Ceux qui me connaissent savent combien je suis bordélique. Mais attention, c'est un bordel organisé. Si l'on excepte les clés, que je perds effectivement tout le temps, je retrouve toujours mes petits.
Pourtant, même une bordélique comme moi aime ranger, trier, organiser, parfois. Quand je partais en déplacement, lorsque j'étais journaliste, ou même en vacances, j'aimais bien le faire l'esprit serein, en rangeant chaque chose à sa place.
Eh bien, en ce moment, c'est pareil. Chaque chose à sa place avant le grand départ vers... ce que j'entrevois comme ma bulle. Avant d'entamer un parcours de soin aussi sympathique qu'un dimanche soir à Roubaix sous la pluie (je parle en connaissance de cause), je pose tout, je répertorie, règle les affaires courantes, sans vraiment me concentrer sur ma pomme. Je veux sauver mon entreprise, mon bébé, et je fais tout pour éviter de voir couler à pic le fruit de mes efforts depuis plus de six ans, juste pour une sombre histoire de tumeur mal placée.
Pourtant, je ne suis pas dupe. Il est un moment où, une fois tout ça réglé, il me faudra bien regarder la réalité en face. Je ne me sens pas vraiment malade, mais il paraît que je le suis.
Quand je me lève le matin, certes, c'est flou tout autour. Certes, je ne peux plus conduire et je vis avec l'un ou l'autre oeil couvert d'un pansement - appelez-moi pirate. Certes, je vois double et ça tourne pas mal : je sens bien que, au niveau équilibre et démarche, je pourrais rivaliser avec quelques imbibés à 3 grammes d'alcool dans le sang, si j'ouvrais les deux yeux en même temps.
Mais je peux danser en pilou dans mon salon, me concocter un petit smoothie maison, aller au restau, prendre une douche à 15h, écouter ce qui me chante, bouquiner tranquillou, regarder un film entier sans m'endormir - exploit pour moi, depuis trop longtemps.
Je peux prendre le temps, tout simplement, faire toutes ces choses si simples dont je me sentais privée, ensevelie par la charge mentale de ces dernières années.
Pas si mal, non?
Pourtant, je sens poindre l'angoisse, le soir. Une sorte de vertige, sans doute parce que je ne sais pas encore à quelle sauce je vais être mangée. Laissée dans la nature, j'attends qu'un neurochirurgien daigne me recevoir. Je sais juste que je vais recevoir des rayons, mais quand, alors là...
Difficile, alors, de trouver le sommeil, cette chose qui m'a tant manquée et dont je pensais me délecter. Mes nuits sont agitées, tout s'entremêle. Cette nuit, je me dédoublais: j'étais, semble-t-il, le traiteur du mariage auquel j'étais invitée. Et alors que je buvais en songe du Champagne, je faisais voler en éclat une assiette en porcelaine.
J'en ai eu aussitôt la conviction, en me réveillant en sueur. Cette assiette qui se brisait en mille morceaux, c'est le symbole de cette voie que je suivais et qui vient d'exploser en plein vol. Elle n'a pas détruit toutes mes illusions, mais je sens que mon corps s'en trouve un rien ébréché. Charge à ma bulle de le protéger suffisamment pour revenir plus fort, quand tout sera derrière moi.
Cette manie que j'ai d'en mettre partout, aussi :)
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