samedi 5 juin 2010

J'pète les plombs, j'pète les plombs

Non, non, je ne suis pas (encore?) enfermée mais, après quelques hésitations (ce qui va suivre n'est guère flatteur, je sens que je vais sérieusement écorner mon image), je voulais vous faire partager mon petit coup de calgon. Avec du petit condensé de crise de nerfs et des pépites de mauvaise foi à l'intérieur.

Au début de mon chômage, j'avais lancé, un jour, une boutade avec deux amis alors dans la même situation (ils se sont réinsérés, eux et j'en suis fière, non mais). Nous allions écrire un futur best-seller, "Le chômage pour les Nuls", avec les meilleurs spots pour le demandeur d'emploi, là où il fait bon vivre en France quand on rejoint cette caste de parasites.

Cynique? Pensez donc.

Je me proposais de tester la chose en situation réelle. La piscine? Jackpot, moins 30% sur le tarif. Le tram? 10 euros pour trois mois, le bonheur. Le cinéma? Près de 35% à la salle art et essai. Mais là, déjà, premier accroc au CGR du centre, décati et moyennement avenant. Dans ma quête effrénée d'obtenir les meilleures infos pour ce guide du parasite parfait, j'ai osé demander à la dame aigrie de l'accueil s'ils proposaient des tarifs demandeurs d'emploi.

"Non."

Un peu sec, le ton. A mon regard interrogateur, elle avait ajouté:

"Ça va, hein, nous on n'est déjà pas trop chers, et pis c'est bon, moi non plus, je ne gagne pas beaucoup; j'ai pas les moyens d'aller au ciné, j'y vais pas."

J'avais déjà pris ma place. J'étais limite de la lui faire bouffer, mais comme j'avais envie de voir le film, que j'étais accompagnée et que je suis d'une placidité sans faille (ah ah), j'ai ravalé mes envies de meurtre par asphyxie et je suis partie, digne (si tant est qu'on peut l'être en pareille situation).

Malgré ce petit incident de parcours, j'avais plutôt bien balisé les meilleurs tuyaux et, en bon parasite, j'en profitais allégrement depuis près d'un an et demi. Hier, je voulais renouveler mon abonnement au tram. J'y vais, observe les visages fermés des employés - j'avais déjà assisté à une revendication syndicale, la dernière fois, je sens que c'est pas la fête du slip tous les jours, chez eux- mais je ne m'inquiète pas.

"Bonjour, je viens renouveler mon abonnement demandeur d'emploi." Et je donne à la dame-pas-souriante les documents requis dans la foulée.

Son sourcil s'arque. En pointant du doigt l'attestation de paiement Pôle Emploi et sans même daigner me regarder, elle lâche:

"Ça va pas, il me faut l'avis de situation."

"Je n'ai pas pu en sortir un, je suis toujours demandeuse d'emploi, mais en catégorie 5 (créateurs d'entreprise)."

"Ah bah", qu'elle me fait en jetant l'attestation - et la preuve de mon GRAS revenu ce mois-ci,ah ah - sur le guichet, "vous n'avez pas le droit à l'abonnement."

Je sens qu'elle jubile. Elle l'a, son petit pouvoir que j'ai souvent senti chez certaines petites gens (oui, je juge, oui je suis méprisante) malmenées et en manque de reconnaissance.

"Mais enfin, ce n'est pas logique, je suis TOUJOURS demandeuse d'emploi, cet abonnement est dédié à des personnes dans ma situation."

"Moi aussi, j'ai connu cette situation, hein. J'y peux rien. Adressez-vous à M. Boulard (le maire de notre ville), c'est lui qui a classifié les différentes catégories."

"Mais enfin c'est ridicule, je suis auto-entrepreneur uniquement pour déclarer ma modeste activité. Vous voyez bien que je n'en vis pas! C'est dingue, je ne peux pas bénéficier de cet abonnement parce que je ne fais pas de black?"

"Ah bah oui, hein. C'est le système qui veut ça, je n'y peux rien. " (Mais elle va se barrer, celle-ci, pense-t-elle très fort. Si si, ça se voit)

En gros, je ne peux plus bénéficier de ce tarif. Mais pas non plus de l'autre tarif, plus ou moins préférentiel, celui du salarié. En tant qu'auto-entrepreneur, indemnisé par Pôle Emploi, je dois payer plein-pot. Logique.

Dépitée, je lui dis au revoir et je m'en vais, petite chose que je suis. Aussi digne, une nouvelle fois, si tant est qu'on peut l'être en pareille situation.

Là, je n'entends pas son "au revoir" à elle. Je me retourne. La petite chose sent la fureur monter en elle.

"Dites, que je n'aie pas cet abonnement est une chose, mais cela vous empêche-t-il d'être cordiale?"

Là, elle ne s'y attendait pas. Elle balbutie.

"..."

"Vous ne pouvez pas rester souriante?"

Elle a sa parade. "Ah, bah, je suis comme vous, hein, vous ne souriez pas!"

Ah bon? Je ne souris pas? Je ne comprends pas, pourtant, je devrais être contente d'être heureuse, non?

"Je suis agacée par votre attitude, c'est certain. Que le système nous dépasse, l'une et l'autre, c'est évident. Mais vous êtes un être humain, moi aussi, vous ne pouvez pas essayer d'être humaine?"

"Ah bah, normalement, je le suis, humaine" (la vue d'un parasite la déshumaniserait-elle?)

"Mais là, non, ça vaut pas le coup, c'est ça?"

Elle semble atteinte de surdité, d'un coup. J'ai l'impression de parler à un mur. Elle lève la tête: "Suivant!"

...

Je suis partie, aussi digne blablabla.

En lâchant un "Connasse" - je sais, c'est mal.

"Là, c'est une insulte", ai-je entendu.

Comme quoi, elle n'était pas sourde.

6 commentaires:

  1. Cet article me fait penser à cette chanson :
    http://www.deezer.com/en/music/lynda-lemay/live-89609?song=759788#music/lynda-lemay/live-89609

    @++
    Sousou - Un con pétant...
    (Vi, je suis le pôle emploi du jeu de mot)

    RépondreSupprimer
  2. Je viens d'aller écouter, il s'agit de "l'incompétence", plutôt fin, le texte... ça me rappelle des choses!!
    Et Sousou, arrête de critiquer Pôle Emploi, enfin, c'est moche ;)

    RépondreSupprimer
  3. Hahahaha ! J'aurais pu le faire aussi, en beaucoup moins poli, même, pasque des fois quand ça me chauffe....ouille ouille ouille !
    T'as raté une super fête, la Mouette, où "on s'a bien marrés", comme on dit. Mais tu verras des échos sur mon FB...là je rattrappe mon retard en blogosphère, et purée y a du taf ! :)

    RépondreSupprimer
  4. @Anne : Z'avez fait une rencontre entre bloggers?

    @++
    Sousou - Un très haut actif

    RépondreSupprimer
  5. Le chômage pour les Nuls, pourquoi pas ? Anecdote très significative. Je vois très bien le genre de la dame.

    RépondreSupprimer
  6. @ Anne: vu les photos, j'ai bien compris la rigolade, ça avait l'air bien sympa! D'ailleurs, on a perdu l'oiseau depuis, il doit encore être la tête dans les nuages (et les mains sur la guitare!)

    @ Sousou: Anne a organisé une grande fiesta chez elle, j'ose penser qu'il n'y avait pas que des blogueurs;)

    @ Fanette: Bienvenue ici! C'est l'occasion de découvrir ton blog - webzine sur lequel je vais retourner de ce pas, merci...

    RépondreSupprimer