mercredi 24 novembre 2010

La sauce du fantôme

Résumé des épisodes précédents:

Je rêvais d'être journaliste.
Je rêvais d'être journaliste à Bip-Bip magazine.
Je suis restée journaliste à Bip-Bip magazine une petite quinzaine d'années.

Je rêvais d'ouvrir un restaurant.
Je rêvais d'ouvrir un restaurant et de cuisiner pour des vrais gens.
Je rêvais de faire de la pâtisserie et que les vrais gens viennent savourer tout ça.
J'ai signé un compromis de vente pour l'acquisition d'un restaurant, j'ai mitonné quelques gâteaux ça et là et je suis restée en rade.

J'ai rêvé d'allier mes deux passions, l'écriture et la cuisine.
J'ai compris que dans la vraie vie, la place pour le rêve diminuait au fur et à mesure que la réalité (payer son loyer, son miam miam, tout ça) nous rattrapait.
J'ai bien perçu le côté triste de la chose mais comme je suis une grande rêveuse, j'ai juste remisé à plus tard certains utopies.
Pour quand je serai grande.

La vie des autres m'a toujours passionnée.
Écouter la vie des autres m'a enchantée.
J'ai longtemps rêvé d'être nègre. Écrivain fantôme. Ce genre.
J'ai rencontré Poney.

Poney me nourrit de ses mots et moi, je nourris son irrépressible envie de laisser une trace sur cette terre, la trace de sa vie incroyable et palpitante.

Poney remplit des cahiers de ses écrits. Et les mots prennent véritablement vie, sortent des pages, dansent et virevoltent lorsqu'elle évoque ses tranches de vie.

Deux fois par mois, elle et moi nous donnons rendez-vous sur son perron, pour le traditionnel salut, toujours enjoué de part et d'autre. Et nous nous dirigeons tranquillement, au rythme de ses pas saccadés, vers le fond de son jardin. Dans son cabanon. Nous nous asseyons. Je la regarde. Je branche mon dictaphone. Je lui pose une première question.

Je suis soudainement transportée dans le New York des années 30. Poney, aussi, à entr'apercevoir le voile qui marque son visage, si proche, si distant à la fois. Les minutes s'égrènent vite et les détails se bousculent, parfois sans logique aucune. Poney dit que tout ça, c'est loin, que la Poney qu'elle me montre sur ces photos incroyables, est une autre qu'elle-même.

Mais elle fait revivre cette petite fille gâtée et solitaire, cette jeune femme mutine et talentueuse, à chaque mot qu'elle prononce.

Comment traduire cette énergie? Comment relater au mieux un tel parcours? Au fil des entretiens et du travail que j'accomplis, à mon retour, en tête à tête avec mon ordinateur, je réalise à quel point la mission du nègre s'avère délicate: il faut s'effacer, soit, pour rester fidèle à la personnalité de votre interlocuteur. Mais lorsqu'un passage vous semble un rien fade, la tentation est grande de le ficeler autrement, de s'en arranger, de remanier le tout. A sa sauce.

Sauf que Poney ne veut être cuisinée qu'à sa sauce.

Finalement, la cuisine et l'écriture sont bel et bien liés. Je suis en train d'expérimenter, à ma sauce, leur exaltante combinaison.

4 commentaires:

  1. et nous, on sèche d'envie d'être petite souris dans un coin.

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  2. Tout à fait d'accord avec Anne ! A la lecture de cet article, on sent son imagination cavaler plus vite que tes mots, les dépasser, presque puis se laisser rattraper pour mieux repartir. Promets nous de nous dire où nous pourrons nous procurer l'ouvrage quand il sera fini et publié.

    Bises, la Mouette.
    Thierry

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  3. Une sauce américaine façon française....quel challenge!!!
    Bon courage la mouette, fais confiance à ton instinct de cuisinière,tu viens d'établir un lien que j'appelerai la "gastronocriture".

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  4. Tu as raison, Anne, lorsque j'écoute Poney, je mesure ma chance et je bois du petit lait...

    L'oiseau, c'est exactement, ça, son imagination cavale plus vite que mes mots et certains épisodes de sa vie sont tellement extraordinaires qu'elle n'a parfois qu'à rappeler à elle ses souvenirs pour éveiller notre curiosité! Quant à la publication, là, en revanche, j'ignore ce qu'il en sera... Pense bien que j'en informerais même mon voisin du dessous si cela survenait!!

    Excellent néologisme, Babelle! Poney le vaut bien...

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