samedi 18 décembre 2010

Ma vie est un sketch

Je pensais l'avoir déjà utilisé, ce titre, pour sa force d'illustration. Vous commencez à me connaître et vous savez combien j'aime alimenter les rubriques de viedemerde.com. A vrai dire, je suis un peu miss catastrophe, je dois avoir des gênes Pierre-richardesques, un truc de ce genre.

A 36 ans, je fais encore peur à mes parents, lorsque, en voyage ou en déplacement, je les appelle. "Mais que nous a-t-elle encore inventé?" pensent-ils. Limite s'ils ne tombent pas par terre quand il est juste question de prendre des nouvelles.

Elle nous cache quelque chose, c'est sûr.

Depuis quelque temps, vous disais-je, j'avais l'impression que la scoumoune m'avait lâché la grappe, un peu. Oh, d'accord, il y a eu quelques petits aléas, mais j'étais sur la bonne voie. Louche.

Bon, après l'opération je-pète-ma-roue-sur-une-plaque-de-verglas et le rapatriement à l'arrache dans une cité rennaise qui me rappelle toujours quelques doux souvenirs, croyez-le ou non, j'étais en place, derrière mon écran, les oreilles grande ouvertes, les doigts chauffés et le dictaphone branché pour réaliser la retranscription des débats - terme générique pour définir l'une des mille possibilités d'avoir la tête en chou fleur.

Certes, l'un des employés de l'institution s'était bien inquiété de la charge de mes bagages, vu que, forcément, je traînais mon sac pour la nuit - celui que j'aurais dû laisser à l'hôtel, sans cette maudite plaque. Bref. J'ai pris mon air le plus digne et je suis allée vite fait planquer tout ça au vestiaire. D'autant qu'un (excellent) bouquin avait eu la bonne idée de mettre sa tête hors de sa poche. Cancer in the city, que ça s'appelle. A la tête de l'employé, j'ai hésité à me justifier, à lui dire que s'il s'agissait d'une histoire réelle, ce n'était pas la mienne, je ne cherchais pas des réponses à mon questionnement actuel et que mes cheveux n'était pas le fruit d'une perruque - même si j'admets que la masse inimaginable que je porte pourrait prêter au doute - jackson five, sors de ce corps.

Bref, je l'ai joué discrète - autant que faire se peut. Et quand je suis ressortie de là, six longues heures plus tard, la tête bien farcie comme prévu, je me suis dit que j'en avais fini avec cette journée bizarre.

Erreur.

Coup de bol, je vois un bus, que je suis censée prendre pour rejoindre mon hôtel (que j'avais choisi pas cher, donc loin du centre, forcément). La chance est de retour, les enfants; j'ai pris mes trois sacs et hop, hop, ah oui c'est vrai faut payer... Euh, vous acceptez la carte bleue, madame? Pas un sou. "Ah ben non, mais vous avez des distributeurs" me dit-elle, tout en m'ayant embarquée malgré tout. A l'arrêt suivant, je descends la mort dans l'âme, sous une pluie battante (et sans parapluie, mais en même temps, j'ignore par quel tour de passe-passe j'aurais pu le tenir, chargée comme un baudet), tandis que la conductrice avoue, gênée, "qu'à cette heure-là, y'en a moins souvent, des bus".

Là, je cherche un distributeur. Je cherche, je cherche, je cherche, rien. Je suis en plein centre et je n'en vois pas un. Ah, un monsieur physiquement intelligent se présente, vite vite, saisir l'opportunité, ça se trouve, cette plaque de verglas était là pour changer mon destin, sans elle, jamais je ne l'aurais rencontré, cet homme...

Faut vraiment que j'arrête les drogues, moi.

Il m'a vaguement signifié un parcours STRICTEMENT opposé au sien, au cas, sans doute, où j'aurais la malheureuse idée de vouloir le suivre.

Un râteau, quoi.

En même temps, je peux le comprendre. Chaque minute qui passait terminait d'achever ma coupe jackson five, tandis que mon bras pliait sous le poids des sacs. Miam.

