mercredi 12 mai 2010

48 heures dans la vie d'une chômeuse

Ouh la la, je ne suis pas mourue, j'ai simplement expérimenté en vrai le concept de la fille coupée en deux depuis 48 heures. Me voilà un rien lessivée, mais waouh, que c'est bon, toute cette énergie. Tiens, d'ailleurs, après mon 24 heures, qui m'avait valu le commentaire peu amène d'une anonyme -me conseillant de jeter mon ordinateur (!) et de renoncer à la littérature de gare - je ne peux résister à la tentation de vous raconter mes dernières 48h. Du suspense, de la souffrance, des larmes, des cris, des rires, vous allez voir, vous allez voir... J'arrête le jingle à la sauce M6, vous allez finir par y croire et vous seriez déçus. Allez, flashback...

19h45 - J'ai posté mon message, j'attends encore un peu et je n'y crois plus. C'était une fausse alerte, sans doute, ce job. Un peu désappointée, et d'autant plus que j'avais demandé à l'Ex de garder Loulou, j'appelle ce dernier, histoire de prendre des nouvelles et, pourquoi pas, sur un malentendu, de le récupérer. Une heure plus tard, loulou m'écrase de tout son poids, confortablement installé dans le canapé. L'Ex a bien voulu le ramener à la maison. Tu parles d'une soirée studieuse...

22h- J'avais oublié qu'un Loulou, ça dort pas toujours. Me voilà à chasser les monstres et à implorer le marchand de sable de rappliquer vite fait.

2h - J'avais oublié qu'une mouette tourmentée, ça dort pas toujours. Une semaine que mon sommeil est perturbé. Me voilà à implorer le marchand de sable de montrer sa fraise vite fait.

7h20 - J'ai dormi trois minutes. Enfin, c'est l'impression que j'ai, au son du radio-réveil qui s'est déclenché. Wax Tailor chante "Say yes" et j'ai juste envie de lui répondre no.

7h35 - Au moins, j'aurais profité d'un quart d'heure de sommeil au cours de cette nuit agitée. Pff.

8h35 - J'annonce à Loulou que je viendrai le chercher à la sortie de l'école, sacrifiant ainsi nombre de velléités personnelles (chercher un travail, m'insérer dans la vie active, tout ça). Loulou, sans conscience aucune des incidences tragiques de cette décision sur mon avenir professionnel - comment ça, j'exagère - sourit. Ça vaut le coup de faire des concessions.

8h40- Je suis parano ou la maîtresse de Loulou me regarde bizarrement? Tout ça pour quelques malheureux cernes et un épi capillaire? Pffffffff.

9h- Je l'appelle? Je l'appelle pas? Elle m'a quand même plantée, cette DRH, avec ses tests auxquels je n'ai pas eu le loisir de répondre.

9h01 - C'est dingue, quand même, ils ont besoin de quelqu'un et ils ne rappellent même pas.

9h02- Euh, cela dit, j'ai un peu besoin d'un travail.

9h03 - Je reprends du thé.

9h04 - Je la rappelle. Elle a envoyé ses tests à 17h30, m'assure-t-elle. Jamais rien reçu. "Pourquoi n'avez-vous pas rappelé?" Bah, et toi, Madame, ai-je envie de lui répondre.

9h05 - Toujours se souvenir que j'ai besoin d'un travail.

9h06 - Elle me propose de m'envoyer de nouveau les tests. Si je pouvais y répondre pour hier, rapport que le travail doit démarrer lundi prochain, ce serait drôlement bien.

9h07 - Je lui précise que ma journée est chargée et pleine de rendez-vous, à 10h, midi, 15h (sans compter la sortie d'école de Loulou, mais je n'en dis rien, petite maligne que je suis). Et que ça ne va pas être easy-easy de traiter cela au plus vite.

9h08 - Elle me demande si je suis toujours intéressée par le poste. Je ne comprends même pas qu'elle puisse en douter.

9h35 - Voilà, j'ai eu l'envoi. Un intitulé me fait frémir: QCM culture générale. Soudain, le triste souvenir de mon plantage me revient en mémoire. J'ouvre le document. Je m'en sors bien, c'est plus simple. L'autre QCM, sur l'orthographe et la grammaire, s'avère également doux comme un agneau. Ouf.

11h30- Mon rendez-vous a traîné en longueur et l'annulation de la séance de basket arrive à point nommé. La DRH m'a parlé d'un test de trois heures, si tout va bien, j'aurais fini avant d'aller chercher Loulou à l'école.

11h31 - J'ai ouvert tous les documents et instructions. Je commence à lire.

11h32 - J'appelle l'Ex. Maman aura la tête de Papa, ce soir, à la sortie de l'école. Impossible de faire autrement.

