samedi 13 juin 2009

Envoyée spéciale

La conclusion de mon précédent post pouvait vous laisser penser que j'ai démarré à New York. Il n'en est rien! Si j'ai longtemps caressé l'espoir de travailler dans la Grosse Pomme, mes séjours à Manhattan ont été davantage propices à un flambage de carte bleue en règle, à de gros coups de coeur, des moments d'euphorie et d'abattement. A pas mal de péripéties en tout genre, ce qui fera sans doute l'objet d'un post - y'a de quoi rigoler. Et donc, la première fois que j'ai mis les pieds aux States, c'était donc pour passer deux semaines à New York. Mission: observation!

Vous imaginez? Habituellement, on râle quand on nous cantonne à l'observation. Sauf que là, le journal m'avait envoyée pour que je sache de quoi je parle (plutôt judicieux, comme raisonnement). Une quinzaine au milieu de la jungle urbaine, simplement entrecoupée d'un petit passage à Philadelphie: y'a des métiers plus compliqués.

Me voilà donc à 20 ans, des ducasses et autres brocantes encore plein la tête, propulsée dans un univers qui me dépasse totalement. En fait, je devais quand même un peu bosser, mais la dose était tellement minime que j'ai pu savourer à plein ce premier voyage chez les fous-dingos US. Oh, n'allez pas croire que je suis anti-américaine à la base. Je crois que j'ai fini par le devenir un peu, même si je ne rejette pas tout en bloc, loin de là. Mais je vous assure qu'il y a de quoi s'étrangler, de rire ou de larmes d'ailleurs, lorsque l'on reste trop longtemps. Fin de la parenthèse.

En ce jour frisquet de novembre, j'étais évidemment bien moins blasée. Les clichés me sont apparus d'emblée: le long serpent jaune de taxis devant JFK, cette tâche de ciel bleu, soudainement, entre deux buildings, véritables monstres urbains en verre et métal, ces bouches de métro fumantes, le gros portier à l'entrée de l'hôtel, et ces sirènes, ces sirènes... Hurlantes, incessantes, comme si la ville était en état d'alerte permanente (d'ailleurs, c'est le cas). Ce ronronnement constant, la rumeur de Manhattan qui devient au fil des heures de plus en plus assourdissante. Un peu décalquée par le jet lag, j'ai pu prolonger la soirée. Mais comme je croyais encore aux légendes urbaines, je n'ai pas emprunté le métro, lors de cette quinzaine, et me suis gardée de rentrer trop tard. J'avais entendu parler de grands méchants loups...

Nous étions en 1994 et New York n'était alors pas sécurisée comme elle l'est aujourd'hui. Ce n'était pas de la paranoïa de ma part, à l'époque, même si ma prudence d'alors me semble, avec le recul, excessive. Histoire de me donner un aperçu de Big Apple, et profitant de ma journée avec le premier match NBA de ma vie pour de vrai, j'ai pris un bus, genre la vraie touriste de base, qui proposait un large tour de la ville. Arrivés à hauteur de Harlem, nous avons dû nous contenter d'une visite depuis nos sièges. Le quartier était beaucoup moins sûr qu'aujourd'hui (même si c'est pas Park Avenue non plus, faut pas pousser) et je n'avais donc eu qu'un sombre aperçu d'un coin semble-t-il abandonné des autorités et de la ville. Comme dans un film de Spike Lee, les gamins traînaient leur peine sur le perron de maisons délabrées, le regard un peu vide. Un cliché, je vous dis, mais vu depuis la vitre de ce bus qui refusait de s'arrêter. Sans doute y avait-il un peu de voyeurisme dans notre démarche. J'avais juste voulu me donner une impression générale, avant de creuser davantage. Là, je n'étais plus à ma place.

Ce qui m'a toujours épatée, à New York, et dans les mégalopoles en général, c'est cette promiscuité entre riches et pauvres. Aux quartiers résidentiels entourant Central Park succèdent Harlem, puis le Bronx (là aussi, drôles de souvenirs. Later, later...). Nous sommes donc redescendus, avec de nouveau des haltes, connues de tous les touristes. Il était temps de rentrer, je devais filer au Madison Square Garden, mythique salle de basket, mythique salle tout court, antre des New York Knicks. J'en avais rêvé et je suis rentrée (presque) comme dans un moulin, l'accréditation autour du cou, dans un état second. Je devais réaliser une interview après match et je flippais.

