Far, far away... Je jouais à la maman indigne. Alors que mon loulou avait trois mois, je l'ai laissé, une semaine durant, pour partir à... Mulhouse (youpi), histoire de couper le cordon, de nous habituer, lui et moi, à vivre des séparations.
Il avait huit mois - l'âge où, paraît-il, il ne faut surtout pas laisser son enfant - lorsque je me suis envolée pour Los Angeles. Pour trois semaines.
Oh, à chaque fois, c'était pour le boulot, évidemment, je n'y allais pas (que) pour faire du tourisme.
En vérité, j'ai pleuré nombre de fois, dans ma chambre alsacienne, et plus encore au Motel 6 d'Hollywood. Lorsque j'ai pu quitter la Cité des Anges, j'ai couru de joie sur Hollywood Boulevard, ravie de mettre un terme à ma souffrance, au manque que je ressentais au plus profond de moi.
La situation s'est répétée, pas forcément aussi loin, aussi longtemps mais Loulou comme moi nous sommes accoutumés à ce drôle de rythme. Je ressentais toujours ce petit pincement au coeur, à chaque séparation, surtout lorsque je préparais nos affaires - ma valise, bien sûr, mais aussi une pile de vêtements pour que son papa puisse s'organiser au mieux. Au moment de lui dire au revoir, aussi. Mais enfin, il vivait sa vie, je vivais la mienne et nous nous retrouvions avec ce même bonheur, soulagés de partager de nouveau notre quotidien.
Il était petit et n'avait pas vraiment la notion du temps. Il oubliait. Je me persuadais qu'il ne pouvait pas m'en vouloir.
Ensuite, la vie nous a un peu bousculés. De trois, nous sommes passés à deux. Éviter la fusion, ne pas en faire un fils à maman, j'ai songé à tout ce qu'impliquait une vie de famille mono parentale. C'était comme ça, c'est tout. J'ai continué à partir, à droite, à gauche. Cela ne changeait pas grand-chose. Je préparais toujours nos affaires, ma valise, bien sûr, mais aussi la sienne. Quoiqu'un peu chahuté dans son organisation, son papa était ravi de mes déplacements intempestifs, il pouvait profiter davantage de son fils, lui qui était désormais privé de ce quotidien familial.
Les événements ont fait que je me suis mise à espérer... une routine. Je ne voyais plus mon loulou, accaparée par un rythme infernal au boulot. J'ai décidé de mettre un terme à tout ça, de redéfinir mes priorités. La chair de ma chair, ça représente plus que n'importe quel job, même si celui-ci vous fait goûter aux joies des mégalopoles américaines.
Oui, je savais ce que signifiait une famille mono parentale, pour en avoir vu un exemple, celui d'une amie ayant élevé seule sa fille. Pour autant, je bénéficiais d'une "béquille", en la personne du papa, bien présent. Et lorsque je cochais "parent isolé" dans ma déclaration de revenus, c'était toujours avec un rien de scrupule, comme si je n'étais pas vraiment le cas social que ce statut me conférait.
Des arrivées intempestives, toute essoufflée, à 19h, le discours bien huilé pour parer à toute revendication des employées de la garderie, je suis passée à celles, calmes, apaisées (et chiantes, parfois) de 16h45, jouant à la maman modèle. Le goûter à la main, la main passée dans les cheveux blonds du loulou, ma seule préoccupation était de savoir si sa journée s'était bien passée. Une sorte d'intermède entre deux vies, qui a duré.
Parfois, j'ai résisté, expliqué à Loulou les contraintes d'une vie à se chercher - et à trouver sa voie. Il a protesté, du haut de ses 5, puis 6 ans, mais à vrai dire, il n'avait pas trop le choix. Il s'est habitué à avoir sa maman à disposition, à l'accaparer. En pure maman indigne, je me suis sentie parfois oppressée par cette tâche maternelle - oui, je l'admets - parce que je m'enfermais dans un rôle de mère au foyer qui ne me convient pas.
Fort heureusement, je soufflais régulièrement, d'abord en m'occupant l'esprit avec cette création d'entreprise, ensuite, tout bêtement, en profitant de mes jeudis soirs - où Loulou allait traditionnellement chez son papa - pour me faire un ciné, une petite sortie dans un bar de la ville ou ce genre de menues distractions. Rien de fou, mais une aération régulière et nécessaire. Et, un week-end sur deux, c'était quartier libre, le grand boulevard, la vie sans contraintes, sans repères. Sans Loulou.
Cette solitude récurrente m'a permis de laisser libre cours à ma mélancolie. Plus besoin de taire mes états d'âme, de me montrer disponible, ouverte et résolument concentrée sur les envies mutines ou insolentes de Loulou. Il était en de bonnes mains, occupé, pendant que je vaquais à mes occupations égoïstes.