14h48 - Je dois quitter momentanément mon poste de travail, rendez-vous oblige. J'ai dû retranscrire trente minutes sur un son de trois heures. Je sens que la soirée va être longue.

16h15- Passage express chez Promocash. Dans l'optique des cent madeleines et autant de cannelés et macarons, j'ai besoin de nouveaux moules pour accélérer le mouvement. Je songe à cette image de la fille coupée en deux et je sais déjà que je vais passer ma soirée entre le salon, à retranscrire cette foutue réunion, et la cuisine, pour enchaîner les fournées de cannelés. Ma vie est un bordel sans nom. Au bout d'une tête de gondole, deux femmes s'échinent pour savoir si oui ou non elles prennent le stock de purée Mousline soldé à 50%. Vive la cuisine authentique... Ma vie est un bordel sans nom, mais j'ai des valeurs, moi. Vade retro, la purée Mousline, vive les plats maison... Un éclair de lucidité et je me souviens que j'ai 300 gâteaux maison à préparer pour demain. En plus du test, je veux dire. Ma vie est un bordel sans nom, de fait.

16h30 - Allez, cette fois, c'est reparti.

20h- Je me demande si la bande-son a réellement une fin.

20h35 - J'envisage une pause dîner avec, ô suprême folie, l'allumage de télé et un petit moment de bonheur devant Hondelatte et son "Faites entrer l'accusé" (il me fait beaucoup rire).

20h50 - Je dois me rendre à l'évidence. Je ne connaîtrais jamais le fin mot de l'histoire. Afin d'apaiser ma frustration, je n'éteins pas la télé, seulement le son.

21h12 - Ma première tournée de cannelés est officiellement cramée. Mauvaise idée que d'avoir mis deux moules simultanément. Les petites bêtes me narguent, avec leur tête noircie. La soirée va être looooooongue.

23h45- Bercée par le rythme du minuteur, je me lève à chaque sonnerie, histoire de vérifier que les cannelés dorent correctement. Dans le salon, on parle accessibilité des handicapés et fonds de financement pour aménager des ascenseurs et autres marches à contrastes. Et puis d'ACMO et de travaux dans la lingerie. Je suis à fond.

1h15 - Cette fois, les cannelés sont tous cuits et en boîte. La cuisine ressemble à un champ de bataille. Je me décide à la nettoyer.

1h45- Cette fois, j'ai écouté l'intégralité de la bande - trois heures. Allez, quelques retouches, deux-trois vérifications sur les noms et on n'en parle plus.

3h50 - Les retouches prennent du temps. C'était peut-être pas une si bonne idée de vouloir écouter de nouveau la bande.

5h03 - Alléluia! J'ai fini! J'envoie aussitôt le document à la DRH.

5h04 - J'ai comme un doute, là.

5h05 - C'est bien ce que je pensais. En fait, je viens seulement de réaliser une partie du travail. J'ai retranscrit in extenso. Maintenant, je dois retravailler le texte, le débarrasser de ses fioritures. Le tailler au scalpel.

5h06 - Je serais suicidaire, je me taillerais les veines, tiens.

6h32 - Je jette un oeil à la télé, que j'avais oubliée. Mon dieu, c'est Télématin, mais c'est pas vrai, il est quelle heure?

6h33 - Je sens une bouffée de fierté m'envahir. Ma dernière nuit blanche remonte à... un temps où je pouvais encore les assumer, j'imagine. Mais surtout, je n'ai pris AUCUNE substance pour tenir - pas même un carré de chocolat. Tout juste pourrais-je admettre une légère addiction aux réflexions débiles d'un syndiqué, qui n'en finit plus de prolonger la réunion -et mon calvaire.

6h34 - Je suis droguée au travail, en fait.

6h35 - J'ai toujours pensé que ce n'était pas si bon que ça pour la santé, le travail, en fait.

6h36 - D'ailleurs, j'en pleure. Des larmes de fatigue. Je n'ai aucune résistance, finalement. Je ravale ma fierté.

6h44 - Alléluia! J'ai fini! J'envoie aussitôt le document à la DRH.

6h45 - J'ai comme la migraine, là.

6h46 - Un oeil sur ma messagerie, puis sur les fenêtres ouvertes de mon ordi. Tiens, je fais 3615ma vie sur Facebook en évoquant ma nuit blanche. Je suis pathétique.

6h47- Je vais me coucher.

6h48- J'ai oublié de me démaquiller.

6h49 - C'est chiant, d'être une fille.

6h50- J'adore mon lit, il n'est plus qu'à quelques centimètres de moi lorsque...

