La honte.
Vous voyez la pub où une nana en turban vit dans une porcherie, qu'elle transforme illico en palais brillant d'un simple coup d'éponge?
Ben, j'aurais pu la jouer, aujourd'hui. Persuadée que les taches de gras, là, ne partiraient jamais, je cuisinais donc, insouciante, avant d'y regarder de plus près. Tiens, si j'essayais, avec un peu d'huile de coude et beaucoup de dégraissant? Parce que, quitte à démarrer mon activité chez moi, autant que ce soit N.I.C.K.E.L. Lorsque Marie-Claude a évoqué la question, hier, je ne me sentais même pas concernée. Bien sûr que tout était parfait. Hum.
Trois heures, une éponge noire et des mains desséchées plus tard (un peu brûlées aussi, mais trop facile, de mettre des gants, avec un produit corrosif...), je peux enfin dire que ma cuisine est N.I.C.K.EL et le four débarrassé de ces quelques éléments incendiaires que j'avais négligés et qui m'ont valu quelques flammes.
La honte, donc. Mais là, ça va mieux, les placards sont rangés, l'outil de travail est fin prêt et vous pouvez même passer le gant blanc au dessus des meubles, je resterai zen. J'ai écouté Marie-Claude.
Peaufiner les détails, qu'elle a dit la dame. Alors, je m'affaire. Avant de me transformer en fée du logis, j'avais ressorti des placards toute la doc' sur la création d'entreprise et potassé, aujourd'hui. De la compta, un début de factures, un plan d'action, le projet commence à prendre forme, même si je me refuse à y mettre une quelconque pression. Le statut d'entrepreneur salarié, que je m'apprête à endosser, me permet de préparer les choses sereinement, sans penser, déjà, aux charges qui tomberaient si je choisissais de créer ma boîte de façon indépendante.
Je suis donc retombée sur les dix mille versions de mon (feu) prévisionnel. Sur tout un tas de recherches qui m'avaient permis d'établir mon étude de marché. Des notes, des listes de choses à faire, des noms, des numéros de téléphone... J'ai tout rangé dans une boîte, sans états d'âme, sans regret. Je n'ai gardé que l'essentiel sur mon bureau, histoire d'être carrée quant à l'aspect administratif du projet. Le reste, c'est de la littérature.
A propos de littérature, je suis retombée sur les journaux de L'Hôtellerie Restauration, publication hautement instructive à laquelle je m'étais abonnée. Remplie de conseils sur la meilleure façon de gérer la crise, la propagande sur les grandes manoeuvres que les restaurateurs auraient réalisées depuis la baisse de la TVA, sans oublier les innombrables annonces de fonds de commerce à 800.000 euros ou le secret pour faire croire que les oeufs en neige sont faits maison.
En feuilletant ces pages que j'avais mises de côté, je me suis projetée d'emblée chez Métro, où je suis également allée cette semaine. Ah, Métro, son univers impitoyable, rempli de restaurateurs avec le même gilet à poches -et sans manches, alors qu'il caille sévère, dans les rayons - et la démarche un rien lourdaude. Oui, Métro et ses chariots géants et difficiles à manier, ses étals remplis de boîtes de dix kilos de crème anglaise toute faite - oui, aussi - et de couteaux à 150 euros pièce... C'est marrant, je ne me sentais guère à ma place, là-bas, et pourtant, j'y ai trouvé de quoi confectionner pas mal de pâtisseries, pour tester de nouvelles recettes, d'abord, avant d'aller vendre mes douceurs.
Là où ça devient drôle, c'est que je veux proposer ma production aux restaurateurs, ces mêmes toqués avec leur gilet à poches et leur air supérieur. Heureusement, ils ne sont pas tous faits dans le même moule que mon ami le chef sachant. Certains pros, subtils et délicats - comme une certaine cafelière - détonent tout autant dans ce décor plein de testostérone et de gros bras.
Prenez par exemple les acteurs du collectif bio. Sait-on jamais, je pourrais être amenée à bosser pour eux. Pour eux ou avec eux? Pour les avoir de nouveau rencontrés hier, je reste circonspecte sur leurs attentes réelles. Confrontés aux réalités économiques, ils envisagent de faire de la livraison de plateaux bio aux entreprises, mais n'aspirent en vérité qu'à ouvrir un lieu de vie, une sorte de cantine améliorée. C'est comme lorsque j'envisageais de faire les marchés en attendant d'avoir mon local. C'est bien, d'être pragmatique, mais au quotidien, n'y a-t-il pas le risque de s'enfermer dans une vie que l'on n'a pas choisie? Eux en sont à cette réflexion et du coup, tout ça me semble de nouveau trop flou.
Peu importe, de toute façon. Je ne remets pas mon destin entre leurs mains, préférant démarrer, seule, mon activité. Quoi qu'il arrive, ça m'aura au moins permis de vérifier que ça marche, le coup de l'éponge magique. Même sur une porcherie.
Non, vraiment, la honte.
vendredi 5 mars 2010
L'éponge magique et les gilets à poches
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Bah, puisque c'est nickel à présent, on va passer....l'éponge sur cet aléa, et passer à la suite, pas vrai ?
RépondreSupprimerça existe vraiment, des boîtes de 10 kg de crème anglaise ? Parce que là, je reste rêveuse, figure-toi ! et l'eau à la bouche ! c'est avalable ??? t'en as déjà goûté ?
T'es folle, rien ne vaut le FAIT MAISON! On en a tous forcément goûté, et toi aussi j'imagine, dans une brasserie quelconque...
RépondreSupprimerLa honte ? Je te trouve plutôt courageuse, en fait.
RépondreSupprimerD'accord avec toi, les crèmes industrielles par 100gr ou par 10kg, ça vaut sûrement pas celle faite maison, tiens. Ca me donne envie d'en faire, tiens.
Bises,
Thierry
Moi, je détone dans un lieu plein de gros bras ? pfff hi hi hi ! (hum, pardon, pas pu m'empêcher). Bravo pour la cuisine. D'ailleurs si j'étais vraiment sérieuse, il faudrait que je profite de mes vacances pour... ouais, ben non en fait. On verra la semaine prochaine ! Bises à toi.
RépondreSupprimerC'est une telle caverne d'Ali Baba, ta cuisine, que je comprends tes réticences; du trésor partout, comme s'il en pleuvait! Bizz aussi, profite de tes vacances bien méritées.
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