mercredi 1 juillet 2009

Jojo et moi, part two

J'arrive donc, à la bourre, dans ces finales NBA et assiste, un rien médusée, à la séance d'interviews post-entraînement. En gros, pendant que les finalistes suent sang et eau sur le parquet, un tas de scribouillards, envoyés spéciaux de la presse télé ou audio, squattent les travées d'une salle vide de 20.000 places. Genre, on a le temps, d'façon, on n'est pas stressé, blablabla. Et d'un coup, un costume-cravate, PR (relations publiques) de son état, donne le coup d'envoi. Là, c'est la ruée vers les stars, véritable mêlée où il faut esquiver les sales coups des pseudo-confrères, bedaines envahissantes et air bas-du-front. Comprendre aussi que la Barbie à côté de nous est là comme les autres, pour causer à Michael Jordan et qu'elle va y parvenir, non sans ruse, en jouant d'oeillades insidieuses et convaincantes.

Autant que je sois honnête avec vous: ce jour-là, en juin 1997, je n'ai pas pu lui adresser la parole. Il aurait fallu pour cela que j'emprunte un échafaudage pour grimper au-dessus des caméras. Ce qui est marrant, en revanche, c'est de se faufiler entre les jambes de nos amis-les-faux-calmes, dont l'adrénaline a grimpé à la vue de Jojo, même s'ils jouent l'attitude stoïque à l'extrême. Les questions, aussi, valent leur pesant de cacahouètes.

Question : "- Alors, Mike, comment tu expliques ce tir réussi dans les ultimes instants? "

" Bah, je sais pas pourquoi, je me suis retrouvé avec le ballon en main et je savais pas quoi en faire, alors j'ai shooté", peut-on lire dans le regard amusé de Jordan.

" - Mon équipe m'avait mis dans les meilleures dispositions pour que je prenne mes responsabilités" répond le Jordan politiquement correct.

Question : "- Mais, quand même, ce tir plein de sang-froid, c'est incroyable!"

"Si ça c'est une question, je postule demain au Chicago Tribune. Sont chiants, à s'extasier comme ça" pense Jojo.

" - Je remplis juste ma mission", poursuit Jordan, toujours courtois.

Vous voyez un peu le cirque. Moi, j'ai envie de lui demander s'il n'aurait pas plutôt envie d'aller se détendre à l'extérieur, mais je vois bien que c'est un peu déplacé. Donc, j'écoute.

Couvrir des finales NBA, cela peut supposer un sacré taf. En vérité, la Ligue mâche tellement le travail qu'un envoyé spécial étranger digne de ce nom finit par prendre le pli des autres. Au début, on se triture le cerveau pour être sûr d'avoir bien traduit les réponses et différentes quotes des joueurs et coaches. Puis, le cerveau en ébullition, on va se rafraîchir en salle de presse. Où l'on tombe sur TOUTES les phrases retranscrites par les petites mains de la NBA. Prémâché, je vous dis. L'intérêt, c'est que 1/ on ne risque pas le contre-sens ; 2/ ça laisse davantage de latitude pour observer (et pour se resservir du Coca Light). Le hic, c'est qu'avec une icône comme Jojo dans la salle, on a tendance à se focaliser et à oublier qu'à côté de lui, et contre lui, ça joue aussi.

Assumant complètement son statut, Michael Jordan va, après chaque match, aller répondre en conférence de presse. Sauf un soir, à Salt Lake City.

Dans la cité mormone, c'est l'euphorie absolue. Salt Lake City, ville paumée au milieu des montagnes de l'Utah, triste à mourir avec ses bars qui ferment à minuit et ses rues immenses constamment désertes, a changé de visage. Totalement transis, ses habitants ont habillé la moindre parcelle de violet, la couleur des Jazz. Je prends une photo d'une femme, agenouillée à côté de son... cochon, qu'elle a peint pour l'occasion. Elle sourit, elle semble trouver tout cela très normal. Je me demande où je suis et soudain, je me souviens: c'est l'Amérique, baby.

Les Jazz ont les moyens de revenir sur les Bulls et sortent l'artillerie lourde. Je suis parquée au dernier rang du Delta Center - à l'instar de la grande majorité des journalistes étrangers - et suis obligée de supplier le fan surexcité devant moi de ne pas se lever toutes les trois secondes, histoire que nous puissions suivre le match autrement que sur l'écran de contrôle. Pétards, feux d'artifice, Harley Davidson sur le parquet, Utah a mis le paquet alors que Michael Jordan transpire à grosses gouttes sur le banc. Il est malade, lutte contre la fièvre et est déclaré incertain pour cette rencontre capitale.

Pourtant, il va rentrer. Inscrire 38 points et offrir aux Bulls la victoire, malgré l'ambiance hallucinante qui règne, en cette chaude soirée de juin. C'est un héros. J'imagine la dame au cochon saluer l'exploit, malgré sa logique déception. Limite si le Delta Center ne réserve pas une ovation à son bourreau de la soirée. Mon esprit cynique me souffle que, peut-être, tout ça n'était qu'une question de marketing. Que Jojo, il allait aussi bien que moi. Pff. Genre, l'idole qui tombe de son piédestal.

Limite échaudée, je décide de boycotter la conf' de presse. 'Sont lourds, ces Ricains, à scénariser ainsi les finales! Me voilà donc dans les coulisses, ruminant ces pensées, lorsqu'un type, 2,10m et 130kg de muscles, à vue d'oeil, me frôle. Le même spécimen le suit. Entre ces deux armoires à glace, Michael Jordan. Mon jojo! Des gouttes de sueur perlent sur son front plissé. Il a du mal à tenir sur ses deux jambes. Il est là, dans le coton, à quelques centimètres de moi, et ne feint pas: il est affaibli. Oui, il est malade et a sorti un match d'extra-terrestre! Cet homme est un héros. Marketing ou pas.

A suivre...

4 commentaires:

  1. Encore ! Encore ! Encore !
    En fait, chuis pétée de rire - à cause de tout le folklore autour de l'évènement, croqué adroitement et restitué avec talent.

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  2. Tu devais être une journaliste d'exception lorsque tu étais encore en activité. La façon dont tu racontes ça, la vision un peu décalée, j'adore, c'est véritablement génial. Bravo, la Mouette.

    L'oiseau

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  3. Ah, mes deux fidèles!!

    Journaliste d'exception? Euh, faut pas pousser non plus, je scribouillais, hein... Je serais sans doute dans une rédaction si c'était le cas, d'ailleurs (il faudrait aussi que je postule quelque part pour ce faire, certes). Quand on croise des fans avec des cochons aux couleurs d'une équipe, forcément, ça fait un peu de matière à raconter!!!

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  4. Tu es trop modeste, Stéphanie. Ca fait matière à raconter, oui, peut être, mais la façon dont tu le raconte, ce n'est pas donné à tout le monde.

    Bisettes
    L'oiseau

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