vendredi 16 janvier 2015

Fille perdue, cheveux longs

Vous voyez que j'exagère, certaines pralines roses ont survécu à mon attaque (pas très judicieux, en pareille période, de parler ainsi, mais que voulez-vous, j'y suis allée de bon cœur)

Aujourd'hui, j'avais envisagé une journée fille.
 
Oui, un truc très, très futile, où je me serais occupé de moi, de mes sourcils, de mes cheveux (ils pleurent, les pauvres, ne comprennent pas ce qui se passe, toute cette longueur, pfff) (près d'un an sans ciseaux, je crois) (quand même).
 
Et pis même, j'aurais fait les magasins. Bon, pas trop, consciente de l'état bancaire d'un compte qui ne comprend pas non plus (il ne flirte que rarement avec la colonne +, allez savoir).
 
Je crois que je cherchais bêtement à me divertir, à me faire du bien.
 
J'en ressentais très fort le besoin.
 
Il y a eu les attentats, évidemment, qui n'ont laissé, j'imagine, personne indemne. Il suffit que j'y pense quelques secondes pour sentir mon œil, ce traître, s'humidifier.
 
Mais je dois bien avouer que la tristesse s'est emparée de moi, avant. Depuis un moment déjà trop long.
 
Alors, je me suis dit qu'un truc du passé, qui m'a complètement quittée (la compulsion acheteuse), me ferait peut-être du bien.
 
Il y a deux jours, j'ai donc appelé pour fixer des rendez-vous de fille, limite excitée (il faut pas grand-chose, parfois). Réjouie, oui, j'étais réjouie de cette parenthèse.
 
...
 
A la place, ce matin, je me suis réveillée groggy pour avoir rêvé toute la nuit que deux gosses étaient allés poser des bombes chez Charlie Hebdo et qu'ils s'étaient fait exploser. Dans mon rêve (cauchemar?), j'essayais d'expliquer leur geste.
 
Je cherche toujours à comprendre.
 
Ça devient un vrai problème, chez moi, je vous jure.
 
Je me suis réveillée groggy parce que mon balai dans le dos, toujours.
 
Je me suis réveillée groggy parce que, pour mon retour sur les parquets après plus de quatre ans (!!), il y a deux jours, je me suis offert un petit bobo au doigt et des courbatures. Du très classique.
 
Mais surtout, je me suis réveillée groggy parce que je ne sais pas où je vais.
 
Je tourne et retourne tout ça dans mon cerveau qui crie grâce. J'y retrouve ces chiennes, la lassitude, la tristesse, le découragement, l'angoisse.
 
Parfois, elles se font bousculer par mes alliés, le rire, ces tranches de bonheur, ces petits moments de grâce, pour rien, comme ça. Mais cet optimisme, ce sourire qui revient par intermittence, ces rencontres et ces discussions passionnantes que j'ai eu la chance de vivre dernièrement ne parviennent pas à chasser les sombres pensées.
 
Et je me trouve tellement geignarde de me plaindre ainsi, alors qu'après tout, hein...
 
Après tout, qu'arrive-t-il derrière?
 
...
 
Voilà, ce matin, je voulais me faire une journée fille. Un truc très futile.
 
A la place, j'ai regardé mon compte en banque. Et puis, quand le réparateur m'a annoncé que la machine à laver, qui venait de lâcher, était partie à tout jamais dans un autre monde, en pleine adolescence (3 ans, quoi!), j'ai compris.
 
Si je veux chasser ces chiennes, la lassitude, la tristesse, le découragement, l'angoisse, je ne dois pas compter sur ces petits riens matériels. Quand on est chômeur / chômeuse, on a du temps pour consommer, mais plus l'argent.
 
Je le sais, depuis longtemps, pitié, que personne ne pleurniche sur mon sort. Surtout pas moi-même.
 
Je sais aussi, depuis longtemps, que les ressources, on les a tous en nous, que je dois activer les miennes afin de ne plus creuser ma tombe et renoncer à tout ce que j'aime, le rire, la fantaisie, l'espoir, l'envie.
 
La vie.
 
J'en vois un au fond qui tente de contester. Mais enfin, quoi, ta vie n'est pas finie, tu as une coupe j'en-ai-marre-de-vivre et les sourcils d'Emmanuel Chain, certes, zéro kopek sur ton compte et pas de taf en perspective, d'accord, mais tu as connu bien pire, non? Tu as un loulou adorable, un Clark charmant, un toit, des amis, des vrais...
 
Oui, mais la princesse en veut toujours plus, vous savez ce que c'est.
 
