jeudi 11 juin 2015

Où j'en veux à mes neurones

Je ne pense pas qu'il s'agisse vraiment de coquetterie. Simplement, je ne me vois pas vieillir. On me dit souvent, d'ailleurs, que je ne fais pas mon (grand) âge; qu'on m'aurait donné 30, 32 voire, allez, 35.
 
Pensez bien que je rigole sous cape. Ah, s'ils savaient! (bon, je pense que certains ne sont pas dupes, ils ont juste pitié et pensent me faire plaisir en me rajeunissant) (grand bien leur fasse, ça me fait plaisir) (autant être clair) (bref).
 
Bon, ok, après tout, je n'ai "que" 40 ans. C'est juste que je n'arrive pas à m'identifier avec nombre de quadragénaires que je croise, ces hommes sérieux en costard, ces femmes fardées comme si le ciel pleuvait de la poudre en rafale, ces traînées d'effluves prononcées, ce côté assuré, affirmé, aussi.
 
Moi, j'ai encore souvent l'impression d'être une petite chose, un être qui, un jour, sera grand. Mais qui, en attendant, continue l'apprentissage et reste dans sa cour d'école à regarder, les yeux en l'air, ces adultes s'agiter.
 
Pourtant, j'ai bien compris que ce syndrome de Peter Pan, que je reprends parfois légèrement à ma sauce, ne tient pas une seconde dès lors qu'il s'agit de solliciter certains détails de mon propre corps. Mes jambes, par exemple.
 
Parfois, lorsque je joue au basket (j'ai enfin repris, 4 ans sans ma drogue, je comprends mieux mon état léthargique de ces dernières années!), je vois la balle rebondir, aller vers les lignes de touche et j'y vais, pensant naïvement pouvoir la récupérer.
 
Ah, ah. Ma tête veut. Mes jambes en sont juste incapables. Je me retrouve comme bloquée dans les starting-block, prêtes à partir en fusée mais sans plus de jus.
 
C'est moche, oui.
 
La balle sort et j'ai l'impression d'avoir été bouffée par un amas de cellules toutes molles.
 
Eh ben, pour le cerveau, c'est pareil. Enfin, un peu. Je n'ai pas la mémoire d'une poule, heureusement. Mais quand il s'agit d'imprimer, d'apprendre par cœur, ouh la la, je vous dis pas, c'est juste mission impossible. Depuis trois mois, mes deux livres de chevet sont ces œuvres hautement littéraires, là:
 
Un soir, une nuit, je m'endormirai sans eux. Dès lundi soir, en fait. Eh eh eh.
 
 
Tous les soirs, je revois le rôle du sel en pâtisserie, la définition du taux de cendre et du bloom, le schéma du système de froid, celui de l'œuf et du grain de blé... Eh bien, rien à faire, je suis incapable de réciter.
 
Vous avez raison, ça ne sert à rien? Sauf que dans moins de quatre heures, je serai devant mon pupitre, comme tous les autres candidats au CAP (toutes spécialités confondues, ai-je cru comprendre) à bachoter sur la prévention, santé et environnement. Et rebelote demain.
 
Bon, le truc, c'est que certaines questions sont tellement simples qu'un esprit de 40 ans comme le mien a tendance à chercher la mobylette (comprenez la petite bête, le piège. Un jour, je vous expliquerai le coup de la mobylette). Du genre: "d'où vient le lait?"
 
Euh, elle est où, la caméra cachée?
 
Ou bien: "donnez la signification de la TVA".
 
Ah ouais, quand même.
 
Je vous rassure, vu la complexité annoncée de l'examen, je ne suis pas hautement stressée par ces écrits. Je me dis juste que la gamine de 17 ans qui sera à côté pourra sans doute, si elle a été studieuse, aller piocher dans le tiroir "par cœur" qu'elle sortira illico lorsqu'il s'agira de dessiner une plaque à induction ou reconstituer les éléments du micro-ondes. Tandis que je serai là à chercher, au tréfonds de ma mémoire, cachées sous des piles d'autres souvenirs sans doute plus marquants, les solutions à des questions toutes simples.
 
Je ne me vois pas vieillir mais mes neurones, elles, ont parfaitement su remettre les points sur les i.
 
Les garces.

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