samedi 27 février 2010

Dans le même bateau

Le hasard, vous disais-je...

Le hasard m'a donc fait croiser Agnès et Denis, du projet bio, un collectif que j'avais rejoint, avant de m'en éloigner rapidement. Toujours enthousiastes, ils m'ont expliqué les changements dans leur projet. A défaut de créer un lieu sympa, ils souhaitent livrer des plateaux-repas bio aux entreprises.

Et donc, me direz -vous... Eh bien, ils cherchent un laboratoire pour confectionner tout ça. Un peu comme moi, en somme. On discute d'un éventuel partenariat, d'un partage de ce fameux labo et Denis, comme illuminé, m'arrête:

"Tu pourrais faire un temps partiel avec nous?"

Je m'entends répondre que tout est envisageable, réalisant un peu plus tard qu'à force de me disperser, je ne parviens pas à me fixer un but précis. En fait, j'ai l'impression d'être tiraillée chaque jour un peu plus, cherchant à me démultiplier, avec l'idée que ça finira bien par payer. Mais en attendant, je mets l'écriture de côté et je consacre tout mon temps aux fourneaux, sans résultat concret à ce jour.

Patience est mère de vertu, oui, je la connais celle-là. Madame Patience n'est pas mon fort, je le concède volontiers.

A vrai dire, je ne veux plus perdre de temps et il va falloir, vite, engranger les bénéfices. Or, la voie vers laquelle je m'engage est pleine d'embûches et, surtout, fragile. Il me faudra du temps, j'en ai conscience, pour vivre de mon activité, si tant est que je puisse la développer.

Finalement, toutes ces incertitudes me ramènent à mon statut précaire. Au delà du sourire initial, cette réunion de la SCOP m'a un peu effrayée, mine de rien, car c'était un concentré de gens, au mieux interrogateurs, au pire paumés, qui veulent vivre d'une passion - d'un simple loisir parfois - et s'inventer un job, parce qu'ils ont été mis de côté par la société, qu'ils ont subi de plein fouet la crise ou parce qu'ils n'en peuvent plus d'être exploités. Dans leur discours, j'ai entendu cette soif d'indépendance, de travailler pour soi. De chez eux, aussi, dans leur cocon.

Limite si je ne les imaginais pas avec leur plaid sur le dos, à rassembler minutieusement les fruits de leur labeur.

Devenir son boss, c'est un luxe et il peut s'avérer coûteux. J'en avais déjà conscience mais, plus que jamais, je réalise à quel point je suis partagée entre l'idée d'entreprendre et celle de rejoindre les rangs de la meute. En postulant pour un "vrai métier", avec un salaire qui tombe chaque mois et basta. En même temps, ai-je le choix? Ont-ils le choix, tous ces êtres sur le carreau?

Ce qui m'inquiète, sincèrement, c'est de constater cette résignation presque palpable. Personne n'est choqué lorsqu'un "porteur de projet" raconte qu'il a été licencié et qu'il a désormais un client, son ex-employeur, tout bonnement, libéré de toutes charges patronales. Aucune tête ne se lève lorsque l'intervenant évoque la difficulté de vivre de son projet - celui qui nous prend tout notre temps et notre énergie et la possibilité de gagner peanuts deux ans durant. Non, nul ne relève lorsqu'il donne un exemple de salaire à 600 euros. Comme si c'était normal. Comme s'il fallait renier ses exigences, parce que, de toute façon, vu le marasme...

J'écris cela et pourtant, je continue de croire en l'avenir, j'ai de l'énergie à revendre. Ça va. Ce qui me gêne juste, c'est cette sensation permanente de me chercher. D'errer.

D'être paumée, comme ces âmes que j'ai croisées, en quête de quelque chose. D'un ailleurs, d'un après, d'un autre. D'un déclencheur qui rendrait, à ma vie, à la leur, un rien de sécurité, de sérénité.

Oui, la liberté a un prix.

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