loulou a bouffé un clown (une histoire de monde parallèle)

Ils disent qu'il faut aller par là. Bon, quand faut y aller...


Hier soir, sur le coup de 17h12 - 17h13 (pardonnez mon imprécision, j'étais angoissée), j'ai senti une boule gonfler dans mon ventre.

Hier soir, c'était la rencontre parents-profs.

La première de ma vie, à ce stade.

Oh, j'avais déjà été dépucelée, avec le bulletin de notes reçu dans ma boîte aux lettres, où j'avais découvert des commentaires plutôt rassurants sur le travail de mon loulou, en 6e.

Mais depuis ses années de primaire, où j'avais tout entendu sur mon fils, comment dire? Je tendais un peu le dos (tiens, ça pourrait peut-être expliquer mon balai, qui ne me quitte plus?)

Mon fils? "Un être à part", "pas dans le moule", "atypique", "dans sa bulle", "sur la lune", "à côté de la plaque", je vous en passe... Jusqu'à cette instit, l'an passé, qui m'a donc conseillé de le mettre dans un établissement spécialisé, "sans quoi il décrocherait très vite."

Je ne le nie pas, j'éprouve généralement une certaine joie et une réelle fierté à entendre que mon fils n'est pas comme les autres. Je le sais, voyons, c'est mon fils! Mais parfois, par souci de conformisme, sans doute, par faiblesse, peut-être, on aimerait juste ne pas trop la ramener et filer droit.

C'est un tort, et en douce, je me bats contre. Entre nous, je l'encourage souvent à cultiver sa différence. Mais devant les profs, je fais bien mon hypocrite, en général, à vouloir passer pour la maman qui s'occupe bien de la scolarité de son fils. Juste pour avoir la paix, au fond, j'imagine.

Pfff... J'étais différente, moi, à son âge?

...

A 17h15, arrivée dans le hall du collège. Waouh, c'est retour direct dans un passé que je n'ai pas forcément envie (ni intérêt, tout de moins si j'avais un fan-club) d'exhumer. Je me revois en survet' Challenger, grosse Nike rouge et coupe de footeux polonais, à baver sur les Chevignon et les pantalon Chipie de mes copines (des sylphides, les garces), avec mes grosses joues et mes kilos en trop.

Au secours.

17h16. Je me tourne et je vois Clark. Je me souviens que je n'avais pas un garçon aussi physiquement intelligent à mes côtés quand j'étais en 4e (Sébastien L. me snobait, le vilain).

Youpi. Je suis une grande.

Vers 17h18, boum, premier prof.

On rentre dans la classe, on s'assoit et j'apprends que je suis à la place qu'occupe Loulou, au premier rang. Un fayot, mon fils? Non, m'explique le prof qui a choisi de mettre ma tête blonde devant son propre bureau, comme pour mieux vérifier qu'une fois concentré, il est capable du meilleur.

"Il est dans son monde", nous dit monsieur matheux, qui apprécie par ailleurs la logique implacable de Loulou dans sa matière. "Il est différent des autres élèves."

Ensuite, on se répartit les tâches et je file voir le prof principal, qui enseigne la... musique. "Oh, j'adore ce genre de personnalité!! Il est là, dans son monde parallèle... Extrêmement rêveur... Il peut devenir un grand artiste!"

Retour à deux, devant le prof de sport. "Il m'étonne! Par contre, je le cherche souvent, quand je parle au groupe, je me rends compte qu'il nous tourne le dos, comme ailleurs..."

La prof de français: "votre fils n'est pas dans le moule. C'est un être poétique. J'aime sa liberté d'être."

Là, j'ai eu envie de rouler une pelle à la prof de français. Après, j'ai pensé que ça ferait désordre, que, de toute façon, elle n'était pas mon style et qu'en plus, j'étais accompagnée de Clark.

Ça faisait beaucoup. J'ai balancé mes idées bizarres je ne sais où, mais en tout cas, elles n'ont pas demandé leur reste.

Sans rien percevoir de mes drôles de pulsions, la prof de français a continué son portrait. Elle nous a raconté une chute, la semaine passée. Perdu dans ses pensées pendant le cours, Loulou est tombé de sa chaise, déclenchant l'hilarité générale.

J'ai ressenti une bouffée d'amusement et de tendresse pour mon petit clown. Elle a remplacé la boule que j'avais dans le ventre et j'ai pensé, à cet instant, que je devais tout simplement lui faire confiance.

Etre à part ou pas, il a en lui des ressources qui lui appartiennent.

Ailleurs ou pas, il est lui.

Oui, oui, approfondissons encore.


C'est ça, j'imagine, le rôle des parents, ouvrir ses yeux et laisser la chair de sa chair construire son propre chemin, sans plus chercher, forcément, à comprendre (ni à culpabiliser...) à quel point nos propres choix ont pu influer sur cette différence.

1 commentaire:

  1. Un tableau aussi émouvant qu'encourageant. On dirait presque moi à son âge, tellement dans mon monde... mais avec des professeurs qui m'aimaient bien justement pour ça :-))
    Qu'il continue !

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