mercredi 7 juillet 2010

A quoi bon

Lundi soir, j'étais toute guillerette: j'avais bouclé ma mission avec deux jours d'avance, j'allais pouvoir m'attaquer à la suivante dès le lendemain, sereinement, sans trop de pression. Pour un peu, je me serais même imaginée avoir une vie privée: à savoir manger à des heures normales, aller chercher mon loulou au centre et même, peut-être pouvoir aller faire quelques longueurs à la piscine.

Le rêve.

Pour téléphoner ou voir des amis, j'allais devoir encore attendre, évidemment, mais enfin le progrès était flagrant. Quant aux soldes, en revanche, j'avais un peu renoncé, le fait de n'avoir pas reçu de salaire ce mois-ci (eh oui, ironie du sort, maintenant que j'ai trouvé un peu de taf, je me retrouve sans le sou, allez comprendre) n'y étant pas vraiment étranger. Et puis, je l'avoue; j'espérais bien finir cette mission avant le 20, date-butoir, histoire de filer sur Nantes glaner quelques infos et préparer l'avenir. Prendre un peu le temps de vivre aussi, parce que décidément, je ne m'y ferai jamais, de laisser mon loulou partir au centre dans un car, dès potron-minet, au lieu de profiter de l'été comme moi, à son âge, j'avais la chance de le faire.

Nostalgie d'un temps que je ne pourrai pas lui offrir. A moins que, un jour, peut-être.

Vous l'aurez compris, je me sentais sur de bons rails. Certes, j'avais eu une petite alerte, lundi après-midi, m'endormant lamentablement vingt minutes sur l'écran de mon ordi. Une sieste réparatrice, va-t-on dire. Mardi, à la piscine - allez, je me suis offert cette petite parenthèse, finalement - les palmes m'ont semblé plus lourdes que jamais. Pas trop d'énergie. Le double effet d'un week-end sans mettre le nez dehors et d'une diète alimentaire toujours en cours, sans doute. Mais bon.

L'après-midi, je m'y colle sérieusement et... je m'endors une nouvelle fois sur mon ordi. Quarante minutes cette fois. Je me réveille la bouche pâteuse et surtout, aucune, mais alors aucune envie de m'y remettre. Je sature. Je force ma nature paresseuse et me replonge dans ces débats beaucoup moins passionnants que les derniers. Une heure et demie après, je me rends à l'évidence: ça n'imprime plus, là haut.

Pas grave, il est l'heure d'aller chercher loulou. Je reprendrai le soir, comme d'hab. Sauf que mardi soir, rien à faire, je n'ai pas pu. Bloquée. A 22 heures, j'étais donc au lit, le genre de truc qui ne m'arrive jamais et j'ai eu toutes les peines du monde à m'extirper de la couette ce matin. Oui, ça ressemble à de la saturation, mais normalement, on ressent ça sur un temps plein, au bout de plusieurs mois, tout ça...

Je crois que le malaise est plus profond, que cette vie à jongler est en train de m'épuiser, que je m'imagine trop pouvoir faire comme les autres à aller me dorer la pilule alors qu'en ce moment, ce n'est juste pas possible! Le pire dans tout ça, c'est que l'énergie que je consacre pour ce boulot rémunéré au ras des pâquerettes et qui me vaut un salaire à la moitié du mois suivant me pompe tout mon temps et ma sève, donc pour les perspectives, la solution n'est pas idoine.

Pourquoi je continue, alors? Parce que, malgré tout, ça fait du bien de travailler, de recevoir des offres de mission. Les retours sont valorisants. C'est l'idée aussi, qu'il faut sans doute en passer par là pour se relancer, pour avancer et voir le bout du tunnel. Et puis, au souvenir des terribles matins hivernaux où je me levais sans la moindre idée de ce que j'allais bien pouvoir faire de ma peau, je me ressaisis d'emblée et préfère ce surmenage à l'inertie.

Je me dis aussi, au vu des événements actuels, qu'il n'y a que peu de raisons que les choses s'arrangent pour une certaine frange de la société française. Que seul le système D va pouvoir éclairer un peu la voie. Parce que les employeurs profitent plus que jamais du désespoir qui s'est installé, de la quête d'un job, vaille que vaille, pour tous ceux qui se sont retrouvés sur le bas-côté. Qu'un journaliste doit se contenter aujourd'hui d'un salaire au SMIC, tout en étant, il va sans dire, polyvalent et disponible jour et nuit pour son cher canard.

Tout ça est terriblement frustrant, bien sûr, et je ne parviens pas totalement à effacer ce "A quoi bon?" qui s'est imprimé dans mon esprit. Plus que jamais, j'ai conscience d'avoir repris le chemin d'un travail d'exécutante, comme pour me rassurer. J'en suis même à espérer un boulot stable, loin de mes envies de création et d'épanouissement personnel.

La différence, par rapport à ma vie d'avant, c'est cette précarité qui s'installe chaque jour un peu plus. Je veux croire que quelque chose va arriver, que rien ne survient au hasard et que ce fastidieux parcours va mener quelque part, que rien de tout cela ne sera vain.

Il n'empêche qu'au lieu de bosser, là, ce soir - j'ai tenu une heure, pff - je suis en train de m'épancher bêtement. Foutu besoin de liberté.

3 commentaires:

  1. Besoin de liberté bien naturel ! C'est ce qui se produit quand on sature. Je t'ai écris en commentaire il y a quelques temps maintenant que tu devrais te ménager un peu. Faut_il que je t'explique le principe ?
    Allez, courage, la Mouette.
    Bises.
    L'oiseau

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  2. Et moi je te répète que ce n'est parfois pas possible de se ménager, l'urgence bloque toute activité annexe et, même si cela engendre de drôle de conséquences, il faut tout donner et ne pas penser à ce luxe de vivre "normalement".

    Merci de t'inquiéter mais sincèrement, c'est comme ça, point. Il faut savoir ce que l'on veut. Et si ça passe par un travail de psychopathe, eh bien, il faut l'accepter. Peut-être cela ne servira à rien, mais c'est une question de pragmatisme, c'est tout.

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  3. Je connais. Je connais. Je connais. Et ce sacré besoin de liberté chevillé au coeur, c'est peut-être lui qui nous sauvera de ce monde carcéral et aliènant flétri par l'angoisse que je vois poindre jour après jour d'entre les poings serrés de ceux qui gouvernent. Il faut bosser, parce qu'il faut vivre. Rien à redire, et je te souhaite bon courage. La fatigue est normale, la déprime aussi. Gaffe à ne pas la laisser prendre toute la place, c'est le piège où on se fait prendre ! Il faut lutter, mais bien penser où on met ses forces ! bises.

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