dimanche 21 juin 2015

La trappe

Vendredi soir, minuit largement passé. Je me suis assoupie sur le canapé, littéralement épuisée et je me redresse avec la souplesse d'un éléphant ankylosé (vous voyez un peu le genre). Les yeux mi-clos, je monte l'escalier et passe aux toilettes (vous saurez tout) (oui, je vous vends du rêve) (bref).
 
Il a fait chaud, aujourd'hui. Lourd. C'est sans doute pour cela que je trouve étrange de sentir un filet d'air dans cet espace exigu. Je me résous à ouvrir un peu les yeux (en priant pour que le sommeil ne s'en aille pas...) et là, je vois la trappe au plafond entr'ouverte.
 
Euh, comment ça, la trappe est légèrement entr'ouverte?
 
Ce doit être mes yeux. Je les frotte, les écarquille. Pas de doute, le sommeil est parti et la trappe qui mène au grenier est ouverte.
 
Je sors. Pas de panique.
 
"Clark?
 
- Oui?
 
- A tout hasard, tu aurais ouvert la trappe des toilettes?
 
- Quelle trappe?"
 
OK, Clark n'a visiblement pas touché à la chose.
 
Loulou, peut-être? Avec son mètre 50 et son bras dans le plâtre (oui, le jeune homme s'est blessé le soir de mon examen, histoire de pimenter tout ça)? J'ai comme un doute, là.
 
"Clark?
 
- Oui?
 
- C'est bizarre, quand même, pourquoi la trappe elle est ouverte ? (il est minuit passé, je suis souple comme un éléphant ankylosé et j'ai les yeux mi-clos, je vous rappelle, alors la syntaxe, vous êtes gentils, mais y'a des moments où on fait ce qu'on peut)
 
- Tu veux que j'appelle les flics?" me demande Clark en prenant le combiné.
 
Il appelle.
 
" Bonjour, nous habitons quartier du Biiiip à Biiiip (je tiens à mon anonymat, ah ah ah), la trappe qui donne accès au grenier est ouverte.
 
 
- ..."
 
Voilà, voilà. Ça lui fait une belle jambe, aux gendarmes, qu'une trappe d'un grenier soit ouverte, visiblement. Il nous répond de rappeler demain.
 
Demain? Mais demain, le type qui est caché dedans, il nous aura trucidés depuis longtemps, enfin! Ah oui, parce que je vous ne l'ai pas dit, mais dans ma tête, ça y est, y'a forcément un type caché. D'ailleurs, avec Clark, on se souvient d'un détail troublant: l'après-midi, on a entendu un gros bruit, genre une porte qui claque violemment, alors que nous comations réfléchissions au soleil.
 
Forcément, le type avait dû rentrer alors et s'infiltrer dans le grenier.
 
Clark s'agite à son tour. Comme il est fort et courageux, il décide d'en avoir le cœur net. Il descend dans le garage chercher l'escabeau (hauteur 70 cm), le pose aux toilettes, me demande de le tenir et grimpe dessus, sa lampe de poche à la main. Il s'accroche à l'encadrement de la trappe... Le truc en plaquo, là.
 
L'escabeau bascule. Les pieds de Clark sont dans le vide. Boum. Je me prends un Clark sur les bras. Oui, Clark m'est tombé dessus, en donnant au passage un coup sur l'ampoule. Nous sommes dans le noir, des bouts de plâtre sur nous... Et le type, lui, doit bien se marrer au-dessus.
 
C'est ce qu'on appelle un moment de solitude, je crois. Avec Clark, on peut dire qu'on l'a vécu à deux, là.
 
On se ressaisit, allez, on arrête, y'a personne, oui mais quand même, c'est bizarre, cette trappe ouverte (vraiment ouverte, pour le coup, puisque tout a cédé sous le poids de Clark).
 
Clark ne se démonte pas, saisit le bureau de Loulou (heureusement absent ce soir) pour grimper dessus et aller voir ce qui se passe là-haut (et récupérer sa lampe de poche qui a disparu).
 
Je lui demande en chuchotant s'il veut que j'aille chercher quelque chose dans la cuisine, en mimant un couteau.
 
Je réalise que ça risque de mal finir, cette histoire. J'imagine déjà le sang jaillir du ventre du monsieur, là-haut, ce que je devrais dire aux flics pour pas que Clark finisse en prison, à moins qu'on cache le corps...
 
Clark monte sur le bureau.
 
Sans lampe, il ne voit rien.
 
Re-moment de solitude.
 
Tant pis. On décide de barrer le chemin du type. On ferme la porte des toilettes et on met devant le bureau de Loulou. Ah ah, il fera moins le malin quand il voudra sortir. Obligé de faire du bruit, on le topera à la sortie.
 
Nous sommes machiavéliques.
 
Je vais me coucher. J'entends Clark qui s'agite encore. Il met un tabouret en plus, devant le bureau, histoire de bien bloquer la porte.
 
Il descend. Revient avec les ordinateurs qu'il planque dans la commode.
 
On est enfin couchés tous les deux, les yeux vers le ciel. On cherche à se raisonner, l'un et l'autre. Mais quand même, c'est trop bizarre, cette trappe entr'ouverte.
 
Le sommeil met du temps à venir. Vraiment.
 
Je finis par sombrer.
 
"Wouwouwouwouwouwouwouwouwou!!!"
 
Mon dieu, il est là! 3 heures du matin... L'alarme incendie s'est déclenchée.
 
Je me lève. Je regarde le bureau. Rien n'a bougé. Je sens mon cœur prêt à sortir.
 
Je serre fort la main de Clark. Fausse alerte.
 
Je m'assoupis de nouveau. A quatre heures et demi, je bondis. J'ai entendu un bruit. Mon palpitant est à son maximum.
 
C'est Perle, notre chatte. Elle veut sortir.
 
Après, je ne sais plus, mais je suis repartie très loin.
 
Au réveil, Clark et moi, on se regarde. On se lève. Tout est calme. Rien n'a bougé. On hésite entre l'envie d'éclater de rire tellement tout ça est ridicule et ce malaise, parce que ça se trouve, le type croupit toujours en attendant qu'on s'en aille.
 
Au moment de partir au marché, je vais aux toilettes et je lance : "ça y est, Ducon, on s'en va, tu peux en profiter pour filer."
 
Je regarde là-haut, pas rassurée.
 
C'est étrange, quand même, cette trappe entr'ouverte, non?
 
 

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