Voilà un an, je revenais toute ragaillardie d'une semaine rennaise assez exceptionnelle, de mon point de vue, après m'être vu confier les clés de la maison le temps que la cafelière aille se ressourcer quelques jours. Oh, se ressourcer n'était pas un terme exagéré tant la fatigue, mais aussi l'envie d'aller humer un autre air, lui enjoignaient de laisser la main le temps d'une pause.
Aujourd'hui, la cafelière doit laisser la main. Mais cette fois, elle ne reviendra pas. Le Café Clochette est à vendre et, si ce lieu, par bonheur, est repris, mon amie, elle, quitte cette aventure qu'elle a menée avec une détermination incroyable depuis le début. Elle était, je crois, l'un des modèles de pas mal d'entrepreneurs (euses, devrais-je peut-être écrire), rêvant eux aussi d'ouvrir un endroit un peu alternatif, où la chaleur humaine et les bons p'tits plats, la simplicité et l'envie de partager dépassent le simple cadre d'un restaurant. Des utopistes, comme moi, j'imagine.
N'empêche, la cafelière y est parvenue, elle a donné du corps à son projet. Elle a transformé sa maison en un commerce dont le seul bémol, finalement, fut... de ne pas en être vraiment un. Le concept autour des enfants est très intéressant, mais les enfants ne consomment pas forcément. Les mamans viennent avec leurs petits pots, ou partagent leur plat du jour avec leur tête blonde. Les gens y sont bien, ils restent. On n'est pas là pour faire de la rotation. En gros, l'affaire n'est pas rentable. Comme on ne vit pas dans le monde des Bisounours, il faut parfois se rendre à l'évidence et jeter l'éponge.
Lors de mes passages dans la cuisine de la cafelière, je me souviens de ces heures intenses où le cerveau est pleinement sur mode automatique, concentré sur chaque tâche à accomplir. Je me souviens du coup de feu, quand la sauce à l'orange se met à faire des siennes, profitant de quelques secondes passées à sortir les lasagnes du four, de cette montée d'adrénaline incroyable, de ce sourire qui revient à la vue des clients, et puis du silence qui suit, à la fin du service, quand, telle une petite fourmi, vous nettoyez, ramassez, videz, et jetez un dernier oeil à l'espace immaculé qui était encore un champ de bataille deux heures plus tôt.
Je me souviens de cette sensation d'avoir les pieds qui poussent, d'être restée si longtemps debout à m'agiter. Je me souviens de ce lent chemin vers le sommeil, trop excitée par la journée passée. Je me souviens avoir pensé que cette vie était un sacerdoce. En me demandant si j'aurais eu la force de tenir à ce rythme, finalement.
A cette heure, j'imagine que la cafelière, elle aussi, revoit ces images qu'elle a vécues au quotidien plus de deux ans, ces images qu'elle avait déjà imaginées tout au long de la construction de ce projet unique. Le Café Clochette restera pour moi un lieu où il était permis de rêver, d'imaginer pouvoir vivre autrement, d'envisager des relations clients/commerçant différentes et humanistes. De façon bien plus prosaïque, le bilan économique a décidé qu'il était temps de tourner la page. J'en suis triste. "Oui, l'émotion est là quand on sent filer un rêve", m'écrivait-elle sur ce blog, voilà un an.
Pascale, je te souhaite tout le bonheur que tu mérites, dans ta nouvelle vie, ta nouvelle voie. Cela n'y changera rien, mais tu peux être fière de ce que tu as construit.
lundi 2 mai 2011
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Je me joins à toi, la Mouette, pour regretter la fermeture d'un tel lieu et souhaiter bonne chance à la cafelière. C'est dur mais toute expérience est une richesse infinie.
RépondreSupprimerBises à toutes les deux.
Thierry
Merde, c'est con....
RépondreSupprimerDésolée pour la crudité du propos, ce sont les seuls mots qui me viennent....des cafés Clochette, il en faudrait tant....et je suis sûre que la vie qui s'invente là, qui s'est inventée là, vaut plus que de l'or.
So long, d'accord, mais que l'après en vaille la peine, au moins !
Et je rejoins les sages paroles de notre Bluebird : " toute expérience est une richesse infinie".
Merci...
RépondreSupprimerLa suite a déjà commencé, heureusement, et je me réjouis d'avoir bientôt plus de temps, de disponibilité d'esprit, pour m'y consacrer encore plus.
Je vous embrasse.