lundi 15 mars 2010

Des portefeuilles débordants

Hier soir, entre deux fournées de cannelés et quelques mots idiots, j'ai enfin cliqué sur le formulaire de l'URSSAF: le sésame pour devenir auto-entrepreneur. Quelques questions plus tard, j'ai reporté la validation, histoire d'éclaircir deux, trois points.

Et comme entre-temps, j'avais rédigé une bafouille pour Pôle Emploi, je me suis dit que mon employeur serait flatté que je la lui apporte directement. Je sais, y'a les pigeons voyageurs, pour ça, et même des facteurs. Mais rien ne vaut un petit coucou, en chair et en os.

En route, donc, vers l'agence. Un peu d'attente, forcément, et lorsque vient mon tour et que je demande à m'entretenir avec un conseiller, la réponse tombe, implacable:

" Ah non, vous savez, ça va pas être possible."

" N'y a-t-il pas moyen de prendre au moins un rendez-vous ? Vous savez bien qu'on ne peut avoir aucune info par téléphone et là, j'ai besoin d'une réponse rapide."

" Je sais, je sais", me répond le monsieur. "Mais", poursuit-il en enfilant son masque d'Auguste, - air éploré garanti - nous avons des portefeuilles débordants."

En gros, je suis le cadet de vos soucis, c'est ça?

C'est ça.

Oh, je comprends, y'a des gens qui n'ont plus du tout de droits. Moi, j'ai encore six mois, pensez donc, la chaaaaaannnce! Pas de raison que je flippe, pas vrai?

Ben si, que voulez-vous, c'est plus fort que moi. Je ne peux plus patienter jusqu'à l'échéance fatale.

Me voilà donc contrainte à la moue et au regard implorant (c'est visiblement contagieux), il lit ma missive, se gratte la tête, consulte une feuille, va voir quelqu'un, revient, repart, revient et hop, il me donne un rendez-vous. Dans une heure.

Alléluia.

Pendant qu'il fait ses allers-retours, une dame au fort accent étranger (mais que fait la police ;) dites?) arrive au guichet. L'employée la regarde, de façon suspicieuse, lui annonce qu'elle est radiée - "RA-DIEE madame", qu'elle lui répète (ça doit être mon imagination, je crois ressentir une pointe de jubilation, dans la voix) - elle lui demande sa carte de séjour et là, de nouveau, mon imagination me laisse percevoir un rien de triomphalisme. "Date de validité, 30 mars 2010, c'est bientôt, madame, hein?"

Je la vois déjà appeler la police. J'ai vraiment trop d'idées négatives, comme si une frange de la population française était fasciste, franchement (on se demande où je vais chercher des trucs pareils...).

Pour le reste, j'ai retrouvé le conseiller qui m'avait déjà reçue voilà quelques mois, qui s'est encore levé voir des collègues, "parce que là, vous comprenez, c'est la partie indemnisation". Mais sincèrement, il s'est montré une fois de plus charmant et à l'écoute et m'a assuré que, jamais ô grand jamais, Pôle Emploi ne me poserait problème. "Ce que vous faites, ça représente beaucoup d'énergie. C'est comme un boulot à plein temps, le stress en plus, même."

Eh bien voilà qui m'a rassurée sur les conditions de travail à Pôle Emploi: certains vivent leur mission sereinement. Même avec des portefeuilles débordants.

6 commentaires:

  1. Y a pas, je reste persuadée que pôle emploi ne fait rien d'autre que de la gestion de cheptel.

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  2. N'empêche, si ça pouvait être nos portefeuilles qui pouvaient être débordants d'espèces sonnantes et trébuchantes et surtout de papier monnaie avec des chiffres et des zéros derrière, et joliment coloriés en violet, jaune, vert (pour ceux avec 2 zéros derrière le chiffre)... où en étais-je ? Ah, oui, n'empêche que ce serait bien pour nous. N'est-ce pas ?

    Bises, la Mouette.
    Thierry

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  3. Je vous assure que des conseillers pôle emploi ont des journées de travail très bien remplies à tenter d'aider leurs cheptels de brebis et moutons en tout genre.... et qu'ils préfèreraient de loin quitter leur travail et leurs brebis préférées à 16h30 pour rejoindre leur chère famille!!!!!!!!! C'est en conseillère aguerrie que je me permets de donner mon avis et trouve bien difficile tous ces clichés si facilement balancé! Pôle Emploi ne crée pas d'emploi, ne ferme ou ne délocalise ses usines et fait ce qu'il peut pour aides les personnes à sortir de cette conjoncture merdique!!!!!!!!!!

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  4. Pour avoir eu cette discussion un rien enflammée ce week-end avec un ami - lui-même formateur à Pôle Emploi - je peux comprendre votre agacement, cher anonyme. C'est pénible de travailler, s'investir et continuer de croire dans une société sur qui tout le monde tire à boulets rouges. Je le conçois volontiers.

    Pour le reste, ce ne sont pas des clichés que je balance, mais un simple constat d'une matinée chez Pôle Emploi, rien de méchant. Bien sûr que la mission de Pôle Emploi n'est pas de trouver du boulot à notre place, ça se saurait, mais, comme je le disais à mon ami, un peu de psychologie ne serait pas de trop, parfois.

    Vous avez affaire à des personnes aux profils très différents, parfois en souffrance psychologique, parce que, choisi ou pas, le chômage devient pesant à la longue. Il crée un sentiment de dévalorisation constant, au fil des jours, de vide... Oui, de détresse. Alors, j'ai eu de la chance, hier, de tomber sur un conseiller charmant, même s'il ne maîtrisait pas toutes les données. Mais les situations de certains de mes amis, ou simples connaissances, ne sont pas toujours aussi enviables. Je crois qu'Anne sait de quoi elle parle, mais elle saura justifier ses propos!

    Merci en tout cas pour votre commentaire, et au plaisir de connaître votre opinion... Sincèrement.

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  5. Oh, ce ne sont pas les personnes qui sont derrière les guichets (quand il y a quelqu'un....) que je stigmatise, c'est le "pourquoi" de cette institution, c'est son utilisation par les pouvoirs en place, et le fait qu'en tant que chômeur, on finit par avoir une sorte d'impression de...honte, de devoir être "à disposition", contrôlé, surveillé, mesuré, évalué (mal) et de n'être là à force que pour justifier les salaires des gens qui y bossent et les discours des politiques pour lesquels ce troupeau craintif d'angoissés offre un bon terreau pour faire avaler n'importe quoi à ceux qui les écoutent.
    Oui, il y a là des gens qui font de leur mieux. Mais les demandeurs d'emploi ne savent pas comment ils sont perçus par ces gens qui, eux, ont un salaire et bouffent tout le mois, et les employés de pôle emploi sont loin de se rendre compte, eux aussi, de comment ils sont perçus par la masse de malheureux affolés qui se sentent en leur pouvoir.
    y a un hiatus.....

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  6. Pôle Emploi recrute, les bonnes volontées pleines de bonnes idées sont les bienvenues! Les dossiers sont à retirer au guichet, en passant évidemment par le conseiller névrosé sous prozac qui somnole à l'accueil!!! Sur ce, le conseiller a pleins de chercheurs d'emplois à fliquer demain et va garder son énergie pour faire au mieux son travail!

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