mardi 1 juin 2010

L'envol

Parfois, une idée jaillit, comme ça, et le chemin s'éclaire soudainement (non, je n'ai pas vu la Vierge). Elle fait son petit bonhomme de chemin. Se sent bousculée par une vieille idée coriace, chahutée par mille raisons, mais persiste. Telle une longue montée du désir, elle se fait de plus en plus prégnante, de plus en plus forte, de plus en plus vitale.

Un matin, elle apparaît comme une évidence. Et plus rien ne peut freiner son ascension.

J'insiste: je n'ai pas vu la Vierge.

J'ai longtemps hésité à poster mon petit secret (pas si bien conservé, d'ailleurs). Un reste de superstition, je l'ignore, toujours est-il que je n'aime guère parler concrètement de projets non aboutis (comment ça, je vous ai bassinés pendant un an avec un restaurant imaginaire? Bon, ok, mais c'est pas pareil).

Là, j'ai tourné et retourné l'idée dans tous les sens. Je l'ai laissée mûrir. Je me suis dit que la vie allait décider pour moi. Et puis non, que je devais en être l'actrice. Et puis... Oui, vous aussi, ça vous fatigue? Alors imaginez l'état de ma caboche...

L'idée est simple: retrouver ses racines. Imaginer un endroit où l'on se sent bien, où l'on respire. Cela peut être chez soi, après tout, dans la région d'adoption. Mais là, non, en l'occurrence. Après avoir quitté très tôt Nantes, à tout juste 18 ans, je m'imagine, presque 18 ans plus tard, y retourner pour tourner une page - pleine de fantômes et de rêves non assouvis- et surtout en ouvrir une nouvelle.

Appelez cela comme vous voulez. Une fuite ou la soif d'un nouveau départ. J'imagine qu'il y a un peu des deux dans cette volonté de déménager. Je ressens surtout cette nécessité de me mettre en mouvement, littéralement, pour ne plus rester le cul entre deux chaises, dans une instabilité de plus en plus inconfortable.

Alors voilà un mois, j'ai concrétisé mon envie en faisant une demande de logement social (maman célibataire, en fin de droits, je ne vous refais pas le topo Cosette, hein). Premier pas, première avancée et vlan! Voilà que six jours plus tard, je reçois une offre alléchante - la fameuse vieille idée tenace. Aïe. Dilemme.

Partir retrouver de l'air à Nantes, dans une ville où je n'ai pas de travail ; ou rester au Mans et vivre mon rêve d'un comptoir?

Rebondir dans un environnement plus prospère ; ou bosser comme une folle dans un lieu sans en vivre?

Ah, vous voyez, selon l'ordre, ce n'est pas si simple de trancher.

Ma tête, prête à exploser, a assisté à un combat sans merci entre Jiminy Cricket, sur l'épaule droite, et le diablotin, sur l'épaule gauche. Vas-y... N'y va pas... Et patati, et patata. Patience, me suis-je ressaisie. La vie te guidera.

A vrai dire, j'ai exploré nombre de possibilités. Cela ne pouvait pas être un hasard. Comme une ultime épreuve, je devais affronter ce questionnement permanent pour décider si je partais d'un côté, vers le chemin de la liberté, ou de l'autre, dans un labyrinthe.

Labyrinthe, labyrinthe, tiens, tiens... En observant Loulou, j'ai décidé de poser le problème autrement. Lorsqu'il joue à trouver le bon chemin, il prend son crayon à papier et commence par l'arrivée, remontant ainsi jusqu'au bon point de départ. OK, il triche un peu mais comment lui en vouloir? Sans le savoir, il venait de me donner une idée, celle de me projeter dans les deux cas de figure.

Au début, j'ai vu tout noir. Nantes comme le restau manceau.

Normal, je fermais les yeux.

Ensuite, je me suis concentrée. Je ne vous ferai pas le coup du chemin pavé de roses d'un côté, d'un nuage de brouillard de l'autre. Mais la vision que j'ai eue de ces deux avenirs - ou du moins, l'idée que mon esprit s'en fait - s'est avérée parlante.

Restait encore le choix de la raison. Là encore, la vie a guidé mon choix. Je vous l'ai dit, je freinais mes velléités d'ailleurs, souhaitant que Loulou puisse voir son papa - un papa investi, dois-je le préciser - très régulièrement.

Le papa ayant migré vers des cieux plus cléments (professionnellement parlant) pour une durée incertaine, me voilà prise à mon propre piège, celui de la maman qui doit assumer son rôle de parent sans relâche. Confrontée à cette nouvelle donne, j'ai surtout réalisé où étaient mes attaches familiales. Et les perspectives professionnelles, aussi.

A Nantes.

Ce matin, donc, l'idée s'est imposée d'elle-même. Il me fallait relancer ma demande de logement. J'ai appelé un bailleur, pour m'enquérir des conditions d'attribution, du délai, surtout. Une femme me répond. Je l'imagine, la petite cinquantaine, ricanant au bout du fil. "Il faut savoir que la majorité de nos appartements sont réquisitionnés par la Préfecture, nous n'avons rien pour vous, madame."

Oui, mais encore?

"Il faut savoir que certaines familles sont à la rue et sont, ELLES, dans une vraie situation d'urgence."

Sous-entendu, alors que toi, tu viens nous gonfler avec tes envies d'ailleurs, de lumière et tout le tralala. Estime-toi heureuse d'avoir un toit. Et pis, restes-y dans ta ville, d'abord.

" En gros, le délai peut avoisinner une année, c'est ça?"

Nouveau ricanement étouffé. Elle devrait me remercier, je l'aurais fait rire, ce matin. "Il faut savoir... "

Oui, oui, ça va, j'ai compris. Je ne suis pas en situation d'urgence. Ça fait juste un an et demi que je suis au chômage et que je joue Cosette avec mon gamin sous le bras. En novembre, je n'aurai plus de droits ASSEDIC.

Mais sinon, non, effectivement, rien ne presse.

3 commentaires:

  1. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  2. (oh purin les fautes au premier post ! chuis crevée là...)
    Donc, disais-je :

    oui, les logements sociaux faut s'accrocher grave - mais t'auras quand même plus de perspectives à Nantes, à tous points de vue ; tous les gens que j'ai connu qui ont vécu au Mans (pardon, les Manceaux..) ont eu la sensation d'un véritable purgatoire ; ça bouge pas, c'est lourd, momifié, tu t'y cognes aux murs et tu t'y étiole. Ils en sont partis avec un sentiment d'allégresse et de libération qui m'a chaque fois surprise ! Cette ville a une solide réputation d'immobilisme et il semble qu'on y végète.
    L'herbe sera plus verte ailleurs, la Mouette, et t'auras plus de place pour déployer tes ailes. Faut aller chercher le dynamisme là où on sait ce que c'est.

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  3. Encore faut-il avoir un appart Anne! :-)

    En tous cas, si tu en trouves un, on redeviendrait voisins! Je ne connais pas le Mans, mais Nantes est une jolie ville ou il fait bon vivre, c'est sûre...

    @++
    Sousou - A l'ouest

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