Ce week-end, avec ma soeur, alors que l'on passait une soirée pleine de surprises et de rencontres, on s'est souvenu d'une "fête" épique à Paris, organisée par des architectes. Épique, parce que les "archis" en question n'avaient pas daigné nous adresser la parole. Enfin, si, l'un d'entre eux s'était vaguement adressé à nous, un moment, avant de réaliser son erreur: non, il ne parlait pas à l'un des siens. Je revois encore son air dégoûté lorsque ma soeur lui a dit que j'étais journaliste.
Pas assez chic.
Autant vous dire qu'il s'est détourné aussi sec et que personne d'autre ne s'est approché de nous, sorte de pièces rapportées (nous étions venues avec un archi, un vrai...). Nous étions là, dans une cour de Belleville, entourées de pédants qui ne parlaient qu'à d'autres pédants et je me souviens encore de la rigolade, lorsque l'on a décampé de la soirée.
A vrai dire, c'était une sorte de caricature. Mais on le sait, on ne peut y couper: à chaque sortie, que ce soit un dîner ou une fiesta, il y a toujours un moment où quelqu'un nous demande ce que l'on fait dans la vie. J'en connais un que ça agace profondément: l'Ex. A chaque fois, il préparait sa réponse toute faite. Lorsqu'on lui demandait, comme il s'y attendait, son métier, il jubilait : "Éboueur", souriait-il.
Ça jetait toujours un froid et ses interlocuteurs gardaient le silence, ne sachant trop quoi répondre. Que pouvaient-ils dire?
"Oh, c'est super... Oh, tu dois voir du pays... Oh, tu dois t'éclater"... ?
C'était de la pure provocation, car l'Ex n'était pas poubellier (c'est ainsi que je les appelais, quand j'étais môme) et je lui reprochais de vouloir simplement mettre les gens dans l'embarras. Lui ne supportait pas que l'on soit défini par son métier. Je lui rétorquais que c'était juste une façon d'entamer une conversation, de faire connaissance, car ce que l'on fait au quotidien, quoi qu'on en dise, parle pas mal de nous, de notre véritable nature.
Après, forcément, il y a des exceptions. Le poubellier qui se tape des tournées à 5h du mat' ou l'ouvrière qui travaille dans une usine de fromage peuvent difficilement être définis selon leur activité sociale, tant on suppose l'aspect sclérosant de leur fonction. Toute la différence tient en fait dans la conception que l'on a du travail. On peut s'éclater dans la vie et faire un boulot alimentaire. Ou être un grand pro et s'emmerder dans sa vie. On peut vivre pour son travail ou considérer son métier comme une simple façon d'accéder à des plaisirs autres.
Mais dans les deux cas, on ne pourra jamais éviter la question "et toi, qu'est-ce que tu fais?" D'où l'intérêt d'acquérir un statut social car, à la longue, on finit par rester au bord de la route pendant que les autres avancent.
Je me mets à les envier, à les regarder en me demandant s'ils réalisent la chance qu'ils ont de pouvoir, chaque jour, s'accrocher à ce rôle. Lorsque j'entends des employées de la ville se plaindre tout haut de leurs conditions de travail, sans même se soucier des clients qu'elles sont censées servir, je ne retiens que l'indécence de leurs propos. Alors qu'elles ont peut-être raison, sur le fond - par sur la forme, je vous assure. Quelle honte...
Toute cette période de chômage que je traverse m'aura au moins permis de prendre du recul, d'envisager les choses autrement. De réaliser, aussi, que l'on peut s'épanouir, rencontrer du monde, échanger des tranches de vie, sans aucun statut social. De n'être "rien" et de vivre pleinement.
Oh, bien sûr, vous allez me dire, "on n'est jamais rien", on ne peut se définir comme un trou béant. Mais la sensation de vide, je la ressens régulièrement, parfois de façon vertigineuse. Cette impression de rester sur le quai tandis que le train amène les "normaux" sur le chemin du quotidien rassurant.
C'est fugace, mais redondant. Heureusement, alors, que l'on peut rencontrer des nouvelles têtes et leur demander ce qu'elles font dans la vie. Ou, ce qu'elles font de leur vie, plutôt.
mercredi 17 février 2010
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Rocker, c'est mieux qu'ivrogne et pourtant, c'est très souvent la même chose. Le statut social n'importe qu'aux yeux des imbéciles et des pédants. Be yourself, la Mouette.
RépondreSupprimerBises.
Thierry
Je connais bien cette sensation de vide dont tu parles, elle m'occupe depuis déjà des années, malgré l'interlude "biquettes" ; la vie est parfois un sacré point d'interrogation.
RépondreSupprimerJ'adore ce billet - et je constate que l'Ex possède un humour mordant qui m'a bien fait marrer. Loulou est de bonne branche, il a de qui tenir des deux côtés.
C'étaient vraiment des gueux, tes archis, ceux que je connais ne ressemblent guère à cela....
Oui, des gueux, je confirme.
RépondreSupprimerL’ex a dit:
RépondreSupprimerPetit, je voulais être motard, et j'ai presque réalisé mon rêve d'enfance; je conduis une moto-crote
A+
L’ex
ça, c'est du private joke...
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