Ce que j'ai toujours aimé dans mon métier d'avant, c'était de pouvoir côtoyer de tout. De l'élu et du prolo, du cadre sup et de l'animateur social, de la mère de famille et du sportif, du people et du beauf.
Au fond, on finit par penser que si le contexte change, les névroses n'épargnent personne (je ne sais pas si le constat est franchement rassurant mais au moins permet-il de relativiser). Et surtout, la réalité du jour s'en trouve bouleversée en permanence. La vérité de l'un, si elle n'en demeure pas moins respectable et honorable, n'a aucun lien avec la vérité de l'autre. Et surtout pas avec sa propre vérité.
Non, non, je n'ai pas fumé, je vous jure. De temps en temps, je me fais un kif d'un bouquin extra sur la philo, un gros pavé jaune qui pose de vraies questions qui t'embrouillent l'esprit. Mais pas aujourd'hui, avec mes élus à écouter, j'avais déjà ma dose pour transformer ma p'tite tête en citrouille.
Non, j'écris cela en repensant à quelques lointains souvenirs, surgis vendredi soir, alors que j'entamais ma troisième journée (j'ai pas fumé, je vous dis). Dans ce même lieu qui avait accueilli le gotha de la ville une semaine plus tôt se tenait, cette fois, une réunion de communistes.
Alors, on a beau dire, les clichés, les a priori, faut faire gaffe, tout ça... N'empêche que certains ont la peau dure.
A vrai dire, je ne savais rien du type de public que nous devions servir le soir, ma "boss", m'ayant conviée à la dernière minute à participer à cette petite "sauterie" - enfin, de l'autre côté de la table, évidemment, là où on sert et on se tait.
Et donc, ces gens sont sortis de leur réunion pour le buffet prévu, nettement moins guindés que d'habitude, plus cool, plus souriants, plus spontanés. Plus nature, ça, je ne peux le nier. Plutôt que de mettre une distance avec les serveuses, comme savent si bien le faire les VIP dignes de ce nom, eux sont venus directement à la source (id près du Jaja), certains n'hésitant pas à se coller derrière le bar. Oui, comme moi.
Euh, non, madame, tu n'as pas le droit d'aller taper dans l'assiette, là, on la mettra après celle-là, ça s'appelle la gestion des stocks, ou comment tenir toute une soirée et contenir la vague des pique-assiettes discrètement.
Elle y est allée quand même, parce qu'elle avait faim. Très faim. Je l'ai même soupçonnée de ne pas avoir mangé depuis quinze jours, me fiant à son appétit gargantuesque. Et ce même si sa silhouette ne traduisait pas la marque d'un tel jeûne... Mais enfin bon, comme disait ma maman de façon hautement délicate quand j'étais petite-à-grosses-joues : " mieux vaut faire envie que pitié " (tiens, cela méritera qu'on en cause...).
Ta ta ta, j'ai fait ma police, et elle a filé. Vers les rillettes, plus loin. Un peu de répit. D'autant plus que ce petit monde a rejoint la cour extérieure pour un buffet assis, sous une chaleur de plomb - sûr qu'ils n'allaient pas se lever toutes les deux secondes pour réclamer à boooooooire et à manger.
Pour le reste, j'ai eu l'impression de servir des potes à une fête champêtre. Enfin, presque. Bon, deux ou trois ont chipoté : "Et je peux prendre deux brochettes, hein, allez - alors que leur assiette débordait déjà : "mais laissez-nous donc le pichet de vin! Ah ah (les ah ah devenant de plus en plus virulents et bruyants au fil de la soirée, proportionnellement au degré éthylique des invités. Phénomène classique mais jamais facile à gérer) "Et je peux avoir encore du pain. Et, et, et... " Ma pique-assiette s'est mise à empocher quatre, cinq, six morceaux de pain d'un coup.
Elle doit avoir des chevaux à nourrir, c'est pas possible.
Mais donc, vous disais-je, le reste était vraiment sympa, et ils nous ont même replié les chaises avant de repartir, quittant les lieux au moment précis où l'orage éclatait. Tellement spontanés et relâchés qu'ils ont en aucun cas parlé doucement ou baissé la voix lors de nos passages répétés (le coco aime le rouge, je vous le garantis). Et puis, de toute façon, une serveuse est par définition transparente dans ce genre de soirées.
Sauf que la vilaine petite curieuse que je suis a laissé quelques bribes aller jusqu'à ses oreilles. D'où l'idée des clichés (attention, je ne juge pas, je constate. Je suis toujours admirative de l'engagement des personnes, qui plus est pour un combat, semble-t-il, perdu d'avance) : Le communiste est décidément toujours enragé, pardon, engagé. Il a toujours cette forme de naïveté confondante, son combat contre le capitalisme chevillé au corps. Entre le plat et le fromage, il raconte ses idéaux, s'emballe sur une injustice et continue de croire qu'il peut changer le monde.
Là, en entendant ces envolées lyriques, ça m'a fait penser au boulot. Bah oui, l'autre, puisque je retranscris des débats municipaux où les interventions, souvent brillantes, s'avèrent aussi régulièrement caricaturales. Juste au son, parfois à l'intonation, je comprends très vite à quel bord politique la personne appartient.
Pour le coup, il s'agissait de la même famille. De quoi créer des liens, si j'en juge par certains propos triviaux - le Jaja n'y étant pas étranger, pour sûr. Mention spéciale pour cette conversation sur les règles. Pas les règles de trois, hein, non, les règles des femmes. Classe et savoureux, entre deux bouchées.
L'avantage est évident: lorsque tu fais tomber un morceau de fromage sur la pelouse, tu n'as pas peur que la malédiction s'abatte sur toi pour les quatre prochaines générations. Bon, tu fais mine d'en être chagrinée, quand même et puis tu demandes au monsieur de ne pas ramasser, en priant pour qu'il le fasse, parce que le plateau, il est pas extensible, les gars, et ce morceau a été particulièrement couronné de succès - donc, on ne gâche pas.
Et lorsque le type le ramasse quand même pour l'enfourner dans sa bouche déjà pleine, tu relativises. Et tu t'abstiens de commenter lorsqu'il t'explique d'un ton graveleux que son choix s'est porté sur ce fromage parce qu'il s'appelait le trou. Mais si, mademoiselle, le trou, ah ah ah, tenez, je vais dire ça à ma femme, hey, Gisèle, t'as vu, je reprends du trou, ah ah ah.
Oui, ah ah ah. Qu'est-ce qu'on se marre.
dimanche 4 juillet 2010
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Parfois, c'est affligeant. Non, pas ton billet : le fait que les gens soient les mêmes partout....
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