Vint pourtant un moment où, confrontée à la réalité économique et aux difficultés répétées, j'ai compris qu'il me faudrait probablement quitter la ville pour explorer ailleurs des perspectives plus fructueuses. Une fois de plus, je freinais cette envie, consciente de l'importance pour mon loulou de voir régulièrement son papa.
...
Aujourd'hui, lorsque je coche "parent isolé" dans ma déclaration de revenus, je mesure tout le sens de ce statut. Oh, je vous rassure, pas question de jouer à Cosette ou Caliméro, j'assume complètement cette situation. Simplement, maintenant que je n'ai plus de "béquille", le papa travaillant dans une autre région, me voilà à devoir jongler entre velléités professionnelles et priorités familiales, avec un loulou qui n'a rien demandé et qui n'a pas à souffrir plus que de raison de ce nouveau contexte.
Je découvre pleinement ce qu'est une famille mono parentale. Bizarrement, cela a quelque chose de gratifiant parce qu'au bout de la journée, avoir assuré sur les deux fronts me laisse un sentiment de fierté incroyable (n'oubliez pas que je ne passe plus les portes, depuis hier). Pour le reste, oui, je dois revoir certains plans, et pas des moindres. C'est compliqué. Mais je ne veux pas, surtout, que mon fils se sente comme un poids, un frein.
A moi de lui montrer que loin d'être un fardeau, sa présence s'avère au contraire un moteur. J'ai beau être une mère indigne, c'est son sourire, sa fraîcheur et ses rêves enfantins qui me portent et me donnent envie de croire en des lendemains joyeux. C'est ce mélange détonant d'aplomb et d'innocence qui génère chez moi de la force.
Oui, chaque jour davantage de force, au fur et à mesure qu'il grandit, qu'il comprend - n'hésitant pas, parfois, à en jouer - que sa vie n'est pas forcément aussi classique et stable que celle de ses petits copains.
Qui sait? Peut-être aura-t-il un blog, plus tard, pour y conter à quel point sa mère était folle.
mercredi 26 mai 2010
Problématique d'une mère indigne
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"le blog du Mouettichon", tout un programme ! en attendant ce jour béni (puisse-t-il aussi avoir du style et de l'humour), je tiens à te dire que crotte, zut, oublies ton plan "mère parfaite", c'est juste un mythe ; non, il n'a jamis été un poids, et oui, c'est formidable de se retrouver seule de temps en temps pour n'étouffer ni l'un ni l'autre.Tu es, j'en suis persuadée, la mère "suffisamment bonne" dont parlent les psys, et qui construit un être humain. Et puis tu n'es pas seule autour de lui, le monde, à présent qu'il grandit, va s'immiscer de plus en plus entre vous deux, appportant de nouveaux matériaux sur les bases. T'inquiètes, c'est cool. Vous avez, ni plus ni moins, la vie que vous avez pu vous faire. T'es pas une mère indigne, stop avec ça, tu lui donne ce que tu peux, comme chaque mère, à lui de faire avec ou sans, comme chaque môme - et il n'en mourra pas, ni toi.
RépondreSupprimerQui sait même si un jour, il ne se dira pas qu'il a eu de la chance...et puis, on a toujours, au fond, les enfants qui nous conviennent, les parents qu'il nous fallait. Parce que justement, on aura "fait avec". Fais tout de même attention, à présent que Monsieur l'Ex navigue en eau lointaine, de ne pas te sentir obligée d'enfiler la défroque des super-women...c'est un défi inutile et perdu d'avance, où y aurait pas de gagnant....mon meilleur conseil, et ta meilleure reconnaissance ? reste donc toi même, telle que tu es, c'est ce qui peut encore vous arriver de mieux, à tous deux.
Et, oui, tu peux être fière, chaque soir. Tu t'en tire plutôt pas mal, je trouve.
A part ça, ce balai, retourné au placard ou pas ?
Je suis d'accord avec Anne. Oui, reste toi-même, d'après ce que tu nous raconte, tu t'en tires parfaitement. Et puis, après tout, partager le quotidien de plusieurs personnes, c'est enrichissant !
RépondreSupprimerBises, la Mouette.
L'oiseau
Anne ou la psy du net à pas cher! :-)
RépondreSupprimerMais... Elle n'a pas d'enfants! J'ai une formule moi : "S'il était facile d'élever les enfants, il n'y aurait pas d'enfants mal élevés."
Tout le paradoxe de nos monstres (j'en ai 3), c'est qu'on est prêt, tous les jours, à en prendre un pour taper sur l'autre. Mais aussi on est prêt à mourir pour eux. Un enfant c'est sa vie. Un enfant c'est ta vie. J'aurais vraiment, vraiment du mal à vivre loin d'eux, aussi exaspérants et énervants soient-ils. Un enfant c'est le doute permanent quant-à la manière d'agir avec lui.
En tous cas, madame La mouette, le plus important, c'est toujours d'aimer.
@++
Sousou - J'ai su de nases arrêtes