mardi 16 juin 2015

Advienne que pourra

Lundi matin, 6h- Je n'en mène pas large. Une nuit très agitée malgré deux somnifères (!!), un torticolis survenu la veille au soir, autant vous dire qu'on a fait plus zen, en matière de candidat à un examen.
 
6h30- Pas moyen non plus d'avaler quoi que ce soit (c'est pas comme si je partais pour une journée marathon de 7 heures non plus, vous me direz)
 
6h45 - Je sors de la maison, des papillons plein le ventre. Je sens un fin crachin... Clark m'encourage une dernière fois. Allez, direction le CIFAM.
 
6h50 - Sur la route, je me pose quelques questions sur ma santé mentale. Qu'est-ce qui m'a pris de me lancer dans l'aventure?
 
6h51 - Ah oui, le goût du risque, sans doute, et puis une passion irraisonnée pour la pâtisserie. Allez, en avant.
 
6h52 - Je retrouve Sophie, autre candidate libre nantaise rencontrée à la faveur d'un groupe extra sur Facebook. Je la regarde, elle me regarde, on les regarde. Les? Oui, les petits jeunes qui attendent avec leur petite mallette devant le centre. Moyenne d'âge 17 ans. On essaie de sortir le plus discrètement notre attirail. Une grosse malle pour Sophie, une mallette, un sac hôtelier et un sac à dos pour moi. Léger, quoi.
 
7h - Fébriles, nous rentrons dans le bâtiment. Nous observons le labo, derrière les fenêtres, ce lieu que nous ne connaissons pas. Pas l'idéal pour bosser, mais enfin, ça fait longtemps qu'on s'est habitué à l'idée. C'est immense et ça semble bien équipé.
 
7h30 - Distribution des sujets. Charlotte cardinal, tarte chocolat-banane, 16 Paris-Brest, deux tresses et 8 brioches à tête. Ouf. J'aime bien faire ces quatre prépas, que je n'ai jamais loupées jusqu'à présent, et surtout, j'évite les religieuses, que je fais "caca".
 
8h02 - Je laisse échapper un "m..." parce que je viens de voir une boulette sur mon ordonnancement, ce document qu'on remplit pour décrire le déroulé de notre journée. "Vous n'avez rien à dire", ma lance sévèrement un juré.
 
8h03 - Ok, je me tais. Mais quand même, excusez la stupeur. En gros, j'aurais eu trois grosses prépas à lancer en même temps à 9h, si je n'avais pas vérifié. Je rature. De toute façon, il faut que je me fasse à l'idée que tout ne sera pas parfait.
 
8h10- Cette fois, comme dans Top Chef, nous sommes chacun derrière notre tour et c'est parti. Nous sommes quatre - deux garçons, deux filles - dans un vaste labo et chacun s'affaire. Je fais mes pesées pour ma brioche, et une fois la bête lancée dans le robot, je m'attelle à ma pâte sucrée. Deux jurés arrivent pour me poser des questions. Je suis agréablement surprise par la facilité de ce premier oral et je repars pleine de confiance. Pendant ce temps, ma brioche ne fait toujours pas "ploc-ploc", je laisse tourner... et je vois les minutes défiler.
 
8h45 - Dès lors, c'est une course contre le temps et contre moi-même que je lance. Le stress que je pensais voir partir au début de l'épreuve ne me lâche plus. Je sens l'adrénaline, certes, mais il me tétanise aussi par moment.
 
8h50- Un juré vient me voir et me demande où je travaille. Du coup, je lui explique rapidement le parcours un peu bizarre que je suis depuis quelques temps, entre cuisine et pâtisserie. Il m'interroge sur mes envies, après, on se rend compte qu'on a des projets en commun et je le sens limite prêt à m'offrir un café pour qu'on en cause quand je réagis. "Euh, ma farine, faudrait pas que je l'oublie!" "Ah oui, pardon, je vous laisse bosser".
 
9h30 - J'évite de regarder où en sont les autres candidats, d'autant que je n'ai pas choisi de démarrer comme eux. J'ai fait mon biscuit cuiller avant, la pâte à choux après. Du coup, je vois les Paris-Brest dressés sur leur grille alors que je n'ai pas démarré ma panade (oui, c'est la panade, justement, ah ah ah. Excusez-moi, je crois que j'avais coupé l'option humour à ce moment).
 
