mercredi 14 avril 2010

En dilettante

Le dimanche soir, lorsque je prépare la pâte à cannelés, je songe à la semaine qui s'annonce, tout en fouettant les ingrédients. Je songe à ce qui se passerait si je faisais ça, pour de vrai. Ça me fait sourire.

Le lundi, lorsque j'attaque la confection des madeleines et les macarons, postée derrière ma fenêtre (Tété, sors de ce corps), j'observe les pas saccadés des piétons, traversant la rue d'en face. Contraste saisissant avec l'ambiance paisible qui règne chez moi. Impression d'être dans ma bulle, pendant que les autres vivent, travaillent, s'activent.

Ah, c'est vrai, moi aussi, je m'active. J'ai même un beau tablier enfariné qui l'atteste.

L'après-midi, lorsque les cannelés sont au four et que je garde le téléphone près de moi, prête à composer le 18, je peste contre l'odeur qui envahit l'appartement et j'allume des bougies à tout va. Mais le soir, lorsque tous ces petits gâteaux sont dans leur boîte, rangés dans la housse isotherme, et que la cuisine est propre et rangée, je savoure cette sensation du devoir accompli.

Le mardi matin, lorsque je vais livrer ma fournée hebdomadaire à mon unique cliente, j'aime enfourcher mon vélo (moins remonter le boulevard, saleté celui-là, on n'a pas idée d'inventer des côtes pareilles), puis rentrer dans le restaurant, discuter avec la boss, quelques minutes, pendant qu'elle range les gâteaux dans les bocaux. La crise, les enfants, l'école, le restau, les solutions, les petites contrariétés et bonheurs quotidiens, on aborde tout et rien, entre légèreté de ces conversations sans calcul et gravité de certains sujets.

Le mercredi, le jeudi, le vendredi, le samedi, je reviens invariablement dans ma cuisine, pour y mitonner les plats du quotidien, bien sûr, mais aussi pour imaginer ce que je pourrais concocter et vendre. J'ai rangé mes classeurs de recettes, et puis je les ai ressortis. Je continue de découper de nouvelles promesses culinaires dans les magazines. Non, je ne me lasse pas de hanter les rayons cuisine des librairies et d'acheter, encore, des moules en silicone... Tout en ayant l'esprit tourné vers un "vrai" travail. Du genre stable et rassurant.

Le dimanche matin, je vais au marché et, parfois, je croise de nouveaux étals. Il y a des traiteurs -chinois, marocains, que sais-je encore - et puis, la semaine passée, une nouvelle fleuriste. Quelques cagettes placées, ça et là, un escabeau, du joli papier et de chouettes compositions, j'ai été séduite. Nous avons un peu discuté. C'était sa première fois sur ce marché et, pleine de doutes, elle était contente d'avoir un retour positif.

Là, je me suis dit que, quand même, c'était dommage de sacrifier "Ma p'tite madeleine", ma micro-entreprise. Peut-être, finalement, y avait-il moyen de creuser un peu. Pourquoi ne pas persévérer dans la voie des "douceurs maison"?

Mais oui, pourquoi?

Ah oui, j'oubliais. Je ne suis pas censée vendre aux particuliers, à moins d'investir dans un labo. Or, j'ai zéro bénéfice financier, pour l'instant, à poursuivre l'aventure et je suis limitée dans son développement, car non diplômée toque +12.

Je me mets des freins? Euh, là, je vous assure qu'à force de me prendre des claques de tous les côtés, de passer par la fenêtre, voire la cheminée, pour tenter d'entrer, coûte que coûte, dans la grande maison du commerce culinaire, je navigue aujourd'hui entre lassitude, découragement et résignation.

Et pourtant. A chaque fois qu'une personne croque dans l'un de mes p'tits gâteaux, j'ai comme la sensation de ne pas être passée loin (je serais pas un poil prétentieuse, moi, d'un coup? Ah non, c'est vrai, il faut croire en ce que l'on fait).

Lorsque la restauratrice me demande si je vais cesser l'activité, au vu du bénéfice nul, je ne parviens pas à trancher.

Lorsque mon interlocutrice de Pôle Emploi me conseille de me radier du statut d'auto-entrepreneur, je n'en fais rien.

A la place, de façon impulsive, je vais distribuer des cartes aux couleurs de ma p'tite "boîte", me promettant intérieurement de gérer l'activité en dilettante.

Allez comprendre.

3 commentaires:

  1. Je comprends ça....je comprends trop bien ce que tu ressens ! bonne chance, bonne chance, bonne chance ! en creusant un peu ici, en poussant un p'tit peu là, tu vas peut-être quand même finir par faire ton trou ! Faut explorer chaque piste, et agir comme tu le fais, chopper chaque opprtunité !
    On est tous avec toi !

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  2. Tu es passée tout tout près, c'est vrai, et ce n'est pas de la prétention, non. Il faut savoir se reconnaître ses mérites. Et vu les tiens, je suis d'accord avec toi, ne radie rien.
    Je suis d'accord avec Anne, on est tous avec toi.
    Bises, la Mouette.
    Thierry

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  3. Tout à fait d'accord avec Anne et Thierry. Et le fait d'avoir eu l'honneur de gouter à tes merveilleuses petites douceurs (et je ne dis pas ça juste pour te faire plaisir, c'est réellement un régal!!) me fait te dire qu'il ne faut surtout pas baisser les bras. Le système pole emploi est ce qu'il est: encourageant pour certains, complètement défavorisant pour d'autres. J'ai envie de dire qu'il faut faire avec, passer au delà, même si j'ai bien conscience qu'on ne peut pas vivre d'amour et d'eau fraiche... Mais je suis sure que même si tu penses avoir fait le tour, une opportunité va se présenter.

    Bises!

    Anne-Lise

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