Je tente d'intégrer dans mon programme une alliée un peu inaccessible pour moi. Elle s'appelle la patience. C'est elle qui va me donner le courage de terminer tranquillement, sans s'énerver, mes dossiers toujours en cours (un titre de cuisinier, un CAP de pâtisserie, on s'occupe comme on peut), c'est elle qui va me donner cette force qui m'échappe un peu trop.
 
C'est elle qui va me permettre de recadrer certains projets et d'envisager sous un jour plus souriant l'avenir.
 
Alors, ce matin, j'ai annulé mes rendez-vous.
 
J'ai pensé que, après tout, ce n'était pas vital.
 
A la place, j'ai fait un sort aux pralines roses. Pas bien.
 
Mais j'ai aussi planché sur mes cours de cuisine, préparé l'un de mes gâteaux roudoudou préférés, fraisé une pâte, le tout en écoutant des airs mélancoliques (merci Agnes Obel, tu as ta place définitive dans ma spleen playlist. Une vraie championne).
 
Le ciel était brunâtre, ce matin, avec un air d'apocalypse. Vraiment. Je l'ai constaté avec dépit lorsque le monsieur m'a débarrassé de cette machine à laver morte avant l'heure.
 
Le fait que j'aie à peu près quinze tonnes de linge à laver sans plus de machine à disposition a, peut-être, j'avoue, joué sur ma vision des choses. 
 
Et puis, après tout, ai-je pensé alors que la nuit tombait, pourquoi dramatiser? (Non, pas pour le linge, je ne suis pas à ce point dépressive, je vous rassure, je m'en suis remise, et super-Clark est passé par là, eh eh eh)

Pourquoi dramatiser sur cette tristesse latente ? C'est normal de pleurer quand on écoute, toujours ébahie, les témoignages des amis de Charb. C'est normal de rester stupéfait devant les images qui tournent en boucle sur l'écran, sans qu'on puisse vraiment s'en détacher. Quand on imagine la boucherie, quand on suppose la violence.
 
C'est normal de s'inquiéter, de retourner tout ça dans sa tête et de se demander pourquoi on - on, le monde, oui - en est arrivé là.
 
C'est normal de s'interroger sur sa propre place dans un monde chamboulé. Un monde chamboulé où, certes, les bons sentiments s'incrustent, comme pour nous convaincre que l'humanité existe encore, à coups de pancartes "je suis Charlie", à coup d'accolades, de sourires sincères et bienveillants.
 
Mais un monde chamboulé où, quand même, on a de vrais gros méchants qui exterminent des populations entières, en Irak, au Nigéria et ailleurs, en plus de faire de la charpie en plein cœur de Paris.
 
En écrivant cela, bizarrement, je souris. J'ai mal mais du coup, je relativise. A cet instant, j'ai envie d'effacer toute trace d'états d'âmes, tellement insignifiants à côté de l'atrocité et du désarroi que l'on vit.
 
Mais allez comprendre, j'ai aussi envie de coucher cela ici, parce que c'est mon petit espace, qu'il me manque et que j'aimerais partager davantage, plutôt que de me "censurer" comme je le fais beaucoup actuellement parce que, non, décidément, j'ai pas la pêche aujourd'hui ou que j'ai eu un pet de travers.
 
C'est le cheminement de tout être humain, je suppose. Je veux l'accepter.
 
Bon, du coup, pour ceux qui n'ont pas bouffé un clown ce matin et qui se sentent un peu chafouins, c'est pas très sympa, je l'admets, toute cette bonne couche d'auto-apitoiement.
 
Mais vous savez quoi?  Ce que je ne veux plus, c'est larmoyer sur ma petite existence sans, au moins, bouger mes fesses pour y remédier. Dussé-je soulever des montagnes, je vais retrouver ce foutu sourire.
 
Je vous laisse, je vois l'Everest, là, il attend depuis un moment. Je voudrais pas qu'il s'impatiente, à son tour.

2 commentaires:

  1. tu sais ce n'est pas futilité que de prendre soin de soi... quand on se trouve belle ou que l'on se fait un pti peu plaisir ça aide à garder le moral!!! donc s'il plait prend ddv chez ton coiffeur!!!! hop hop hop! bisous

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  2. Au moins tu le vois ton Everest.
    Moi jvois rien. J'essaye de pas verser dans l'auto-apitoiement mais c'est dur (euphémisme mon ami).
    Mais de te voir te battre, réussir à surmonter une dépression, ne pas vouloir lâcher ton rêve...d'un côté bon ça me fait me sentir nulle de pas y arriver mais de l'autre côté ça me montre que c'est possible, même si pas facile.

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