10h - Le jury revient pour une deuxième session de question, principalement sur l'hygiène et la sécurité. Pas de souci majeur, sincèrement, c'est facile. Ils repartent en souriant, je reprends mes activités l'âme plus légère.
 
10h30 - Du coup, je m'applique, je prends mon temps, je veux bien faire, sans panique.
 
11h - Résultat, je suis à la bourre sur toutes mes préparations, c'est une horreur. Je pense à ma Charlotte que je devrais monter mais il y a la brioche à façonner, et puis la crème anglaise à préparer avant d'en faire une bavaroise et puis, et puis, et puis... Je me raisonne en me disant que ça va aller, que je sais faire.
 
11h45 - Dans un quart d'heure, c'est la pause obligatoire et je n'ai pas façonné mes brioches. Le truc qui te prend une demi-heure si tu veux bien t'appliquer et faire de jolies boules, sans aspérités, et ben là, j'ai quinze minutes maxi pour le faire. Tout va bien.
 
11h57 - Les brioches à tête sont dans leur moule, il me reste deux tresses à faire en 3 minutes. Tout va bien.
 
12h - Je suis rouge pivoine. Jamais fait des brioches aussi laides. Mon entremets n'est pas monté. J'ai honte et je me sens mal.
 
12h02 - Nous sommes dans les vestiaires avec Sophie. Impossible de manger ma salade, j'ai toujours le nœud dans le ventre. Nous essayons de nous rassurer l'une et l'autre.
 
12h 45 - C'est reparti. Et là, je me mets en mode automatique pour rattraper tout mon retard. Je suis la dernière à lancer mes brioches mais laides ou pas, je les sortirai. J'ai un compte à rebours dans ma tête et j'enchaîne les actions, je me sens survoltée et calme à la fois.
 
13h15 - Un juré passe et me félicite pour mon fonds de tarte, effectivement réussi. "Oui, mais il s'est cassé, là". Et je lui montre le bout de pâte qui s'est fait la malle. Comment s'auto-flageller, première leçon... "Bah, vous ferez comme en boutique, vous le présentez de l'autre côté!" me conseille-t-il gentiment. La vie est belle.
 
13h30- J'ai rippé sur un Paris-Brest, qui se retrouve amputé d'une moitié. Hum.
 
13h45 - "Il vous reste une heure et demie!" Je suis épatée, j'ai quasiment fini. Enfin, enfin, le stress me lâche et je m'occupe sereinement de ma déco. Je rattrape ma ganache, qui a un peu épaissi, je fais cuire des sablés en forme d'étoiles avec mon reste de pâte sucrée, je me lance dans l'art naïf avec mes biscuits cuiller en forme de bateau (le thème demandé était "La route du rhum"), j'écris au cornet en m'appliquant, sans boulette.
 
14h 30 - Il faut que j'apporte mes brioches dans une salle plus loin. Enfin, brioches, c'est beaucoup dire. Mes tresses sont aussi longues qu'une journée d'examen foiré et font peine à voir. J'ai vraiment honte.
 
15h15- Fin des épreuves. Nous avons placé toutes nos préparations sur des nappes en papier. Je regarde le tout et je sens la déception, soudain. Au delà de l'énergie que j'ai ressentie, des efforts fournis, je me sens très mitigée. Je ne sais plus trop quoi penser. J'essaie de rassurer Sophie, qui a, elle, sorti de jolies brioches, entre autres. Et puis de jolis Paris-Brest aussi... Et puis... Ne pas chercher à comparer. J'ai du mal à me rassurer.

16h15 - Après le nettoyage complet du labo, nous nous retrouvons avec les autres candidates dans le vestiaire, nous débriefons. Je réalise qu'elles préparaient cet examen depuis 2 ans. Je me souviens de ce que j'ai vu dans la salle et je me dis qu'après tout, Sophie et moi n'avons pas à rougir de nos productions.
 
17 h - Sophie et moi, on se quitte sur le parking, après avoir longuement discuté de tout ce que nous avions vécu, pendant l'épreuve mais surtout depuis le début de nos entraînements. Je suis fière de nous. Advienne que pourra, mais au moins, on l'aura fait!
 

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