Alors, c'est quoi la formule économique, me direz-vous? Bah, en gros, tu te tapes tout le sale boulot, démontage des meubles (et perte inhérente des vis, sinon c'est pas drôle) en sus, et des mecs avec de gros biscotos viennent sonner à ta porte, beaucoup trop tôt le jour J, pour dépoter le cumul de toute une vie - moins la tonne de souvenirs partis à la poubelle et les milliers de jouets et fringues vendus en braderie ou sur mon ami ebay - en moins de temps qu'il n'en faut pour l'écrire, balançant le petit carton où tu as inscrit un signal attention en gros, parce que, quand même, ça t'aurait bien fait plaisir de conserver ce joli et précieux plat à tajine...
Ensuite, en route, et vas-y que je te rebalance les cartons, d'façon, la petite dame, elle verra rien, tu trouves pas qu'elle a l'air à l'ouest? OK, je fabule, mais enfin, le banc d'essai des déménageurs s'est avéré assez instructif.
Le premier, par exemple, est arrivé les mains dans les poches, boule à zéro, treillis en fin de vie, mâchouillant négligemment son chewing gum. Un petit coup d'oeil sur tout, ouais ouais okay, bah écoutez, ce sera deux milliards de dollars, mais si vous voulez, je vous fais cadeau de la TVA, on s'arrange, hein. Le petit clin d'oeil finit de m'assommer. Je ne le sais pas encore, mais c'est le moins cher. Hum.
Le deuxième arrive, tiré à quatre épingles, très pro, très carré, prend des mesures, observe, rajoute quelques mètres cube par rapport au premier pronostic et me donne sa fourchette, deux jours plus tard, par téléphone. Ce sera quatre milliards de dollars. Ahem. Je crois que j'ai oublié de noter son portable.
La troisième rentre avec grâce et délicatesse dans mon appartement. Brushing et jupe bien comme il faut, maquillage nickel jusqu'au bout des ongles, l'élégante blonde a néanmoins du mal à contenir son effroi devant le fourbi. Elle note tout, mais absolument tout, y compris le petit meuble de 3 cm (oui, j'ai des meubles de 3 cm, j'ai la passion du petit meuble et des tiroirs). Je l'imagine déjà avec ses gants blancs, chez elle, à vérifier que les poussières ont été bien faites. Je la brusque plus encore en lui faisant mon petit numéro de Cosette, cas soc' moderne et bientôt en ASS (j'ai l'impression de jouer la comédie, mais en fait, je suis VRAIMENT un cas soc' et je vais vraiment toucher l'alloc de solidarité si rien ne change).
Un rien apitoyée, elle me propose de baisser le tarif. En gros, elle est à 3 milliards de dollars, et peut même baisser à 2 sur une journée bâtarde (genre le 18 du mois, c'est bien pour déménager le 18 du mois, quand t'as un bail au 1er). Une condition: que DEUX personnes viennent aider à porter les affaires, au départ et à l'arrivée. Euh, le principe de payer un déménageur, c'est pas, justement, pour s'éviter cette corvée ?
Le quatrième est un grand type, genre 2 mètres, tout sec, au costard un rien étriqué, qui doit rire lorsqu'il se pince. Un peu croque-mort sur les bords. Comme j'ai mangé un clown le jour de sa visite, j'essaie de le dérider. Pourtant, lorsque je lui fais part de l'éventail des prix proposés, à ce jour, je fais un bide : il tombe des nues et me demande de répéter le tarif du gars qui mâchouille et qui fait du black.
J'ai l'impression de lui avoir annoncé le décès de sa mère. En fait, c'est un peu ça. Une telle chute des prix, ça tue le marché, à ses yeux. Lui en est persuadé, un type qui baisse autant ne peut être qu'un escroc, "c'est pas possible autrement" m'assure-t-il. Un type qui écrit sur son devis, comme il va le faire quelques jours plus tard, que la valeur totale de mon mobilier équivaut à... 36 euros, j'ai aussi matière à penser qu'il se pose là, en terme de foutage de tronche. En attendant, je ravale mon clown. Il m'a un peu mis le doute.
Et pourtant, je suis à 70% partie pour le plan foireux.
Quand je rappelle mon mâchouilleur, après lui avoir réclamé à peu près quinze fois mon devis par mail, et qu'il me demande si, quand même, quelqu'un pourra aider au déchargement, je me dis que finalement, quitte à faire les cartons, je vais aller me faire un bon lumbago, mais je vais me charger moi-même de tout déménager.
Et c'est là que le "miracle" survient. Une dame m'appelle, suite à "ma demande de devis sur internet". J'en ai tellement rempli, de formulaires, que je suis presque étonnée d'avoir une réponse. Ni une, ni deux, je lui expose la situation. Elle va, peu ou prou, s'aligner sur la proposition la moins onéreuse, TVA en sus, cette fois, mais j'ai envie de crier alléluia quand elle m'assure que je n'aurai rien à faire ce jour-là : "vous nous regarderez travailler."
Je sais pas vous, mais moi, ça me parle, ce genre de discours. Une vérification sur societe.com pour m'assurer que la boîte n'est pas bidon et hop, l'affaire est pliée.
Quelques jours plus tard, le croque-mort me rappelle pour s'enquérir de ma décision. Je lui annonce mon choix. Il soupire et lâche: "Hum. J'espère pour vous qu'ils sont sérieux et que ça se passera bien, mais à ce prix-là, avec votre dossier (quoi mon dossier, qu'est-ce qu'il a, mon dossier?), permettez-moi de douter." Grosse classe du mauvais joueur, je vous l'accorde.
Mais léger doute, de nouveau. De quoi je me mêle? Il le sait pas, lui, le pro du déménagement, que vivre au milieu des cartons rend déjà un rien dingo? En fait, je crois que le croque-mort est un rabat-joie. Et les rabats-joie, décidément, je n'en ai pas besoin.
La vie me remet déjà suffisamment les pieds sur terre pour que je n'aie pas à subir un enfouissement plus profond, six pieds sous terre.
jeudi 7 octobre 2010
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Ah, les joies du déménagement. Tu racontes ça tellement bien. Décidément, il faudra que tu l'écrives, ce livre.
RépondreSupprimerBon courage, en tout cas.
Bises, la Mouette.
Thierry
Et c'est là que S.O.S. copains est cruellement absent ; m'souviens....on n'a jamais manqué de bras de secours, de franches rigolades, de presques catas, et de beaux souvenirs....ça me rendrai presque triste de te savoir toute seule en face de tout ça !!
RépondreSupprimerPersonne n'a un permis poids-lourd dans tes relations ? un camion de location, ça côute des fois moins cher que les gros bras rétribués qui t'arnaquent.....
@ L'oiseau: un jour, peut-être...
RépondreSupprimer@ Anne: J'avais cette possibilité d'appeler les copains mais sincèrement, c'était compliqué de transporter tout le barda d'une ville à une autre et la solution amicale promettait quelques galères (pas d'ascenseur à l'arrivée, aïe!) et un bon lumbago. Donc, j'ai choisi la formule "luxe",: en appeler à des pros. S'ils m'arnaquent? Sincèrement, il faut bien que chacun vive et dégage sa marge, pas vrai? Parfois, il faut savoir lâcher pour gagner en sérénité. Le prix de ma tranquillité, c'est de donner des sous à des gros biscotos? Bah, que le personnel s'amuse;)
Correction dans ta réponse à l'oiseau : un jour, sûrement... ;)
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