Quatre heures après (oui, c'est très, très long, un match NBA), je sortais du Madison Square Garden dans l'air glacé de Manhattan. J'avais le sourire aux lèvres, toute seule, bêtement. J'avais eu ma première interview, non pas avec Pat Ewing - qui m'avait toisée de toute sa hauteur (pas un vain mot pour le pivot de 2,13m), d'énormes poches de glace sur ses genoux meurtris. Non, avec Derek Harper (je sais, c'est moins classe. Mais les amateurs apprécieront!), un truc absolument nul où je bafouillais, toute rouge, tandis que lui ne perdait pas patience, mais un truc quand même. Où je lui demandais en gros s'il préférait un burger un une pizza, la ville ou la mer et plein d'autres questions aussi passionnantes.

Pour tout dire, cette pseudo-interview m'avait réconfortée. Car le match entre New York et Orlando, que je me faisais une joie de voir pour de vrai, je l'ai suivi des rangs supérieurs du Madison Square Garden, là où l'on parque les journalistes étrangers. Mon voisin, un habitué, avait amené ses jumelles (!). J'ai passé la rencontre les yeux rivés sur... l'écran géant, pendant que des dizaines de mètres plus bas, Pat Ewing s'échinait avec le tout jeune Shaquille O'Neal. Tu parles d'une envoyée spéciale!

9 commentaires:

  1. Excellent ; continues, la Mouette, on bave d'envie d'en savoir plus !

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  2. Sûre? Je commençais à me dire que j'allais pas vous saouler avec ce retour dans le passé mais plutôt revenir aux affaires courantes... D'autres avis? Eh oh, y'a quelqu'un????

    Merci Anne, en tout cas!

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  3. Ouaip, je confirme, on bave ! Fichtre, 2.13m ! Et toi, combien en fais-tu, qu'il t'ait toisée ainsi ? Car on ne fait pas de basket quand on as 1.60, si ?

    L'oiseau

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  4. Oh si, on peut, il y a de brillants exemples de "nains" (1.60 à 1.65 m tout au plus) qui ont réussi... Moi, je fais 1,67 m, tu imagines le décalage. D'toute façon, le monsieur n'a jamais été réputé pour son amabilité et une nana dans les vestiaires, si les joueurs US y sont habitués, n'est pas toujours très bien vue, va savoir pourquoi... Autant te dire que je faisais pas la maligne!

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  5. J'aime bien comme tu mets des guillemets autour de "nains". Je comprends que ça a été une sacrée expérience !

    L'oiseau

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  6. C'est le rêve de tout basketteur d'aller voir les "grands" de la NBA dans leur jardin... surtout à cette grande époque de la seule et vraie Dream Team (Magic, Michael, Pat, Clyde et tous les autres...).

    J'ai eu la chance de voyager un peu pour le boulot, mais pas d'assister à un tel spectacle... je ne désespère pas !!!!

    Côté New York, je n'ai que deux souvenirs (il faut dire que je n'y suis resté que 7 ou 8h en transit !) : une drache (comme on dit dans le ch'nord !) pas possible à finir détrempé jusqu'aux os, et de tomber par hasard au détour d'une rue sur un gigantesque cratère à la place du feu World Trade Center.

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  7. Heu...pour 1m56, t'en mets aussi, des guillemets ? pasque, bon...mais pourquoi on peut pas jouer au basket si on est p'tit ? quand on est gosse on nous y fait bien jouer...pourquoi y aurait pas des catégories de tailles comme il y en a de poids ? Ceci dit, ma devise perso est celle de Churchill : "no sport" ; z-avaient qu'à pas m'en dégoûter à l'école, na.

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  8. Rien empêche les "petits" de jouer au basket... le seul inconvénient d'être moins grand que les autres (ça c'est politiquement correct !) c'est que la distance main-panier est beaucoup plus grande, donc il faut développer une meilleure technique !

    Pour le coup, les grands n'ont aucun mérite puisqu'ils n'ont qu'à tendre les bras pour atteindre le panier !!! Nous, au moins, on saute, on tire de près et de loin, etc.

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  9. Tu es modeste, Jérôme, car tu es plutôt grand... Cela dit, je te rejoins, les petits doivent compenser cette réelle faiblesse (il ne faut pas s'en cacher, avec un panier à 3,05m, c'est plus facile quand on mesure 2m) par une grosse technique, une rapidité hors-norme, des qualités d'adresse et une volonté sans faille... Bref, ça se trouve, et Tony Parker, avec son petit mètre 86 (eh oui, c'est petit) s'en sort en NBA. Et Muggsy Bogues, qui faisait quasiment ta taille, Anne, a réalisé une belle carrière là-bas!

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