J'ai un scoop: je peux lire dans les pensées des autres.
Oh, attendez avant d'applaudir. Je n'ai aucun mérite.
Il me suffit juste d'un rien. Écouter la tonalité du cuistot physiquement intelligent (physiquement intelligent only, devrais-je préciser) quand il me chambre sur les cinq fruits que j'ai sortis pour le dessert du jour. "Eh, on cuisine pas pour quatre personnes, ici!"
Oui, il me suffit de fixer cet autre regard, ces yeux marrons qui me scrutent, pour voir clair. Le chef (lui aussi!) me prend pour une quiche. En voilà encore un, de scoop, tiens.
Je suppose qu'il a jeté un oeil, hier soir, à la liste des recettes que je souhaite cuisiner, later. Et, en m'observant me débattre avec des nectarines dures comme du béton, il a eu un air proche de la pitié. Avant de lâcher:
"Mais, tes recettes, là, tu les as déjà expérimentées chez toi?"
(En moi) Non, non, je vais improviser à la dernière minute.
" Non, parce qu'il va te falloir gérer ton temps..."
En gros: t'es trop lente.
Je regardais mes dix kilos de nectarines que je dépiautais donc depuis une demi-heure et là, je me suis retenue. Pas de justification. Je n'ai rien à lui prouver. Je suis là pour écouter, apprendre.
"Et puis, comment tu vas faire lorsque TOUS tes clients voudront ton plat du jour et que tu n'en auras pas fait assez ?"
D'ordinaire, j'aurais réagi. Là, je suis restée stoïque, je lui ai expliqué ma façon de procéder. Oui, je barrerai le plat sur l'ardoise quand il ne sera plus dispo, tant pis pour les retardataires. Si je veux ensuite écouler mes autres mets, je n'aurais pas le choix. A moi de suggérer les choses de façon ludique et commerçante.
La journée a passé, plus fructueuse que l'on pouvait le craindre et, au moment du café, le chef m'a de nouveau fixée, entre perplexité et un tout petit rien de condescendance. Le discours sur les restaurateurs improvisés, sur les charges monstrueuses comparé à ma faible production, sur ma lenteur, mes lacunes techniques, j'ai eu droit à tout. Je comprends ses réflexions, bien sûr et je ne suis même pas sûre que ce soit une tentative d'intimidation. Plutôt la volonté de me prévenir à quel point ce métier est dur, dangereux... pas pour moi, si je résume
J'ai déjà tellement réfléchi à tout cela que sa prose glissait un peu sur moi, pour tout dire, mais j'écoutais. S'en référant à mon attitude pour le moins discrète (par rapport à ma véritable nature, s'entend) en cuisine, il m'a dit de m'affirmer (le "davantage" était clairement suggéré), que les fournisseurs allaient me manger tout cru, sinon, et que de toute façon, il ne voyait pas comment une affaire de huit couverts allait pouvoir fonctionner (ah bon, je vais faire huit couverts?).
Étrangement, ce travail de sape ne m'a déstabilisée plus que cela. Je crois que je m'y attendais, tout simplement. Je ne vais pas renoncer, maintenant, si près du but - à moins d'un phénomène indépendant de ma volonté. Je concède néanmoins que le message de Jésus, que j'ai lu en rentrant, m'a semblé pour le moins opportun:
"Ne laisse personne t'enlever de la tête ton idée de restaurant"
Même si je suis lente? Même si je n'ai aucune base technique? Même si je rêve tout haut?
Le pire, c'est que le parcours du combattant n'en est qu'à ses débuts. Si seulement je pouvais aussi lire dans les pensées des banques, des fournisseurs ET des futurs clients, là, vous pourriez applaudir...
mardi 15 septembre 2009
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Ben alors, la Mouette, tu ne vas pas baisser les bras, quand même ! Foi de Thierry, tu vas réussir, nom de nom. Tu as trop la pêche pour échouer maintenant. Tu es lente, tu n'as pas les bases technique : la belle affaire. Tu vas apprendre et tu t'en sortiras de mieux en mieux. Et un jour, tu te souviendras de tes débuts en souriant.
RépondreSupprimerBises
L'oiseau
Oh, loin de moi l'idée de lâcher l'affaire, d'ailleurs, après avoir écrit ce post, j'ai passé ma soirée à peaufiner mon prévisionnel avant mon rendez-vous avec un nouvel expert-comptable. Si j'avais renoncé, je me serais simplement collée devant le basket, avachie sur mon canapé!!
RépondreSupprimerJe voulais seulement raconter la journée telle qu'elle s'est passée, a priori guère positive, mais plutôt constructive, finalement. J'aurai toujours à faire face à ce genre de scepticisme...
Je crois que nous sommes tous convaincus que tu sais où tu mets les pieds... quoi qu'en disent les uns et les autres tu te doutes que ce n'est pas un métier de fonctionnaire où tu attends que le temps passe.
RépondreSupprimerLes commentaires du chef de 30 expériences auraient pu être faits par n'importe qui ! Il est évident que tu débutes, que tu ne peux pas tout maîtriser ni être au top techniquement (sinon il aurait du soucie à se faire au niveau concurrence !!!!). Pour prendre une image (qui plairait à ton père !), le gars qui monte sur son vélo de course la première fois ne part pas pour gagner le tour de France (en tout cas pas de suite !). Par contre, s'il a la volonté de travailler, de s'entrainer et de se battre, alors tout est possible !
Tu es dans la même situation aujourd'hui : tu sais pédaler (mais pas encore aussi vite qu'un pro), tu as de l'endurance et tu commences à apprendre à gérer ton effort !
Alors bat toi, fait les mentir... et surtout éclate toi car dans ce métier, si tu ne t'amuses pas tu risques de péter un cable ou d'être blaser comme certains "grands" chefs.
Et puis ton fan club est derrière toi... on a tous la mouette's spririt !
Je ne vais pas répéter mes co-commentateurs, ils ont tout dit ! chuis d'accord à 200%, de toute façon on te soutient à bloc, tu vas y arriver, et puis tout ce qui te manque la vie te le donnera bien ! des fois, qu'est-ce qu'on aimerait que les autres soient muets, hein, quand ils nous plument nos ailes toutes neuves !
RépondreSupprimerAllez, tu les auras tous de toute manière !
@ Jérôme: la mouette's spirit, ah, c'est excellent! Tu ferais un super porte-parole pour ma cause (perdue?!) tant tu comprends parfaitement mon état d'esprit! En plus, tu m'as donné une idée, si je parle de mon parcours avec cette métaphore sur le tour de France, il finirait peut-être par être convaincu, mon papa!
RépondreSupprimer@ Anne: Même chose, c'est exactement ce que j'ai ressenti sur les oiseaux de mauvais augure: ah, si j'étais sourde!
Non, je ne fais pas de démago, simplement, merci, une fois encore, de votre soutien, ça fait du bien!