Je me souviens, lorsque j'étais à l'école primaire, le directeur, qui était aussi mon instituteur en CM2, ne cachait pas son dédain pour ses têtes de turc. En leur balançant sèchement leurs travaux, il s'arrêtait devant eux, les regardait fixement en fronçant ses sourcils et leur assénait le verdict, fatal :
"Tu seras au chômage plus tard".
Je ne savais pas trop de quoi il parlait, à vrai dire, mais ça ressemblait bien au mythe du grand méchant loup. Il fallait voir la tête de mes petits camarades, déjà condamnés, à 10 ans... C'est resté ainsi dans mon esprit très longtemps. Je pensais naïvement que cela n'arrivait qu'aux autres. Aurais-je dû donc vivre ma nouvelle situation comme une punition suprême? Comme la preuve que je n'avais pas bien travaillé, comme le sous-entendait cet instit plein de tact?
Les choses ne sont jamais si simples, bien sûr. Cela m’amuse de décrypter les visages, soudain affolés, des bien-pensants qui veulent montrer toute leur empathie mais qui, au mieux, ne laissent transparaître que de la pitié, au pire du mépris. Quelle est donc cette folle qui quitte son travail pour rien ? Les jours passent et les choses s’installent. Le matin, lever difficile, on part à l’école avec mon fils et c’est à chaque fois le même sentiment de doux laisser-aller qui me traverse sur le chemin du retour. Voilà, ma journée commence et j’ai jusqu’à 16h30 pour me « réaliser ». Travailler. Potasser. Je n'en fais rien. Au lieu de cela, j'ai l'impression de suspendre le temps. De me laisser porter.
Pourquoi faire mine d'aller mal? Devrais-je courber l'échine? Non, bien sûr que l'on doit garder la tête droite, le pas altier. Faire mine. D'être pressé, d'avoir une vie bien remplie. Penser que lundi, y’a école, même si le lundi, pour vous, c’est juste un jour comme les autres, où le tram se remplit un peu plus le matin, où le centre-ville est désert et où vous pouvez circuler partout sans craindre la cohue en pleine journée, pendant que les gens travaillent. Eux.
En ce début d'hiver où j'aime habituellement me calfeutrer, j'ai l'impression de prendre plus de temps pour tout, j'ai envie de journées de 36 heures et j'en suis à établir des listes tellement je me sens submergée. Une façon de taire mes angoisses? Peut-être. Car, parfois - et trop vite à mon goût - mon inconscience me rend folle. Pourquoi je passe autant de temps à humer l’air extérieur, à discuter, à ne plus rien minuter, alors que l’urgence, c’est de se remettre dans une case, vite ?
J'ai la réponse en moi. Je sais que j'ai besoin de souffler avant de repartir vers une nouvelle aventure. L'instit savait-il que le chômage peut devenir salvateur?
mardi 14 avril 2009
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