dimanche 9 octobre 2022

Laisser le rêve distiller l'esprit

 Sous la chaleur douce de la couette, j'ouvre les yeux avec un sentiment de victoire. Cette nuit, j'ai triomphé sur l'insomnie. La cocotte a sonné vers 2h30 du matin, comme d'habitude, et je l'ai atomisée, à coups de poings fermés et d'auto-persuasion. La fatigue de ces derniers jours s'est avérée une belle alliée, je dois dire.

J'ouvre les yeux, je devine le soleil à travers le store, je regarde l'heure, sur le réveil, c'est indécent. 10h du matin.

J'ouvre les yeux, je tourne lentement la tête vers la gauche. Je vois double. Mince, toujours là, le truc.

Les grasses matinées, le petit théâtre de l'après-midi, le thé ou l'apéro avec les copines, le ciné le soir, les câlins de mes chats, les BD et livres que je dévore de façon boulimique... C'est comme des grandes vacances, en ce moment. A vrai dire, je me sens un peu dans le rôle de l'imposteur. Je suis arrêtée, en pause, mais ça va. Comme me l'a répété mon médecin, ce que j'ai est "bénin", "courant". Je vais guérir. Oui, j'ai mal au crâne souvent, oui, ça tourne pas mal, oui, je vois double, mais je me sens tellement plus reposée, plus créative, plus ouverte!

Aurais-je pris un ticket gagnant pour la loterie?

Les regards autour de moi n'en sont visiblement pas convaincus. Je sens parfois ce mélange de pitié et d'impuissance, lorsque l'on me demande pourquoi je me balade avec un pansement sur l'oeil, telle une pirate. Comme si le monde m'était tombé sur la tête et que j'étais la seule à ne pas m'en rendre compte. Ca va, je vous dis. C'est bénin.

Bénin, bénin, bénin... Mais pas rien, si je veux être parfaitement honnête.

Quand t'as un truc qui squatte dans ton crâne, cette boîte qui commande tout ton corps, tu te doutes bien que derrière la grosse promo que je viens de vous faire de mes vacances, il y a ce petit côté obscur. Les doutes, que tu balaies d'une main, mais qui reviennent avec la même cruauté que les insomnies, les questions, le spectre de la perte, cette sensation désagréable de l'avant/après. Comment ce sera, après? Aurai-je toujours la même énergie? Retrouverai-je mon autonomie (j'adôôôôôre être le boulet qu'on transporte de droite à gauche, interdiction de conduire oblige) Mon entreprise va-t-elle survivre?

Je balaie tous ces questionnements d'un revers. Ce que tu as es bénin.

Bénin, bénin, bénin.

C'est vrai que l'on relativise. Ce n'est pas cancéreux, je ne suis pas bloquée dans une chaise roulante, j'ai toute ma tête, je ris, j'ai de l'appétit, je repère encore les physiquement intelligents dans la foule, je savoure ces bribes de liberté retrouvée. Oui, c'est tout le paradoxe, je suis coincée chez moi, peu ou prou, mais je me sens plus libre, libérée de nombre d'obligations, de contraintes.

La petite voix dans ma tête me rappelle que ce n'est pas ça, la vie. Qu'il faudra retourner au charbon, un jour, quand ce truc bénin se dissipera dans ma mémoire, et même avant, quand les rayons auront fait leur oeuvre et brûlé l'invitée surprise.

Mais pourquoi la vie devrait n'être qu'une bataille? Je veux goûter les bons côtés de cette pause forcée et en tirer les enseignements. Après, je l'espère, je mettrai en oeuvre mon plan d'il y a longtemps. J'irai construire mon grand projet, là-bas, vers la Bretagne. Tout est en friche, évidemment, mais j'ai envie de dormir à poings fermés pour laisser mon rêve distiller et grandir dans mon esprit.

Donc, les insomnies, les doutes et la boule dans la tête, vous êtes gentils, mais faudrait voir à pas trop s'éterniser, d'accord? 

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