Les premiers mois de ce blog, je me creusais parfois la tête pour savoir de quoi j'allais bien pouvoir causer. Non pas que ma vie était morne et sans saveur, mais mes journées étaient remplies de choses simples. Et puis je faisais tout à deux à l'heure.
Enfin, plus ou moins.
Du coup, j'évoquais en général le seul "événement" de la journée, une rencontre, une envie, une réflexion, que sais-je... On m'a toujours appris à prendre un angle pour écrire un article et c'était vite trouvé. Aujourd'hui, je ne sais plus où donner de la tête, tant mes journées sont pleines et riches d'émotions, de stress et d'espoir, aussi.
Prenez aujourd'hui, par exemple. J'aurais pu vous raconter ma longue entrevue avec l'expert-comptable, une amie en l'occurrence (!), avec qui nous avons repris, point par point, tous les postes du prévisionnel. Ou revenir sur la bonne humeur et le soutien inattendu d'une avocate, à l'étude de mon projet. Ou encore parler de mon estomac criant famine, devant les étalages de la Biocoop - où nous sommes allés faire des courses, avec le Big Chef - résultat d'un repas à 3 calories avalé vite fait.
Mais le fait marquant du jour - l'angle?- c'était mon bizutage. Oui, encore un. J'avais rangé la charlotte aujourd'hui pour m'habiller en fille et aller en salle, servir les gens. Ceux qui mangent et qui paient pour cela. Qui font de grosses traces avec leurs doigts sales sur leurs verres, qui touillent tellement leur café que la moitié de l'arabica reste collé à la table. Oui, ceux qui jettent des miettes de pain partout, mais aussi ces autres qui tiennent à féliciter le chef pour son navet aux cranberries et sa purée de carottes à la fleur d'oranger, avec le sourire et l'air repu.
A vrai dire, cela a commencé tranquillement, à essuyer les couverts au vinaigre blanc, dresser les tables et le self (il y a une partie resto, une autre self, dans l'établissement), écouter religieusement le maître de salle - très sympa - garder en mémoire les petits trucs et visualiser chaque table. C'était calme, serein. Tout était maîtrisé.
D'un coup, vers midi dix, le chaos. Un groupe de onze filles qui arrive. Elles me parlent toutes en même temps, veulent toutes la touareg - salade au poulet -et la mousse au chocolat. Avant de changer d'avis.
Des filles, en somme.
Elles rejoignent leur table et là, tel le désert de Gobi, MON self est vide. Vite, vite, chercher des munitions. Entre-temps, la femme du patron, qui travaille également au restau, m'observe du coin de l'oeil. Non, je ne sue pas. Si, j'ai bien fait de mettre ces bottes qui glissent à chacun de mes pas. Je fais deux boulettes - je garde ça pour moi, merci - et bing, bing, elle me tombe dessus.
J'ai l'impression d'avoir fauté au plus haut point et d'être limite embarquée pour le bûcher. "C'est ton bizutage" me glisse-t-elle alors que je m'interroge sur les réelles vertus de mon déo, qui me lâche au pire moment.
Cette impression de contrôle absolu s'est évaporée en quelques minutes et j'ai compris que le coup de feu, ce n'était pas juste pour la cuisine. Le service ne m'effrayait pas plus que cela, car j'y voyais là l'occasion de communiquer avec les clients ou, au minimum, d'échanger un sourire, un moment. Bien sûr, le fait d'être scrutée ne m'a pas spécialement libérée mais je dois admettre toute la délicatesse de l'exercice. Peut-être pas sorcier, mais subtil.
Avec mes gros sabots, la subtilité, ce n'est pas franchement mon fort.
Demain, je me refais une journée au service. En tout cas, il y a en un à qui ça a plu. Le cuistot physiquement intelligent a semblé découvrir que j'étais une fille, si j'en crois son attitude, plus avenante que les jours passés. Il s'est même invité à notre table, ce midi, alors qu'il mange dans son coin habituellement. Plus incroyable encore, il a évoqué l'idée que mon restau pourrait bien marcher, pourquoi pas, si je choisis bien le concept blablabla. Une belle avancée pour lui qui m'avouait qu'il m'avait prise pour une folle de vouloir me lancer dans la restauration, moi la novice. Mais il avait une excuse en béton:
"Je suis pas le seul à penser ça, le chef aussi!"
Comme quoi, je sais bien lire dans les pensées, vous voyez?
mercredi 16 septembre 2009
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Ah la vache ! tu poses ton tablier, tu redeviens une femme ? avant tu n'étais qu'un outil, c'est ça ? tu as raison de dire "physiquement intelligent", je mesure à quel point le terme est à-propos ! Un bizutage, oui oui, encore heureux que c'est interdit.....enfin, bon, pas trop méchant, ça fait partie des rituels de passages, je suppose....
RépondreSupprimerAh ! il te croient pas à la hauteur ? bin moi, je crois que rien que pour les em...bêter, je m'y mettrais, tiens ! après tout, quand on a l'envie et le cerveau, y a pas de prédestination, on y arrive ! ils ont bien commencé un jour, eux....!
Courage ! tu vas le faire ! roules les dans la farine, ces gars-là !
Je ne saurais mieux dire qu'Anne. Tu vas réussir ton aventure, la Mouette, et ce sera la meilleure leçon possible à infliger à tous ceux qui ne croient pas en toi.
RépondreSupprimerBises
L'oiseau
Quand tu as parlé de bizutage,je m'attendais à un truc cracra genre bizutage potache des facs de médecine.
RépondreSupprimerFinalement, tu n'as eu droit "qu'à" 11 pestes qui t'ont pourri ton buffet !!!!!!
En tout cas, je retiens un truc : les choses avancent vachement bien et vachement vite.
Et puis, ce milieu (comme beaucoup d'ailleurs) est hyper basique : fait tes preuves et ensuite on pourra discuter ! Tu es en train de tous les bluffer et au delà ton image de "frêle jeune fille" ils découvrent la future chef d'entreprise qui a soif de réussite ! Bravo !