dimanche 5 juillet 2009

Jésus a raison, je suis vraiment toute petite

Les soeurs de la Providence, disais-je... Ce matin, en allant vérifier leur nom sur la boîte aux lettres, une femme est venue me demander à quel étage habitaient les soeurs, justement. C'est un signe.

Pourquoi donc ai-je songé à monter les voir?

Parce qu'elles poussent un peu le bouchon à mettre leur techno trop fort? Euh, pas leur genre.

Parce que j'ai envie de rentrer dans les ordres? Euh, non plus.

Parce que j'ai été touchée par la grâce ? Pas mieux.

En fait, c'est l'idée même de la Providence qui me plaît, ça me donne l'illusion que l'espoir est encore de ce monde. En plus, ces deux soeurs, fort gentilles au demeurant, aident les personnes en réinsertion sociale. Les ex-taulards, si vous préférez. Alors, je me suis dit qu'elles pourraient bien allumer un petit cierge pour moi, parce que là, l'énergie commence à me faire défaut.

Ensuite, j'ai pensé que 1/ je suis assez grande pour ne pas avoir à demander la charité et 2/ Dieu et moi (à part Jojo, je veux dire), ça fait deux. Pas baptisée, athée, ignorante de la religion, pour vous dire, j'adore quand les mariages se font de façon civile, only. Parce que dans une église, j'ai l'air d'un éléphant au rayon vaisselle d'IKEA, du style à ne pas savoir comment me mettre, debout-assis tout le temps, à regarder béatement tous les voisins chanter des Amen. Franchement, je ne fais même plus mine de connaître les paroles. Pour vous dire, la dernière fois que je suis allée à un mariage, avec la totale, j'ai pris la meilleure excuse possible pour ne pas suivre la messe: je gardais un bébé, au fond de la salle. Merci Emile, d'ailleurs, tu as été un ange.

Je m'égare, mais cela vous donne une idée de mon léger dépit. D'une forme de découragement, je dois l'avouer. Car pendant que je vous narrais ma love story virtuelle avec Jojo, les choses ont pas mal avancé cette semaine. J'aurais eu de quoi alimenter le blog de quelques posts, je crois, mais il était bon, pour mon moral, de me contenter de flash-back, au risque de passer pour une dépressive en phase terminale - ce qui n'est pas le cas, je vous rassure.

J'ai en effet passé ces derniers jours à "concrétiser" mon projet. A savoir, chercher un local - que je ne mettrais pas quinze vies à rembourser - et réaliser mon prévisionnel. C'est ce dernier qui m'a mis un coup, je crois.

En fait, j'ai commencé à remplir les cases, en gonflant un peu les prix des achats, parce que, quand même, c'est bien d'investir dans du beau matos, et me voilà à surfer sur les sites de professionnels avec toute la batterie de cuisine qui va bien, les plus beaux moules, les théières en fonte de la mort-qui-tue... Je me suis pris un salarié, payé au SMIC - faut pas pousser non plus - quelques heures d'extras, un salaire à peu près décent pour moi la deuxième et troisième année. J'ai estimé l'achat de mon fonds de commerce à 100.000 euros (une véritable "affaire" que je piste actuellement) avec un loyer de 1000 euros mensuels. Ensuite, j'ai ajouté les charges, ah oui, quand même. Le logiciel a mouliné et paf, vue du compte de résultat synthétique (des heures de compta pour ça...).

Mais, euh, c'est normal, tous ces "moins" devant les chiffres ? Doit y'avoir une erreur, je suis à -30000 dans ma troisième année...

Là, je me suis dit que finalement, je n'avais pas besoin d'un wok à 80 euros ni de théières en fonte, que je pourrais bien ramener deux-trois babioles de chez moi. Mon fonds est passé à 60000, puis 50000 euros. J'ai viré mon salarié (eh oui, déjà! De toute façon, il allait râler avec son salaire de misère), me suis baissé mon propre prélèvement - en m'interrogeant sur l'intérêt de garder Canal Sat et de m'acheter vingt milliards de fringues chez H&M, finalement -avant de rogner sur toutes les charges. Au fur et à mesure de la journée, je grignotais mon découvert virtuel avant d'entendre le formateur me balancer: "t'es pas assez chère! Ta part de tarte, là, c'est pas deux euros, c'est cinq!"

