mardi 7 septembre 2010

Shiva, les grévistes et le gigolo

Jour de manif = jour festif.

Pour les restaurateurs, j'entends. La boss ayant eu le nez fin, elle s'était doutée que son lieu serait envahi par les grévistes, parce que c'est pas le tout de râler dans les rues, mais ça donne faim.

Avec Loulou (ben oui, pas d'école pour lui, et une possibilité de garde uniquement pour les enfants de parents qui... travaillent, j'adore), nous avons donc rejoint le cortège, et pour cause: leur itinéraire coïncidait exactement avec le nôtre. J'ai un peu regretté d'avoir oublié mon appareil photo parce que y'avait petits sketches de tous les côtés, slogans rigolos et bien trouvés et têtes de vainqueurs à tire-larigot. En revanche, pour l'éventuelle reconversion dans la chanson, c'est mort. Dans le genre casseroles, on a eu droit à quelques jolis spécimens.

A vrai dire, l'ambiance m'a semblé bon enfant, les sourires et les embrassades se multipliant, alors que machin retrouvait truc sur l'avenue et qu'ils trouvaient ça drôlement marrant, les uns et les autres, de se croiser dans un tel contexte, pendant que les mômes jouaient à la marelle improvisée. Je sais pas, moi, j'étais restée sur l'idée qu'une manifestation, c'était un rien violent, et que la grogne est telle, actuellement, qu'un lancer de pavés ne serait pas surprenant.

Non, tous ces grévistes voulaient avant tout montrer leur mécontentement, avec cette pointe de résignation qui fait craindre le pire pour le mouvement social. Mais je m'égare, je m'égare, je vous parlais donc de bouches à nourrir. Et là, autant vous dire que nous avons été gavées de clients. Un rien Shiva, nous en avons servi une quarantaine - à deux, je vous assure que c'est chaud - et refusé une bonne dizaine. Des gens plutôt de bonne humeur, qui avaient soif et qui m'ont rappelé la soirée coco dans ces mêmes lieux.

Cette sensation de miracle permanent ne me quitte décidément pas, à chacun de ces services de fous où on a l'impression qu'on n'arrivera jamais à aller prendre la commande de la table au bout, proposer les menus et le plat du jour de l'autre côté de la terrasse, ne pas oublier la carafe pour les trois arrivés en douce sans se présenter, servir les deux tablées de neuf simultanément, le tout en gardant le sourire et en restant présentable (hum). Et puis, voilà, ça arrive. On y parvient, grâce à ce mode automatique qui s'enclenche et qui nous libère l'esprit de toute pensée parasite.

Le petit shoot d'adrénaline passé, il ne reste plus qu'à ranger. Ah mais non, un couple s'est installé. Un type physiquement très intelligent et sa "moitié" qui ne semble d'ailleurs pas bien finie. Une idée traverse mon esprit, que je balaie dans la foulée, en me disant que je vois le mal partout. Une fois leur commande passée, ils s'échangent un regard, je le vois la fixer avec une lueur: "Tu paies, chérie, n'est-ce pas?"

Bingo, c'était bien ça. Un gigolo.

Je les sers et je reprends le grand nettoyage. Les tables sont recouvertes de tracts et un client s'est même amusé à coller des autocollants sur les sets en papier. Pas sûre que je vais me convertir aujourd'hui à la cause syndicale mais enfin, je leur suis reconnaissante de défendre notre cause. Parce que j'avoue n'avoir plus manifesté depuis mes années lycée (et encore). Et que relever le challenge du gréviste affamé me met de bonne humeur, moi aussi.

Comme une parenthèse avant le retour à la vie normale.

4 commentaires:

  1. Bonne chose, tiens ! D'abord tu as travaillé, ça fait des sous et d'autre part, tu as participé à ta manière à ce mouvement social. D'une pierre deux coups, bravo. La question n'est pas d'avoir sa carte à un syndicat mais si le coeur y est...
    Un gigolo ? En pleine manif ? Eh oui, c'est un métier à risque, à 67 ans, on est bon pour la casse... Même avant, peut être.

    Bises, la Mouette.
    Thierry

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  2. Coucou la mouette ! Mes yeux ont beau parcourir ce blog, je n'y trouve pas ton adrese mél pout te transmettre le mien. Késaco ? A plus !

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  3. Ah, là là, les jours de grève.....et bien, j'y fus-z-aussi, dans la rue. Pas que j'aime ça, mais là, fallait. Et j'attends vraiment que ça pète, pour tout dire, bien que je ne sois pas prête DU TOUT à lancer le premier pavé.

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