dimanche 23 octobre 2022

Dialogue avec l'univers (et autres facéties)

 Hey oh, y'a quelqu'un?

...

Hey? Tu m'entends, toi, là-haut?

... 

J'ai dit un truc qui fallait pas?

...

J'ai FAIT un truc qui fallait pas?

...

Silence radio. Le truc s'amuse à me balancer des obstacles à tire-larigot, m'envoie des messages plus ou moins codés, me fait bien sentir sa surpuissance mais alors, quand il s'agit de discuter, y'a plus personne.

Hey, l'univers, toi aussi tu te défiles?

...

Rappel des faits (pour ceux qui n'auraient pas suivi :) )

Après une première carrière assez palpitante dans le journalisme, je change de cap professionnel. Je découvre les joies de la création d'entreprise, j'essuie quelques plâtres. Je veux ouvrir un restaurant. On m'explique, logiquement, que "je suis pas du métier". Je dois faire machine-arrière. J'essuie quelques plâtres, mais comme je suis plus têtue qu'une mule, j'y retourne. J'obtiens mes diplômes en cuisine et pâtisserie. J'essuie quelques plâtres (pour le détail de ces joyeuses montagnes russes, je ne saurai que vous conseiller d'aller farfouiller dans les archives de ce modeste blog, dans l'hypothèse farfelue où vous auriez du temps à perdre).

En 2016, je lance mon bébé, ma petite entreprise. J'essuie quelques plâtres mais je tiens bon. L'auto-entreprise devient SARL, j'embauche, je vois le bébé grandir, grandir. Quatre tendinites, mes deux bras sont un peu à l'agonie, je serre les dents, la boîte continue d'évoluer. Arrive le Covid. On n'est plus trop sur des petits plâtres, là. Mon expert-comptable me conseille de déposer le bilan, mais je suis têtue, une fois encore. J'essuie quelques plâtres mais on résiste. Bébé a survécu à la pandémie.

La crise s'éloigne, les gens veulent tous manger, boire, vivre, partager des moments ensemble. J'ai toujours très mal aux bras, mais j'ai un peu de renfort, je serre de nouveau les dents et je respire davantage. Je vois les chiffres décoller, je refuse des commandes, je me pince parfois pour y croire et me frotte les yeux pour rester éveillée, parfois assommée par la charge de travail. 

Par la charge mentale, aussi. J'essuie quelques plâtres, oui, face aux clients plus exigeants et agressifs que jamais. Complètement désinhibés, certains se lâchent sans vergogne et je serre les dents, oui, encore.

Et puis, au retour des vacances, cet été, je sens que je ne suis pas dans mon assiette. D'un coup, prise de paralysie faciale et de diplopie, je ne suis plus en mesure d'essuyer les plâtres.

Je vois double? On m'annonce, dans la plus fine délicatesse, Abricotine dans la place. Question immédiate : comment je gère mon entreprise, maintenant que je suis en arrêt longue durée? Dans ma chance inouïe - oui, je crois naïvement être dotée d'une bonne étoile, c'te blague - je dégote LA perle. Le chef cuisinier qui coche toutes les cases, qui va pouvoir me remplacer.

Je me surprends à penser qu'Abricotine, c'est un mal pour un bien, qu'elle me permet de prendre du recul et de retrouver un semblant d'équilibre, après tout. Rien qu'à écrire le résumé de presque sept ans d'activité, je sens combien je suis souvent passée en force, qu'il a fallu batailler. Oui, essuyer quelques plâtres, encore et encore. Soudain, ce chef arrive. Il semble impliqué, vraiment, on va bien bosser, ensemble, et moi, je vais pouvoir me reposer sur lui et prendre soin de moi.

Alors, l'univers m'aurait-il envoyé une bouée de sauvetage?

Sincèrement, j'ai eu ce sentiment. Enfin, j'allais pouvoir piloter à distance mon entreprise en laissant faire d'autres personnes que moi.

Limite si je ne plaçais pas Abricotine au statut de meilleure alliée, la coquine.

Mais c'était compter sans l'univers, cet enfoiré.

Hier matin, mon fils m'appelle. Il semble secoué, ca va pas, me dit-il. Il vient de tomber en trottinette électrique, il a mal partout. Il va aux urgences, à 700km de chez moi. Je sens mon estomac se nouer, très fort.

J'appelle mes parents pour leur dire que je comprends enfin ce qu'ils pouvaient ressentir quand je les appelais, à l'autre bout de la France ou du monde, pour leur annoncer une chute, un passage aux urgences ou un vol de carte bleue à New York. Je partage maintenant le même sentiment d'impuissance et d'inquiétude mêlées. A l'autre bout du fil, ils m'annoncent une très mauvaise nouvelle relative à l'un de mes oncles. Mon estomac se noue plus fort encore.

Là-dessus, le chef - si, si vous savez, mon sauveur (j'aurais dû me souvenir du terrible triangle Sauveur-Bourreau-Victime, aussi...) - m'appelle. Il veut passer me voir pour discuter - ce que je lui avais demandé la veille, pour faire un point, sentant les premiers doutes pointer.

Le chef part. Trop de travail à ses yeux. Pas jouable. Fin de la partie.

...

Le château de cartes s'écroule. Toute l'énergie passée à élaborer le plan parfait, boum. Terminé, fin de chantier.

...

Hey oh, y'a quelqu'un?

...

Hey? Tu m'entends, toi, là-haut?

... 

J'ai dit un truc qui fallait pas?

...

J'ai FAIT un truc qui fallait pas?

...

A moins qu'il s'agisse de mon karma? 

Je vous en reparle.

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