6h51 - Je réalise que je n'ai pas fait la pâte à madeleines. Celle qui doit reposer une heure au minimum. Avec une livraison à 16h30, ce ne serait pas du luxe de prendre un peu d'avance.

6h52 - L'odeur du beurre fondu à cette heure, je sais pas, j'ai un peu de mal.

7h - Allez, cette fois, j'y vais.

7h01 - Non, je ne peux décemment pas laisser la cuisine et la vaisselle dans cet état.

7h12 - Cette fois, je suis au lit.

7h13 - J'ai oublié de me laver les dents.

7h14 - Je renonce à la perfection (ah ah).

7h20- J'entends de la musique. C'est mon radio-réveil qui m'annonce qu'il est l'heure de se lever.

7h21 - Mon radio-réveil est un grand comique. Comme j'ai également mangé un clown, je lui coupe la chique. J'ai fait pareil avec les téléphones, d'ailleurs.

7h43- Je pensais que trois pages suffiraient pour me plonger dans un sommeil profond. Camille Laurens, sa romance nerveuse et sa rancoeur immense me tiennent en éveil. Saleté.

11h - J'ai dormi trois minutes.

11h30- Au moins, le four va me réchauffer et chasser ces frissons qui secouent mon corps las.

15h30 - Pâtisseries OK, ménage OK, Mouette KO. Dans une heure, je dois jouer à la serveuse, à l'occasion d'un buffet.

15h31 - Pourquoi j'ai pas de Guronsan chez moi?

16h - Je me prépare un deuxième expresso.

16h10 - Coup d'oeil à ma messagerie. "Votre candidature a été retenue". Je relis. Je souris. J'ai le poste!

16h30 - Arrivée au restau. La journée peut commencer.

18h31 - "Va voir la dame en rouge, elle veut te parler de tes gâteaux!" me dit ma "boss", pendant le buffet.

18h33 - "C'est pas tout ça, mais au boulot!" me rappelle ma boss, me libérant de l'emprise de la dame en rouge qui adooooooore mes douceurs. Évidemment, je n'ai amené aucune carte.

18h35 - "Ils sont bons, ces gâteaux", lâche le Maire, toujours dans les bons plans, en gobant un macaron. Ma boss me gratifie d'un clin d'oeil. Je suis bouffée par la vanité.

18h45 - Les pique-assiettes sont partis, nous laissant avec plus de deux cents verres sales. Le silence reprend progressivement ses droits. Un peu de vaisselle, du rangement et je file.

19h45 - Retrouvailles avec Loulou. Après avoir joué à cache-cache avec lui, je vais profiter de ces quelques jours de l'Ascension pour rester sagement à ses côtés. Dans la cuisine, je retrouve mon deuxième expresso, intact, que j'ai oublié de boire avant de partir. Finalement, je n'en aurais pas eu besoin pour rester éveillée.

Y'a pas à dire. Ma vie est un sacré bordel. Et j'aime sacrément ça.

5 commentaires:

  1. Ca, ça s'appelle une vie intensive et pleine de rebondissement, loin, très loin du traditionnel "métro-boulot-dodo"!! Et si, en plus, le maire aime tes douceurs (en même temps, qui n'aimerait pas tes douceurs!!!!)
    Bises!

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  2. Bravo, félicitations ! Pour le poste, d'abord, et pour le courage, la ténacité. Repose-toi bien ce week end, tu l'as mérité.

    Bises, la Mouette.
    L'oiseau

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  3. Ouais ! ça c'est de la viiiie ! Je crois qu'un de ces quatre je vais repiquer la formule, et vous refiler 24 h de la vie d'une ex-paysanne berrichonne au chômage engluée dans le quart-monde rural....tu verras, c'est pas mal non plus.....:)
    Alors, à présent, RE-PO-SE-TOI !! et bon week end !

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  4. C'est part les blogs sur lesquels la paysanne berichonne est inscrite que je tombe sur (le cul) celui-ci!
    Excellent! J'ai adoré tes articles! Drôles, dynamiques et sensibles. Si tu veux de moi,je deviens membre!
    Camille Laurens, c'est "dans ces bras là"? Dérangeant (je trouve) comme bouquin, sur le fond. Quand à la forme... Bof... En tous cas, elle a un style.

    @++
    Sousou - Jacques Bauer

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  5. Bonsoir à tous, merci pour vos messages que je découvre avec un peu de retard, déconnexion totale oblige...

    Sousou, bienvenue ici, mes comparses commentateurs et moi-même sommes ravis de t'accueillir! Merci, je suis toute rouge de confusion... Concernant Camille Laurens, il s'agit de son dernier roman, "Romance Nerveuse", le style y est de fait très particulier...

    Je reviens rapidement pour reprendre le blog là où je l'ai laissé en cette fin de semaine... Bizz à tous!

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