samedi 19 juillet 2025

Papa, où es-tu?

 "Là, il n'est plus avec nous".

Elle me regarde, de ses yeux emplis de douceur et d'empathie, et va nous chercher nos affaires. Elle nous demande de partir, gentiment. J'entends mon père crier, éructer, délirer, il est là, mais n'est pas là. Elle a raison, cette jeune femme médecin. Il n'est plus avec nous.

Hier soir, en rentrant dans sa chambre d'hôpital, où il est depuis quelques jours, ma mère et moi l'avons découvert derrière un siège, prostré, comme un animal traqué. Il cherchait à enlever une sangle et s'obstinait, en marmonnant avec le reste de langage à sa portée. Il a levé les yeux vers nous. Regard de fou.

Où est mon papa?

Où est celui qui me balançait dans l'océan en riant, qui avalait les bonbons avec malice, qui posait fièrement en haut du Tourmalet ou de l'Alpe d'Huez? Où est mon papa gâteau?

Où est celui qui, il y a encore deux jours et malgré une nouvelle grosse crise d'épilepsie, dévorait un ourson en guimauve avec gourmandise et me reprochait de ne pas lui avoir apporté de gâteau à l'hôpital?

Il n'est plus vraiment avec nous, non.

Il est vivant, oui, dans le sens où il respire. Son âme est enfermée dans un cerveau qui a débloqué et qui l'a propulsé dans un monde sombre et effrayant.

Il a peur et il fait peur.

L'image de ces yeux fous ne m'a pas quittée depuis hier. Surtout, je suis terrifiée par ce qu'il vit, lui, actuellement, seul dans son monde, contentionné, perdu, sans doute en colère. J'y ai pensé toute la nuit, impuissante.

Ce matin, j'ai appris que ça avait été pire que tout, ensuite. Comme me l'a dit le médecin, il est vraiment devenu dangereux, pour lui et pour les autres, d'où la décision de lui casser son délire, à coups de médicaments. Quitte à le plonger dans le coma. Et, sans doute, en soins palliatifs.

...

Où est mon papa?

3 commentaires:

  1. Une pensée pour toute le famille, c'est un moment très difficile à supporter, le déclin de nos proches.
    Courage à vous tous.

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  2. J'ai eu Brigitte hier soir. Elle m'a expliqué, on est est de tout coeur avec vous. On pense très fort à vous tous.

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  3. Oh Stéphanie, j’ai les larmes aux yeux en te lisant. Quelle tristesse, quelle horreur...pauvre Christian. Je pense fort à toi, Brigitte et Isabelle qui traversaient cette épreuve si cruelle. Je vous embrasse tendrement. Nadine

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