Aussitôt dit, aussitôt fait, j'ai revu mes prix, mes chiffres d'affaires annuels et, ô magie, j'ai un prévisionnel qui tient la route. Sauf que je gagnerai moins qu'un Smicard - un détail.

Dehors, l'orage avait éclaté. Des trombes d'eau. Dans la salle, j'étais en train de prendre une douche froide, à la vue des chiffres. Je me suis dit que ça allait être compliqué. Que tout ceci n'était qu'une chimère et que j'allais me réveiller, devant mon écran, et repartir sur un lieu de reportage.

Mais c'est là le hic. Je n'ai pas spécialement d'alternative. Ne plus écrire me manque et l'envie de retourner dans le journalisme me démange. A vrai dire, cela fait un petit moment que je le ressens, mais je ne voulais pas l'avouer. Me l'avouer. Je me demande aujourd'hui si je ne devrais pas aller postuler, à droite, à gauche, sachant que dans la presse aussi, les temps sont très durs et que ma place n'y est absolument pas garantie.

Au quotidien, pourtant, je continue de me battre pour ce projet, de me prendre du vent, de travailler et mon business plan a dépassé la centaine de pages. Mais c'est vrai, je doute sur la viabilité de l'affaire. Cette semaine, j'ai eu une longue discussion avec une jeune personne, dynamique et entreprenante (non, pas Scarlett), et nous avons évoqué l'idée de travailler ensemble. Elle aimerait que notre structure soit basée sur une association Loi 1901, "grâce à toutes les subventions que l'on peut récolter", m'a-t-elle assuré. Elle me dit que certains bars à jeux (son concept de départ) fonctionnent ainsi, qu'il faut creuser la piste, que c'est moins risqué qu'un commerce.

Le risque ne me gêne pas tant, je crois même en avoir besoin pour avancer. Ce qui me perturbe davantage, c'est la sensation que je trompe mon monde, que je suis une usurpatrice, que demain, on va réaliser que toute cette histoire de restaurant, c'est du vent.

Cette semaine encore, j'ai fait la connaissance d'un chef de cuisine, bien inspiré, dont je vous conseille d'ailleurs le site et le blog. Il m'a donné plein de conseils avisés et je crois qu'entre son avis d'expert, le prévisionnel et les locaux à 300000 euros, j'ai pris peur. Du coup, j'ai passé deux jours sans mettre le nez dans mon projet, ni même à en parler, ou si peu- un exploit, vu que je suis intoxiquée - en empilant seulement tous les documents, négligemment dans mon salon, plus bordélique que jamais. J'ai repensé à ce que m'avait écrit ce chef. "Vous n'êtes pas superwoman... La restauration est un métier super dur..." Des réalités qui m'ont rattrapée.

Et si je vous dis que le type en question s'appelle Jésus, vous comprendrez pourquoi j'ai songé à en appeler à mes voisines les soeurs!

6 commentaires:

  1. Ouais, vu...Faire quelque chose de sa vie est souvent un total foutoir, la Mouette ; y a d'un côté tes rêves, d'un autre tes savoirs-faires...où tu ne manques pas de talent. Vas t'y retrouver là-dedans...y a des tas de gens qui se lancent dans un truc sans tout ce bazar à la chambre de commerce, qui finit par donner l'impression qu'on monte des obstacles au lieu de les abattre ; certains se cassent le nez et d'autre pas, dans tous les cas de figure. Le truc serait aussi de savoir pourquoi tu voulais quitter le journalisme - un rêve n'explique pas tout...Et la restauration, c'est réellement super dur. Pourtant...le frère de mon compagnon a ouvert son resto au Brésil, à l'Alliance Française, après avoir fait cuisine, puis cuisinier, puis être devenu chef...faudrait que je lui demande de m'éclairer son parcours, tiens, histoire d'en savoir plus long....
    Alors, t'en es où ? Que vas-tu faire ?
    Pas touchée par la grâce, en effet : touchée par le doute, finalement.
    Crise de foi ?

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  2. Hello M'dame,

    Je crois qu'il est normal à ce stade de ton projet d'avoir des doutes... tout se concrétise et maintenant tu te rends vraiment compte de ce que sera ton avenir tant d'un point de vue organisationnel que sur le plan financier...

