dimanche 19 juillet 2009

Drôles d'histoires en cuisine, part one

Je vous parlais hier des expressions-clé qu'ont utilisées les internautes pour arriver sur ce blog. Bingo, ce matin, s'affichait un bien énorme: "brouette des picsous."

J'adore.

Je pourrais même disserter sur le thème des picsous, car j'ai eu hélas l'occasion d'en côtoyer. Mais j'ai préféré rebondir sur le dernier commentaire d'Anne, qui se dit "un cas culinaire". Du genre le boulet qui n'aime rien et qui désespère les cuisinières.

Eh bien, non, Anne, tu n'es pas seule. Ce n'est pas un hasard si je veux me lancer dans la restauration. Et j'ai bien même envie d'y consacrer un p'tit feuilleton, tiens, avec des épisodes que je vais planifier sur plusieurs jours -car je pars ce lundi, deux jours à la mer, avant de revenir aux choses sérieuses. Allez, c'est parti? C'est parti!



Il me touche les cuisses. Il me trouve "grassouillette". J'ai 12 ans et envie de tuer ce médecin si délicat. Avec mes grosses joues, c'est sûr que l'on ne peut pas me classer dans la catégorie filiforme. Ma mère a toujours tenté de me rassurer. "Mieux vaut faire envie que pitié." L'horreur.

Les mercredis suivants, je me fais un malin plaisir de préparer des pommes au four, l'après-midi, avant de filer à l'entraînement de basket. Je découpe dans les magazines les recettes et j'en ai l'eau à la bouche. Ma mère n'est pas fan de cuisine et elle me cède volontiers les commandes.

Il me fixe de haut en bas. Je pèse 57kg. D'un ton condescendant, il m'assène un coup de poing fatal: "ce serait pas mal que tu perdes un peu de poids." J'ai 14 ans et envie d'anéantir ce médecin - pas le même, on a changé entre-temps. Avec mes bonnes cuisses, je ne rentre pas dans les jeans moulants de l'époque. Ma mère me dit de ne pas l'écouter. Je viens de passer six mois plâtrée, entre fracture, entorse et cie et c'est vrai, je suis un peu plus grosse que mes copines. Maman dit que ma croissance n'est pas finie, que les choses vont changer et que quand même, je ne suis pas difforme. Et puis, mieux vaut faire envie... Ok, j'ai compris.

Au goûter, j'ai arrêté le nutella et me contente d'une pomme verte, regardant avec envie ma soeur toute fine s'envoyer un paquet de petit Lu sans sourciller. Je ne dis rien, mais je commence à réduire les doses. Nous partons en vacances, avec l'une de mes amies au comportement alimentaire douteux. Nous nous motivons toutes les deux. Au début, je parle à ma mère de cette volonté de suivre un "régime". Elle hausse les sourcils, pense que je ne vais pas tenir et s'en persuade d'autant plus lorsque, après un malaise, je reprends mes vieilles habitudes: la baguette de nutella sur la plage, au goûter.

A la rentrée, je me suis affinée, car j'ai grandi d'une dizaine de centimètres. Pourtant, l'idée de perdre du poids a vraiment fait du chemin chez moi. Peut-être est-ce une volonté de capter l'attention de ma mère? Ou pour suivre le modèle véhiculé partout dans les médias? J'ai quinze ans et je veux être mince. A partir de là, je vais tout faire pour.

Cela commence par la sauce, que je ne veux plus mettre sur la salade. Sur la viande, que je découpe en tout petits morceaux. Aux gâteaux que je refuse désormais. Dans ma tête, c'est une calculette à la calorie. Je sais que si je prends plus de trois bouchées de petits pois, je serais contrainte de prolonger ma séance de corde à sauter. Je ne me sens apaisée que lorsque je la repose, tremblante, en sueur.

J'ai faim, souvent. Pour maîtriser cette horrible sensation, je fais une consommation effrénée de granny- ce qui me vaudra ce surnom de "pomme verte", attribué par le frère moqueur d'une amie - et de carottes, que je planque dans le tiroir de mon bureau. Un soir d'été, alors que mes parents discutent avec des voisins, je craque et file dévorer des sablés dans le placard-piège. Je me sens sale. Je bois sept litres d'eau d'affilée pour me purifier. J'ai horriblement mal au ventre, ensuite, mais je pense que la graisse va être annihilée par cette arrivée massive d'un élément magique- l'eau.

A table, je me fixe des challenges intérieurs. Je trie de plus en plus, élimine chaque jour un aliment supplémentaire. Désormais, je déteste le veau, le porc, le beurre, la charcuterie... Mes parents font l'autruche et rentrent dans mon jeu. Je me mets à cuisiner pour eux, des plats plus riches les uns que les autres, et je les regarde avec dégoût, je vois leur bouche s'approcher de cette nourriture que j'assimile à du poison pendant que ma tomate et mon demi-oeuf me contemplent, dans mon assiette.

Paradoxalement, malgré mon dégoût pour elle, je suis obsédée par la bouffe et je passe mon temps libre à sélectionner de nouvelles recettes. Je suis malade mais je l'ignore encore.

A suivre...

4 commentaires:

  1. Et moi j'aimerais flinguer tes connards de médecins (oui, j'ai dit un gros mot , na !) - y avait rien de grave pour toi ! et ceux, aussi, qui MOI m'ont toujours trouvée trop riquiqui du haut de mes 43 kg ! que je pèse depuis quiasi mes 14 ans, je faisais 2,7 kg à la naissance, c'est ma nature ! et tu avais la tienne....personne n'est standard, personne n'est "normé" , et y en a mare de ces modes, de ces journaux débiles qui te font des fringues sur tréteaux pour habiller les femmes - ou plutôt l'idée qu'ils s'en font, les cons ! (oui, j'ai récris un gros mot, tant pis !)
    Je ne suis pas anorexique, ne le fus jamais ; j'ai connu des filles qui le furent. Juste, je mange peu, et des aliments pas cuisinés n'importe comment : textures, goûts, aspect, tout joue...je suis très sélective ; exemple : le riz ; en risotto, oh oui ! mais pas un risotto de poisson...et surtout pas au lait, là je tire au coeur ! et ainsi de tout...chacun de mes aliments a "son" ou "ses" façon's) d'être cuisiné - et en dehors, j'peux pas.
    Anorexie ? j'y crois pas...dans mon cas.

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  2. Je rejoins Anne, ces toubibs sont parfois très cons. Je crois que nous naissons avec un "format", une morphologie, qui nous est propre et que vouloir en changer est quasi impossible. Et vouloir suivre les modes...

    Bisettes
    L'oiseau

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  3. J'espère que vous voudrez bien reprendre une deuxième, et même une troisième couche! J'en ai beaucoup voulu à ces médecins, au deuxième surtout, mais j'en reparle plus tard. Comme j'évoque de nouveau l'influence des médias, qui me semble exagérée. L'anorexie est un fléau très personnel, ce n'est pas juste la volonté de maigrir, mais une façon de survoler le monde, de le quitter pour vivre, à sa manière, dans un univers moins hostile.

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  4. sûr qu'on en reveut ! surtout que j'entends quelque chose de nouveau, un autre point de vue que celui couramment disséminé....
    expliques nous ça ? "une façon de survoler le monde "? ou de tenter de le maîtriser ?
    Là, pour le coup, "ça me triture"....

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