lundi 15 septembre 2014

Le balai qui incitait à la prière

Jus corsé, sauce dugléré, pommes Pont Neuf, chartreuse printanière, râble au lapereau farci ou sirop au réglisse, j'avais tout bien révisé.
 
Je savais que le challenge était relevé, cette semaine. Le menu était costaud, les techniques culinaires multiples mais je comptais bien sur mon moral ascendant pour affronter tout ça.
 
Hier après-midi, pourtant, j'ai bien compris que l'affaire allait se corser.
 
Mon balai.
 
 
Il a osé.
 
Je marchais dans la rue quand soudain, paf. Bloquée.
 
La fille coupée en deux, en version moins cinématographique, que Chabrol se rassure. Plus à saigner des yeux qu'à ressembler à Ludivine Sagnier (ok, je sors).
 
...
 
Sérieusement, j'ai vécu un vrai moment de solitude.
 
Impossible de marcher. Impossible de rester debout. Impossible de m'asseoir.
 
Euh, je fais comment? Je veux dire, sans chaise roulante ni déambulateur?
 
Je me suis accroupie et ai improvisé une prière à Allah. Amis musulmans, n'y voyez aucune offense. J'ai juste essayé de feinter mon balai en adoptant cette position.
 
Bon, en pleine rue, je suis d'accord, c'est moyennement discret.
 
C'est un bon exercice, remarquez, pour mesurer l'empathie des gens. Il y a ces gens intrigués mais qui, de toute façon, ne parlent pas français (ça complique). Il y a ces autres, tout aussi étonnés, qui donnent un grand coup de coude à leur voisin pour montrer "la chose" ("Tu crois qu'elle est folle?"). Et puis, il y a tous ces gens qui comprennent que, peut-être, si je m'accroupis sur le bitume quitte à ravager mes genoux et mettre en avant mon décolleté, c'est que j'ai une bonne raison de le faire.
 
Non, je ne fais pas la manche, non, je ne cherche pas un mec, non, je n'expérimente pas la trace des petits cailloux sur mon épiderme. J'ai juste mal.
 
C'est comme ça que, sous la pression de personnes hautement sympathiques et apitoyées,  j'ai fini shootée au nurofen, avalant deux fois la dose, comme ça, le balai, il ferait moins le malin.
 
C'est comme ça aussi qu'un vieux monsieur s'est senti obligé, "pour me soulager" de me tripoter un peu trop au niveau de la taille.
 
Euh, ça va aller, là, je préfère avoir mal, finalement. Et marcher à deux à l'heure.
 
Bref, après une semaine de chef, j'étais contente de retourner aux fourneaux pour assurer et me rassurer. Un lumbago plus tard, je vais juste attendre deux, trois jours pour revenir aux affaires.
 
La bonne nouvelle là-dedans - même si cela n'a qu'un rapport un rien tiré par les cheveux avec ce que je viens de vous raconter (hormis le fait d'être allée voir mon médecin, soit) - c'est qu'il paraît, au vu d'analyses que j'avais faites par ailleurs, que je fabrique un excédent de bon cholestérol et que je suis donc bien protégée.
 
Le gras qui me fait du bien.
 
Décidément, on aura tout vu.

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