Ô miracle, cinq minutes plus tard, je dégotte l'objet magique, le distributeur. Je tape mon code, tout ça, prenez vos billets, qu'il me dit le monsieur (ou la dame, on sait jamais très bien derrière l'ordi) et hop... Rien. Pas de billet. Je viens d'être délestée de 30 euros contre rien. Sur ce, une demoiselle arrive, je la préviens de ce coup du sort, elle me dit que ça lui était déjà arrivé au même distributeur mais que, ELLE, elle était allée récupérer les sous dans l'agence, encore ouverte. A 20h30, je sais pas pourquoi, y'avait plus de lumière.

Proche de l'abattement, je ris jaune en lui disant que cette journée ne pouvait pas finir autrement. "Si ça peut vous rassurer" me répond-elle, "je venais retirer de l'argent pour boire un coup, une amie s'est tuée sur les routes en Picardie hier soir. Elle s'est pris une plaque de verglas."

Et elle se retourne, filant dans la nuit pluvieuse.

Si ça me rassure? Euh, pas vraiment. Si ça me déprime un peu plus, oui. Bon, je relativise, je suis toujours vivante, j'ai mes deux bras, mes deux jambes, un cerveau un peu perturbé mais globalement là, en témoigne la douleur qui ne cesse de l'étreindre. Ça tape, ça tape, une vraie boum, là dedans.

Au moins, y'en a qui s'éclatent.

Finalement, j'ai fini par trouver un bus. C'est lorsqu'une dame peu avenante m'a fait une réflexion sur la place que prenaient mes bagages que j'ai senti les larmes monter. Je vous passe l'accueil déplorable à l'hôtel, l'absence d'une quelconque restauration . Ah mais vous pouvez commandes des pizzas, un livreur passera!" m'a suggéré le réceptionniste. (Youpi, de la bonne pâte immonde, qui te donne l'impression d'avoir avalé un litre de smecta, quelle bonne idée). Bon, j'ai renoncé à manger, sinon une pomme qui traînait dans mon sac, pour prendre une longue douche qui te lave les idées noires (normalement) et surtout aller me coucher.

Je crois que j'ai pris là ma décision la plus raisonnable de la journée. Enfin, presque. Si seulement les murs n'étaient pas en papier de cigarette, si seulement mes voisins de chambre n'avaient pas décidé de faire la fiesta, si seulement je n'avais pas eu l'idée de tester la ligne wifi défaillante de l'hôtel (parce que j'avais quand même du boulot à finir, je sais, c'est nul) qui a eu le don de m'agacer, si seulement je n'avais pas dû me lever à 6 heures du mat, je pense que j'aurais presque eu l'impression de juste souffler.

J'ai craint le pire le lendemain matin, lorsque le chauffeur de bus, à l'haleine fétide, m'a limite envoyé bouler et que, ayant raté le bon arrêt, j'ai dû recommencer le chemin de croix, avec bagages, mauvaise humeur et envie d'être à Honolulu de plus en plus pressante.

Mais finalement, j'ai eu un bol monstrueux, puisqu'un chauffeur de l'institution (le fameux employé, un peu suspicieux quant à mon cancer imaginaire, quand même) m'a déposé au garage, à la mini-pause du midi (vous savez, celle où on mange, de façon très classique), après cinq heures de débats matinaux, que j'ai pu reprendre le volant sous la neige et retourner à l'assemblée l'après-midi. Le tout sous le regard inquiet des Conseillers, jetant régulièrement un oeil à la verrière extérieure pour scruter l'état du ciel. Oui, j'ai eu du bol de quitter la ville le soir, alors que les flocons de neige auguraient d'une bonne galère routière.

Aujourd'hui, la ville est bloquée. Le bus de mon chauffeur à l'haleine fétide est bloqué. Et moi, je suis bien au chaud, à vous raconter une simple journée, une journée comme j'aimerais en voir moins souvent.

Mais, c'est vrai, sans scoumoune, ma vie n'aurait pas la même saveur...

2 commentaires:

  1. Ma pauvre Mouette ! Allez, courage, la roue (pas celle que tu as cassé, s'entend, mais celle de la chance) finira forcément par tourner. Un de ces jours.
    Bises.
    Thierry

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  2. Ouais. Y a des jours qu'on regrette d'avoir vécus. En même temps, les journées n'ont que 24 heures, ça sauve.

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