samedi 28 août 2010

La chair de ma chair

Ah, la vie et ses coïncidences...

J'ai volontairement passé sous silence la seule ombre au tableau de mes dernières vacances, estimant que tout cela ne concernait que les intéressés et que cela n'enlevait rien au bonheur ressenti jusque-là. Pourtant, au sortir d'une salle de ciné, voilà que tout ça me fait écho. Et résonne d'autant plus que j'évoquais aujourd'hui, avec une amie, la fugacité de l'enfance et l'importance de chérir ces précieux instants.

Sans rentrer dans les détails, mon instinct maternel s'est manifesté, la semaine passée, lorsque j'ai senti que mon loulou, certes pas toujours angélique, a été un rien bousculé. Une tierce personne, informée de la situation voilà quelques jours - sans en avoir été témoin - m'a "gentiment" fait remarquer que, quoi qu'il arrive, je défendrai toujours mon fils.

Comment ça, je placerais en priorité la chair de ma chair? Comme une louve avec ses petits, des trucs du genre?

Ben oui. Je n'y vois rien que de très logique.

Je tiens néanmoins à nuancer. Je ne lui donne pas raison à tous les coups. Une chose est sûre, néanmoins (attention, guimauve et violons de sortie) : aussi remuant soit-il, il sera toujours l'être que j'aime le plus au monde. C'est comme ça.

Pourquoi je vous parle de tout ça? Parce que je sors d'une séance bouleversante, celle de "L'Arbre", magnifique oeuvre contant le deuil d'un père, le deuil d'un mari, où une maman, remarquablement jouée par Charlotte Gainsbourg, tente de s'en sortir comme elle le peut, en laissant à chacun de ses enfants le temps et les ressources pour exprimer leurs émotions, sans forcer. Alors que l'amour lui tombe de nouveau dessus, elle sacrifie cet espoir de vie pour donner raison à sa fille, têtue et déterminée.

Elle défend la chair de sa chair. Contre vents et marées.

Elle dit qu'elle se demande comment elle faisait, avant, quand ses enfants n'étaient pas là. Et ajoute qu'elle n'envisage pas sa vie sans eux. Alors même qu'elle les avait menacés de partir sans eux, dans un moment d'épuisement total, en colère contre eux et surtout contre l'injustice de leur sort. Elle ne l'aurait jamais fait. C'est toute l'ambivalence d'être mère.

Comment faisait-elle, avant. Comment ferait-elle, sans eux, maintenant. Au delà de la fiction, telles sont les questions qui m'animent, parfois. Qui animent, j'imagine, n'importe quelle maman. En donnant naissance à son enfant, on rentre dans cette nouvelle dimension où le nouveau né devient l'ultime priorité. Au fur et à mesure des années, la vie reprend ses droits, on s'octroie, ça et là, quelques moments pour soi, pour son couple aussi - quand celui-ci a eu la chance de survivre.

Mais l'enfant passera toujours avant tout. Ce n'est peut-être pas ainsi que toutes les mamans le vivent mais c'est en tout cas ainsi que je l'ai vécu, que je le vis.

La plupart des amis célibataires, qui n'ont à assumer que leur propre peau, ne peuvent pas comprendre. Ils nous trouvent gnangnan, chiantes et trop protectrices avec notre môme. On les voit égoïstes, intolérants et peu conscients de la responsabilité qui nous anime. Voilà, c'est ainsi que le gouffre naît. C'est ainsi que l'on renonce à des amitiés, que l'on croyait fortes, à des bons moments, à ces instants fugaces où l'on ressent la même complicité qui nourrissait nos relations enfantines.

On peut s'accommoder d'un clash. Ou considérer qu'en touchant à un cheveu de notre enfant, l'autre a dépassé la limite. C'est purement instinctif. Je ne suis pas particulièrement rancunière, il me semble, mais oublier des propos désobligeants à l'égard de Loulou - qui, je le répète, n'est pas toujours irréprochable, mais, circonstance atténuante, n'a même pas atteint l'âge de raison - est au delà de mes forces.

Pour revenir à "L'Arbre", la petite fille qui parle à cet immense figuier trouve les ressources pour vivre son deuil; pour vivre tout court. Lorsque sa copine lui demande comment elle fait pour rire alors que son papa est mort, elle lui explique qu'on a deux options : être heureux ou triste. Et qu'elle a choisi d'être heureuse.

C'est ce choix, cette attitude souriante qui vont redonner de la couleur à la vie familiale, du baume au coeur à la maman. Cet hiver, lorsque j'étais mal en point, il m'est arrivé d'observer tranquillement mon loulou, jouant nez au vent, courant en zigzaguant, malicieux, mutin, tellement innocent.

Tout ça est tellement fugace.

Un jour arrivera où le ton deviendra plus grave, où il me demandera d'arrêter de le regarder bêtement, où sa candeur laissera place à de la désinvolture. Comme lorsque, dans "L'Arbre", le fils aîné, déjà grand adolescent, stoppe sa mère, alors qu'elle vient lui masser tendrement les pieds, au bord du lit.

Et moi, je me souviendrai combien Loulou me suppliait, le soir, de lui prodiguer ce même massage des pieds, ses rires dès que j'effleurais le talon. J'aurai toujours en mémoire sa bouille, son énergie, sa collectionnite aigüe et sa passion pour les glaces et le foot. Je saurai pourquoi j'ai pu le défendre, le laisser s'exprimer, quitte à encaisser les regards lourds de reproches, les avis tranchés, les "tu devrais faire ci, tu devrais faire ça."

En attendant, je profite de ces belles années où la chair de ma chair me fait parfois bondir, me met en colère, m'insupporte. Et me fait craquer, tout simplement, d'un simple sourire ou d'une horrible grimace.

Allez voir "L'Arbre" et dites-moi si l'émotion vous a submergé comme elle a pu me submerger.

Quant à faire des enfants, là, c'est vous qui voyez.

6 commentaires:

  1. Maman...

    Bises, la Mouette.
    Thierry

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  2. pauvres célibataires qui ne comprennent vraiment rien!!!!!!

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  3. on devrait même les tuer à la naissance ces pov' célibataires, tout comme les vieux malades, je dois en oublier ..... tu peux peut être compléter la liste la Mouette

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  4. Il ne s'agit pas d'éradiquer qui que ce soit, je suis moi-même une célibataire, n'est-ce pas... J'évoque juste la différence fondamentale entre nous, cette responsabilité que vous n'avez pas à assumer à notre place. Pour le reste, tu sais où me trouver.

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  5. Perso, j'ai choisi de ne jamais devenir mère, c'était viscéral déjà à l'âge de dix ans. Et bien que vivant en couple, comme nous ne sommes ni mariés ni "pacsés", je suis donc encore, légalement, célibataire. C'est sans doute vrai, il y a une dimension qui m'échappera toujours, même s'il y a des petits que j'aime beaucoup. Je suis contente que tu nous parles de cela, ça aidera à supporter les "crises" des mômes de mon entourage, quand il m'arrive moi aussi de penser que franchement, la mère du môme est un peu gnangnan....:) - je me souviendrai alors de ce post, j'espère, et je serais plus indulgente. Tu as eu raison de l'écrire.

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  6. Comme Anne, je crois que tu as eu raison d'écrire ce post. Pas encore mère, ce que tu écris résonne parfaitement dans le fond de mes tripes, celles qui attendent le GO pour une FIV qui marchera ou pas.

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