jeudi 26 février 2015

Une journée particulière

Mercredi matin, mes deux mains gauches, mon pouce trop agité et mon cerveau brûlé au 2e degré (il me semble bien faire une inversion, mais qu'importe, ça ressemblait un peu à ça), on a pris notre courage à deux mains et on a filé. L'heure de vérité était arrivée.
 
Sur le chemin, ma nervosité a fait un peu des siennes lorsque j'ai vu le nombre de voitures stoppées, devant la mienne, comprenant que pour partir dans les meilleures conditions, c'était pas gagné. Ça bouchonnait, et plus encore dans mon là-haut.
 
Finalement, j'ai enfilé ma tenue de cuisine en deux minutes 12 et hop, un rien fébrile, j'ai pioché, comme mes trois autres camarades, un numéro de sujet. C'était le 2. Soit des œufs farcis Chimay, un navarin d'agneau, une ratatouille, un légume au choix et une tarte à l'alsacienne.
 
Le kif total. Du genre tout ce qu'on a envie de manger dans un restaurant contemporain, hum?
 
Peu importe, ce qui compte, ce n'est pas le glamour des plats, ce sont les techniques. Et puis, moi, j'étais bien contente d'avoir échappé à la crapaudine.
 
Après, je ne sais plus trop. Je me suis mise en mode automatique, je crois. J'ai torché la tarte, premier plat demandé, histoire de passer à autre chose. Ça partait bien. Ensuite, les taillages, l'envoi du ragoût, en tentant de me sortir l'infâme air de ma caboche (ragoutoutou, le ragoût de mon toutou), et puis un enchaînement de micro-gestes, l'un des jurés qui s'approche, fronce les sourcils et note un truc derrière votre dos.
 
Doute, soudain. Y'a que moi qui ait l'impression que ça marche?
 
Pas le temps de s'attarder, d'autant qu'à ma droite, la cuisinière venait de planter sa pâte à choux (l'autre sujet). Rester concentrée.
 
Même quand l'autre juré est arrivé, compatissant, en me voyant me dépatouiller avec la sauce Mornay et ses fils de gruyère dégoulinants et collants. "On se croirait en pleine fondue des Bronzés". Y manquait plus que Marius, de fait.
 
Un moment, j'ai dû louper un épisode car il était midi et je n'avais pas commencé ma ratatouille. Et, telle une voix off menaçante de Top chef, le premier juré, celui des notes, nous a fait comprendre fermement qu'à 12h30, fini ou pas, on devait tout arrêter.
 
Je me voyais déjà, les mains en l'air devant mon assiette pas finie, avec l'envie sérieuse de me suicider et de revenir, quand même, pour les résultats mais finalement, à 12h30, la table de la candidate n°3 était comme les autres, remplie de tous les plats demandés.
 
Une sorte de miracle, confirmé par cette sensation d'avoir fait de l'apnée pendant quatre heures.
 
Après, il a fallu goûter ses productions. Où j'ai constaté que si les œufs Chimay sont une totale hérésie diététique (des œufs farcis avec de la béchamel, qu'on gratine avec une sauce Mornay, donc béchamel enrichie d'œufs et de gruyère, plus du gruyère et du beurre fondu dessus, sinon c'est pas drôle) (Oui, on est d'accord, ça fait à peu près 120 000 calories la bouchée) (ça tombe bien, je n'ai rien mangé de la journée, remarquez), si l'entrée était donc une insulte à n'importe quelle obsédée de la ligne, elle avait bon goût, tout simplement. Et c'est avec surprise que j'ai pu faire le même constat sur tout ce que j'avais fait.
 
Croyez-moi, ça ne m'arrive pas souvent, moi la reine de l'auto-flagellation.
 
Après, il y a eu l'entretien, long, très long, où on vous pose des questions parfois très faciles ("que signifie DLC"?), parfois plus tordues, l'occasion d'imiter Stéphanie de Monaco et de faire rire les deux jurés, surpris, je crois.
 
Ensuite, il y a eu un questionnaire en anglais que je craignais plus ardu et, avant d'évoquer les desiderata personnels, pour la suite, l'évocation de la production.
 
Alors, j'ai cherché des trucs qui n'auraient pas trop collé, du genre un Navarin pas assez salé ou une tarte un peu trop dorée... Ils m'ont laissée parler avant de donner leur verdict.
 
"Franchement, vous avez nos félicitations. C'était parfait."
 
Euh, pardon. Vous pouvez répéter... (Steph de Monac', sors de ce corps).
 
Vous ne pouvez pas imaginer tout ce qui m'a traversé l'esprit, à cet instant. Les pleurs, les doutes, les sueurs, les crispations... Le sentiment que cette simple phrase a pu, d'un coup, balayer toutes ces sombres pensées.

Après la délibération, ils ont fait revenir tous les candidats, un par un. Ils m'ont annoncée que j'avais mon titre de cuisinière, en répétant une fois encore leurs félicitations.

J'ai eu l'impression de rêver. 
 
Rassurez-vous, je ne risque pas de m'enflammer. Bon, en toute modestie, vous pouvez m'appeler chef (!) mais en vrai, je sais combien il me reste à apprendre.

Après, une brosse à reluire, ça fait pas de mal à l'égo, de temps en temps, hum?

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