mardi 22 mars 2011

Jusqu'ici, tout va bien

Des réacteurs sont en feu et en attendant d'être irradiés, les Japonais se collent un sac plastique sur le visage, évitent les épinards et l'eau du robinet. Ils essaient de reprendre une activité normale, regardent des émissions farfelues à la télé où les animateurs ont bouffé un clown, sans vraiment oublier la traînée grise que laissent les fumées. "La vapeur s'échappait déjà avant", rassure un porte-parole de la centrale de Fukushima.

Ah bah, ça va, alors.

Le réacteur n°3 contient un truc encore plus dangereux que l'uranium, du MOX, condensé d'uranium et de plutonium. Le MOX est interdit aux États-Unis, mais pas au Japon, parce que c'est quand même drôlement efficace, ce truc, et ce serait ballot de ne pas l'utiliser, juste pour une sombre histoire de danger de mort. Sauf qu'il paraît que le plutonium, c'est moyen-moyen pour la survie de l'humanité. Et là, on y est, à cette sombre histoire.

Enfin, y'a encore une chance d'éviter la catastrophe planétaire. Hey, les gars, on croise les doigts et on s'appelle, hein?

Des masses d'air issues du Japon passent sur les Antilles mais en Guadeloupe, on est rassurant: "regardez ce ciel bleu, vous voyez un nuage, vous?"

Ben non, il est nickel, le ciel, tout bleu.

Les masses d'air doivent survoler dans la semaine l'Hexagone, mais pas de souci, c'est mille à dix mille fois moins radioactif que le nuage de Tchernobyl en 86 (qui s'était stoppé net, cela dit, aux frontières françaises, comme un grand, sans doute tout effrayé des sanctions potentielles. Ouh la la, vous le voyez le gros nuage radioactif, fait moins le malin quand nous, les Français, on le regarde noir).

Pas de souci sanitaire, aucune crainte à avoir. Ouf.

En Libye, on craint l'engrenage après l'opération internationale lancée voilà trois jours. Mais Alain Juppé qualifie cette intervention de "succès" sans sourciller. Succès, succès... Cette notion d'un truc qu'on fête, vous voulez dire ? On doit déboucher le champagne, c'est ça?

C'est vrai qu'en Afghanistan aussi, on est de bons pompiers bien efficaces et qu'on ne s'enlise pas du tout.

En Côte d'Ivoire, Laurent Gbagbo s'accroche à son siège et le bain de sang continue, mais bon, comme les images arrivent en moins grand nombre sur nos écrans, on ne parle pas vraiment de guerre, juste d'émeutes.

Question de vocabulaire, comme dirait Maître Capello, qui vient de tirer sa révérence.

En France, les petites gens d'en bas (mais pas que) qui se sentent spoliées depuis siiii longtemps sortent du bois et affichent fièrement leur vote dominical pour le Front Nauséabond. Le Président, face à la menace, suggère à son bon peuple d'aller se promener dimanche, pendant que son Premier Ministre appelle son groupe politique à la raison. Votez contre le Front National - et donc, tant pis, pour le PS (je sais, ça fait un pincement au coeur, j'ai ressenti le même en 2002, en votant Chirac).

On sent l'unité, c'est cool.

Je sais pas vous, mais moi, j'habiterais sur la planète Terre, je serais moyennement rassurée. Ah, oui, mince, y'a pas d'échappatoire, on est dedans jusqu'au cou. Heureusement, en attendant le désastre, on peut encore écouter des paroles sensées et réfléchies. Ce matin, j'ai été scotchée, dans ma salle de bain en entendant Rony Brauman. Allez voir ce lien, c'est très intelligent : http://dai.ly/h5Pr6i

"Nous ne sommes pas Dieu, nous ne sommes pas tout-puissants " conclue justement Rony Brauman dans cette interview de Pascale Clark. Perso, et très modestement, j'avais déjà une vague idée sur la question. Pas sûre que tous les mégalos de la planète en aient conscience, mais en même temps, à part le mur, je ne sais pas trop ce qu'on peut voir en ce moment.

Enfin, jusqu'ici, tout va bien.

3 commentaires:

  1. Ah, parce que ça t'arrive, de passer par la case "salle de bain" ? Je croyais que tu passais tes journées en pyjama de pilou pilou, moi :) Nan, j'te taquine.
    Trêve de plaisanteries (douteuses), tu as raison sur toute la ligne, bien entendu, et je ne vois pas ce que je pourrais rajouter à ça.
    A part que, peut être, tu n'as pas parlé de misère affective et/ou sexuelle, dans ton article, et que contre ça, même le Front National n'a pas de programme. Au contraire, il suffit de regarder Mlle LePen pour débander (oui, je me lâche, tiens - verbalement, je veux dire, ne déforme pas mes propos, s'il te plaît).
    Bises, la Mouette.
    Thierry

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  2. bon bin ,à part tout ça qui va mal, moi, j'ai mes carottes qui lèvent et mes pruniers qui vont fleurir ; parce que malgré toutes nos conneries, la vie continue quand même, et mérite qu'on la regarde. Dont acte, en ce qui me concerne.
    Allez, on sourit quand même...parce qu'à force d'écouter cette accumulation de cata, on perd les forces qu'on pourrait bâtir rien qu'en regardant le sourire d'un gosse qui passe dans la rue.....et dont on va avoir vachement besoin.

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  3. @ L'oiseau: Marine Le Pen, remède au priapisme? Au moins, elle aura servi à quelque chose!! (et à semer la zizanie, aussi. Si les politiques dits républicains pouvaient commencer à se remettre en question...)
    Pour la misère sexuelle et affective, ça, je n'ai pas de réponse non plus, le malaise grandissant dans notre société va contribuer à toujours plus de solitude, mais là, on est en plein café du commerce...

    @ Anne: bien sûr, à notre échelle, il faut toujours regarder le bout de ciel bleu. N'empêche que cette perspective d'apocalypse tranche avec les discours naïfs et pseudo-rassurants des responsables et je ne peux m'empêcher de tiquer là-dessus, même si, paradoxalement, oui, c'est plutôt une belle journée aujourd'hui et que je ne pleure pas dans ma salle de bain (hein l'oiseau) ni ne me morfonds dans mon canapé. Ca ne sert à rien de se lamenter, on est d'accord.

    Mais, quand même, on va où, là?

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