dimanche 25 avril 2010

Retour sur terre

Voilà. Je viens de rentrer de Rennes et de son Café Clochette. La dernière fois, la chute avait été rude, avec le message - sur répondeur - m'annonçant un refus bancaire. Aujourd'hui, j'ai été accueillie par une lettre de Ouest-France, à qui j'avais adressé une candidature spontanée. "Malgré notre désir de vous être utile", écrit le DRH, "il ne nous est pas possible de vous répondre favorablement."

Bien. Même joueur joue encore.

Tout cela ne fait qu'attiser mes regrets. Oh, je sais bien, les regrets sont vains, mieux vaut regarder devant, blablabla. Sauf qu'après une nouvelle semaine en tant que "chef improvisée" (ah ah), j'ai définitivement le sentiment de ne pas être passée loin. Je n'ai jamais eu la prétention de devenir une cuisinière étoilée, bien sûr, mais, aux fourneaux, je me suis sentie dans mon élément. Les choses se faisaient naturellement.

C'est là toute l'ambivalence. Puisque je me sens bien en cuisine et que les portes du journalisme semblent rester closes, pourquoi alors ne pas continuer de creuser la piste? Eh bien, parce que je ne suis pas sûre d'en avoir l'énergie. Et il en faut pour tenir son affaire de main de maître!

Telles les figures dessinées sur les gros ballons gonflables des foires, j'ai l'impression de voir surgir, et fondre sur moi, tous ces sachants qui, tout au long de mon parcours, n'ont cessé de me répéter que c'était dur, la restauration. Ils seraient contents de voir que j'abdique, qu'ils avaient raison et qu'un peu d'expérience m'a cloué le bec.

J'ai adoré élaborer les menus, aller faire les courses (d'autant qu'une surprise vous attend parfois au rayon crémerie...), cuisiner seule, avec un fond musical folk et la compagnie des chats. J'ai adoré cette adrénaline qui monte, au moment du coup de feu, lorsque TOUS les clients arrivent au même moment et TOUTES les tables commandent au même moment. J'ai adoré dresser les assiettes, y ajoutant ma touche perso. J'ai adoré ces conversations à bâtons rompus. J'ai adoré...

Alors, quoi? Eh bien, derrière tout ça, il y a la compta, la paperasse, le ménage, ne pas oublier telle ou telle tâche, s'asseoir cinq minutes en fin de service avant de réaliser qu'on a oublié LE truc à faire, se relever, sentir ses pieds qui poussent... Tout ça, j'en avais conscience. Mais j'ai réalisé que la routine harassante qu'un tel rythme suppose peut devenir gênante, à long terme.

Car il n'y a pas de secret, si vous voulez attirer le chaland, pas question de suggérer un éventuel coup de mou. Il faut rester frais, dispo, souriant, avenant. La Palisse, sors de ce corps? Oui, bien sûr, n'empêche que la débauche d'énergie, pour accomplir les tâches ingrates et invisibles, finit inévitablement par détériorer le lien que l'on a créé avec la clientèle. On finit par s'épuiser. Et lorsque l'on est seul, tout prend des proportions démesurées.

La solitude, justement, parlons-en. Ma plus grosse difficulté aura été de gérer l'attente. De taire l'angoisse devant la salle vide, comme c'est arrivé à deux reprises. Et notamment le samedi soir, où j'ai fini par me préparer une assiette, puis me lancer dans un grand ménage, en attendant le retour de la cafelière.

Tout ça est excitant et aléatoire. Très aléatoire. Actuellement, j'ai seulement besoin d'être rassurée. Je ne veux plus être réveillée en pleine nuit en me disant que, dans quelques jours, c'est de nouveau le grand trou noir qui m'attend et qui peut m'avaler, si je n'y prends pas garde.

Sincèrement, je suis très fière d'avoir remplacé la cafelière une semaine durant. J'ai eu l'illusion de tenir mon affaire, toute seule, enfin. Il n'y a aucun exploit là-dedans, juste la concrétisation d'un vieux rêve et une satisfaction personnelle, qui fait du bien à mon ego malmené. Ceci étant dit, lorsque Pascale m'a demandé, avant de partir, ce que je voulais faire maintenant, si je voulais vraiment abandonner, j'ai senti mes yeux s'embuer, sans que je puisse réellement retenir l'émotion que cette interrogation a suscitée chez moi. Je lui ai évoqué ce regret, je lui ai dit que je trouvais tout ça dommage. Mais le plus délicat, désormais, va être de me relancer dans la vraie vie. Celle où l'on cherche du travail. Où les places sont chères.

Oui, je range la cuisine, non pas au rayon des souvenirs, mais à celui des projets - un jour, peut-être. Mais avec mes deux pieds désormais bien ancrés sur la terre ferme, où vais-je? Je n'ai pas encore trouvé le chemin, et cette nouvelle lettre de refus me confirme que rien n'est acquis, même en "revenant à la raison".

5 commentaires:

  1. Oui, l'émotion est là quand on sent filer un rêve... Enfin moi je vois quelqu'un qui est taillée pour ça, qui sait quels sont les risques, qui a travaillé dur pour faire face aux difficultés, et je me demande parfois si refaire le tour des banques ne serait pas une option quand même... Mais c'est facile de te dire ça après tout ce que je t'ai dit du métier tout à l'heure, sur la terrasse, devant une tasse de thé quand tout était tranquille parce que le Café fermé ! Tu es la seule à savoir où te porte ton désir d'avenir, au bout du bout. Et à pouvoir mesurer en pleine connaissance de cause ce que tu veux risquer dans l'aventure, ou pas.
    Quoi qu'il en soit, merci encore, mille mercis d'avoir tenu le fort même si les Indiens se faisaient rares et d'avoir supporté les... hum... faiblesses de mes chats. Les Indiens sont ravis et les chats en pleine forme !
    Je t'embrasse bien fort.

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  2. (En plus ce soir encore on va se régaler grâce à toi !)

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  3. Pascale sait certainement de quoi elle parle quand elle dit qu'elle te voit taillée pour ce métier. Oui, tu as travaillé dur, la désillusion doit être à la hauteur de tes efforts. Mais je sais aussi que ça valait le coup et que tu y arriveras. Et que si ce n'est demain, ce sera un jour.
    Bises, la Mouette.
    Thierry

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  4. Hey....rappelle toi donc que la Mouette est un oiseau taillé pour tenir la mer ! Mais qui ne vole pas dans les tempêtes, c'est pas un cormoran....
    Pascale a mille fois raison, l'Oiseau aussi.
    Je ne sais trop que te dire, sinon que nous t'accompagnerons. De toute façon. Et ça, c'est pas comme si tu te retrouvais seule, réellement seule ! tu sais ?
    Je crois que ce qu'il faut désormais, c'est remplacer cette poussée d'énergie née des espoirs et des rêves par une poussée d'énergie née du vécu et de l'expérience. Il y a quelque chose devant toi en restauration, c'est bien possible. ça traînera dans un coin jusqu'à ce que tu y voies plus clair...en attendant, cherche un lieu où te caser, pour assurer les entrées de " l'utile numéraire", comme eût dit Colette. Qui tiens, a dû faire front aussi à la nécessité de gagner sa vie, elle qui n'était préparée à rien....Accroche-toi ! tout est devant toi !

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  5. Anne a raison, la Mouette, nous t'accompagnerons tant que tu voudras poursuivre ce blog, tant que tu voudras de nous. Nous ne te laisserons pas tomber et tu pourras compter sur notre soutiens.

    Dans quel état était le bouquet, ce dimanche soir ?

    Bises.
    L'oiseau

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