    Le plus important dans l'histoire est que tu gardes l'envie... l'envie de régaler les gens avec tes plats, l'envie de créer un lieu unique où tes clients se sentiront à l'aise, l'envie de t'amuser, l'envie d'avoir envie (oups, ça c'est un autre Jojo, belge celui-là !).

    Nous sommes un certain nombre (voire même un nombre certain !) à croire en toi et à ton projet...

    Evidemment la restauration n'est pas un métier facile, mais ça j'imagine que tu ne viens pas de le découvrir !

    Et si tu n'es pas sûre de la réussite financière (puisque finalement à part là, où est-ce que ça pourrait clocher ?) pourquoi ne pas allier les deux activités : journaliste une partie de ton temps et restauratrice le reste du temps ? A titre d'exemple, nous connaissons dans le Pas de Calais une auberge-estaminet (perdue au milieu des champs !) qui n'est ouverte que les vendredi, samedi et dimanche... le reste du temps son propriétaire travaille aux ressources humaines à la SNCF ! Le week-end il faut réserver pour avoir une chance d'avoir une table !

    Comme quoi, rien n'est impossible !!! A toi de trouver la meilleure formule pour tu puisses allier au plaisir une certaine aisance financière mais aussi à une vie de famille épanouie (n'oublions pas que tu as un petit loulou qui va avoir besoin de sa maman !)

    Courage et si je peux d'aider à mon minuscule niveau, n'hésite pas !

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  3. Courage la mouette, quoique tu fasses, que tu décides, il y aura toujours des orages à surmonter, des tempêtes à affronter, mais il faudra pourtant voler de l'avant ! Rien n'est simple dans nos vies, encore moins maintenant que les temps sont en crise. J'ai stoppé ma carrière professionnelle il y a 10 ans en débarquant dans ce petit village où je demeure toujours, un an après, je débutais sans aucune expérience l'immobilier, j'ai voulu faire une pause en 2006 en aidant ma femme à lancer son affaire, elle voulait ouvrir une crêperie, on s'est retrouvé dans un pub, piano bar de nuit ! Ce fut le feu, on était les seuls dans le village. Un carton ! 18 mois plus tard, la fermeture. Jalousie, plaintes contre un bruit inéxistant, fermeture administrative de 15 jours lors de 2 week-ends festifs, perte de fermeture tardive à titre préventif. La débacle! sauve qu peut ! Depuis on paye l'investissement...moins drôle, mais je garde en mémoire l'investissement moral et physique, le plaisir et le soutien des clients. Un échec pour quelques cons que l'on compte sur les doigts de la main, mais qui ont fait mouche lors du jugement, le pub était devenu impossible à exploiter. On aura essayer.
    Alors la mouette, fonces, il faut prendre des risques car si cela marche, tu seras comblée. Ne mets pas tout dedans, au cas où il y ait aussi des cons vers chez toi, ou des imprévus. L'idée de Jérome n'est pas mal du tout, à réfléchir. Mais quoique tu décides, ce sera bien, et tu auras notre soutien. Et laisses dormir les soeurs...

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  4. Merci, merci, merci, un grand et sincère merci pour votre soutien et vos longs messages, c'est incroyable de se sentir ainsi portée!

    Bien sûr que la restauration est un métier difficile, mais, au risque de me répéter, je ne veux pas me lancer dans la brasserie à 100 couverts et trois services par repas! Et justement, je crois que vous avez compris ce vers quoi j'aspire et ton idée, Jérôme, se rapproche de mes envies: ne pas s'aliéner dans une activité en continuant de toucher à d'autres domaines, quels qu'ils soient.

    Je reviendrai là-dessus dans un prochain post, je n'ai pas dit mon dernier mot en tout cas. Une chose est sûre: sans vouloir être démago, vos commentaires me regonflent le moral, sincèrement!

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  5. Tu avais raison, la Mouette, en disant que j'aurais beaucoup à rattrapper. Et je suis désolé de ne pas avoir été là cette semaine pour te regonfler un peu le tonus avec mes conneries habituelles.
    Ceci étant, ne te décourages pas. Prends un peu de temps pour réfléchir, sors la tête du guidon et laisses aller un peu en roue libre, le temps de reprendre ton souffle et d'éclaircir tes idées. Personne n'a la solution pour toi mais je sais que tu y arriveras.

    Bisettes
    L'oiseau

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  6. J'ai suivi tous tes conseils et je vais continuer. Prendre du recul, voilà la clé!!! Merci pour ton soutien...

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