Pendant que certains se penchaient sur mon décolleté, mon esprit était tout tourné en bas. A hauteur de mon talon. Deux jours que je boitillais, virevoltant à droite, à gauche mais d'un pied - ce qui constitue une sorte, sinon d'exploit, d'expérimentation sur la résistance de ma jambe droite à compenser la lâcheté de sa copine de gauche.
Peu importe, je n'ai pas eu le temps de tergiverser en ce dernier jour au restau. Une quinzaine de couverts, d'abord, auxquels se sont ajoutés de simples consommateurs de boissons - qui veulent leur verre, là, maintenant, sans considérer que peut-être, il est 13h et qu'on tente de servir des plats en même temps - un léger répit, un employé du musée attenant me suggérant de passer "vu que ça va être calme cet après-midi" et puis...
La tornade. L'ouragan. Les tables se sont remplies, une trentaine de clients est arrivée, des gens charmants, certes, mais assoiffés. Voire affamés. Pas de bol, dévalisée le midi, je n'avais plus trop de desserts à leur proposer. Alors, système D, je leur ai suggéré des assiettes gourmandes un peu particulières et ma foi, j'ai pu finir d'écouler les stocks. Royal.
Des amis sont arrivés, au coeur de la tempête, que j'ai sollicités pour vite sortir des verres du lave-vaisselle car, là aussi, il y avait rupture de stock. Ils étaient venus avec deux de tension, limite comateux, je peux vous assurer qu'ils ont été reboostés en moins de deux... Des dames sont arrivées à cinq minutes de la fermeture, sirotant ensuite tranquillement leur thé, sans plus penser que, peut-être, la demoiselle derrière son comptoir qui fait du bruit avec la vaisselle, elle voudrait nettoyer.
Bon, elles étaient gentilles, et puis mes amis prenaient l'air sur la terrasse, alors peu importe, je n'étais plus à cinq minutes près. Au final, je suis partie une heure et demie après la fermeture officielle, éprouvée, mais fière. Fière d'avoir pu servir tous les clients (" - Mais vous êtes toute seule?" "- Non, non, j'ai dix personnes dans la cuisine d'un mètre carré, pourquoi?"), de n'avoir rien cassé, rien renversé, juste paniqué parfois en interne, certes, mais sans trop en laisser voir à l'extérieur. Quand j'ai annoncé le chiffre de la journée à l'autre employée du restau, elle en est restée bouche bée, et même si je n'y suis pour rien (je n'ai pas racolé pour qu'ils viennent consommer, non non non), je me suis sentie toute revigorée.
Ma boss m'avait annoncé des jours calmes. Il n'en a rien été. Et tant mieux. Peu consciente du tourbillon qui m'attendait, j'ai appréhendé cette petite expérience sereinement. Je ne peux nier l'adrénaline qui monte lorsque dix clients commandent en même temps, veulent tous une salade différente ou trois cafés, dont un allongé, un noisette et puis vous me donnerez également un chocolat, un thé, une coupe de glace, non mettez-moi plutôt un soda gourmand... Tel un automate, on oublie tout le reste et on laisse passer l'orage intérieur pour se présenter avec le sourire et les commandes.
Comme si de rien n'était.
Je savais ce métier physique. Je l'avais déjà expérimenté. Je n'ignorais rien de ce stress. Je l'ai déjà vécu. J'engrange, j'engrange, qu'importe où cela me mènera. Hier soir, néanmoins, je suis persuadée que certains perplexes auraient jubilé: j'étais morte. Et la fronceuse de sourcils aurait certainement ri, ce matin, si elle s'était trouvée avec moi dans le cabinet du médecin. Ma douleur au talon ne me quittant pas, je me suis résolue à consulter: le médecin soupçonne... une fracture de fatigue.
J'apprends le métier, je vous dis.
lundi 9 août 2010
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Une fracture ? radios en perspective, alors ???
RépondreSupprimerJe ne savais pas qu'on pouvait se casser de fatigue ?
Des fractures de fatigue, j'en ai vues chez des sportifs, mais dans mon cas, je trouve ça un peu étrange. Le médecin m'assure qu'on ne verra rien sur une radio avant un mois et qu'il faut donc attendre... Mouais, moi, je pencherai plutôt vers une tendinite ou un truc du genre. Mais je ne suis pas médecin, hein.
RépondreSupprimerMa pauvre ! 15 jours de repos en perspective pour remettre ton talon ?
RépondreSupprimerLaisse rire les autres, je suis certain que tu t'en es sortie comme une chef - la preuve, le chiffre du jour, tout ça avec une fracture !
Bises, la Mouette.
Thierry
15 jours de repos? Idéalement, c'est ce qu'il faudrait, je pense, même si l'idée de la fracture s'éloigne pour une autre. Mais rester assise sans rien faire, j'ai du mal... J'ai déjà eu mon passage "larve" cet été, je voudrais passer à l'action maintenant!!
RépondreSupprimerEt sinon, tu ne m'entends pas rire, en bonne mouette que je suis? ;)