vendredi 9 juillet 2010

Amère avec le ministère

Contactée par le ministère de l'Emploi, vous disais-je...

Hier, en pleine retranscription, j'ai manqué de lâcher mon ordi à la sonnerie du portable. Trop concentrée.

Affreux.

C'était le ministère de l'Emploi. Au début, je n'ai entendu que "Emploi" et je me suis dit, ça y est, j'ai enfin la réponse pour le poste que je reluque à Nantes, alléluia, je vais cotoyer des bas du front, tout vient à point à qui sait attendre, ce genre de baratin, tout ça.

Mais en fait, non. Le monsieur, dont la voix laissait présager un style physiquement intelligent, m'explique qu'il réalise une enquête auprès des bénéficiaires du NACRE, un dispositif d'aide à la création d'entreprise. Dont, de fait, j'ai profité, avant de devoir faire le deuil de ma P'tite Dînette. Si je veux m'exprimer? Tu penses que je ne vais pas laisser passer l'occasion! Bon, quand il me parle d'une bonne vingtaine de minutes, je prends peur et lui suggère de me rappeler ce soir. C'est que j'ai des compte rendus de la haute à terminer, avant d'attaquer le menu fretin.

Quand le téléphone reste désespérément muet, le soir venu, je suis un rien déçue. J'aurais bien aimé profiter de l'opportunité, mine de rien. Car après tout, un petit exemple combiné à des tas d'autres, ça peut peut-être faire avancer les choses, non?

Finalement, il appelle plus tard que prévu, mais peu importe. Les questions sont nombreuses et précises et me replongent d'emblée quelques mois en arrière. La SARL, les prêts d'honneur, le besoin en fond de roulement, la fronceuse de sourcils, les formations, mon retour à l'école à l'AFPA, le Café Clochette, mon expérience d'apprentie scary movie girl chez le triste toqué, les carrés, les barbus, le dormeur, le maori, les banques et leurs incitations à dégoter un multimillionnaire, les allées et retour sur mon vélo, tantôt exaltée, tantôt abattue, mes espoirs, les désillusions, l'achat de la vaisselle, les tabliers en cadeaux...

Tout me revient en bloc. J'en parle avec un curieux mélange de détachement et de colère rentrée, l'amertume coincée au fond de la gorge, certes, mais suffisamment de recul pour lâcher à mon interlocuteur que "face à un comité régional bancaire, mon dossier ne tenait pas la route, du fait de mon inexpérience, de la conjoncture, ma situation personnelle... A leurs yeux, évidemment."

Il est dans l'empathie, ce monsieur. Évidemment, certaines questions ne permettent pas une réponse plus détaillée que "pas satisfait, satisfait, assez satisfait ou très satisfait" et il doit sentir ma frustration de ne pouvoir préciser mes dires. Alors, à la fin du questionnaire, il m'indique que si j'ai un message à faire passer, surtout que je n'hésite pas. Je lui dis que la création d'entreprise, telle qu'elle est présentée aujourd'hui en France, n'est en fait souvent que de la poudre aux yeux, permettant au gouvernement d'atténuer certaines statistiques déplaisantes et à Pôle Emploi de soulager un rien ses conseillers débordés par la cohorte de chômeurs.

Lui, qui est resté plutôt objectif jusque là, m'encourage dans cette voie. "Remarque très juste", me dit-il. Du coup, je lui raconte ma dernière tentative avortée d'auto-entreprise. Attentif, il me demande s'il peut prendre mes coordonnées complètes, "afin de remonter l'information jusqu'au Ministère de l'Emploi. Je suis persuadé que votre expérience pourra intéresser certaines personnes." Ma générosité n'ayant pas de limites, je lui indique l'existence de ce blog, qui relate quelques déboires d'une pseudo-créatrice d'entreprise. L'intitulé le fait sourire, je l'entends.

Il note tout ça en me souhaitant bonne continuation.

Pas sûre qu'Eric Woerth m'appelle dans les jours à venir. Il a, je crois, d'autres chats à fouetter en ce moment. Mais ça fait du bien de se lâcher et de partager son expérience, si modeste soit-elle.

3 commentaires:

  1. Je vois ! La Mouette fréquente déjà le gratin régional et voudrait, en plus, le haut du panier ! Un ministre, pas moins !
    Tu as bien fait de te lâcher, oui, il faut qu'ils sachent, les faiseurs de règlements, là-haut, il faut qu'ils se rendent vraiment compte.
    Bises.
    L'oiseau

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  2. Bien envoyé ! C'est bon de savoir que tout le monde ne repeint pas les choses en rose dès qu'il y a de " l'officiel" dans les parages !!!!
    Si ça pouvait en effet remonter !

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  3. @ L'oiseau: si seulement ma petite voix pouvait faire écho de la précarité qui touche de plus en plus de Français aujourd'hui... ça ne changera très probablement rien, mais il est toujours permis de rêver!

    @ Anne: bah quoi, tu croyais quand même pas que j'allais m'écraser!!

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