23h50. J'arrive tout juste du service du soir, mon premier. Et à vrai dire, après une journée éprouvante, pour des raisons personnelles, je ne pensais pas l'apprécier comme ce fut pourtant le cas. J'avais autant envie de rejoindre la cuisine que d'aller sauter d'un pont mais finalement, l'ambiance que j'y ai découvert ce soir valait le déplacement.
D'abord parce que le soir, c'est particulier, et je sentais le plaisir, enfin, du chef, qui a mitonné des trésors gustatifs (je le sais, j'ai testé la sauce au thé et à l'huile de pistache, une petite tuerie). Il fallait les voir dresser chaque assiette, avec cette flamme que je n'avais pas perçue à ce point depuis le début de la semaine! Et pourtant, la fatigue était là, avec un chef d'entreprise décidément au four et au moulin, présent depuis 4 heures du matin... Le chef de salle m'a même raconté qu'il lui est arrivé de dormir sur place!
Respect, comme disent les djeunes. Non, sérieusement, c'est tout simplement remarquable, même s'il se tue à la tâche. Il ne triche pas, lui. Il ne néglige rien et réalise tout lui-même. Y compris la vinaigrette, que je pensais industrielle, trompée par les immenses flacons que j'avais vus. Ce soir, le cuistot physiquement intelligent m'avouait d'ailleurs à quel point il était impressionné par cette force de travail, en estimant que "c'est comme ça qu'il y arrivera."
Pourtant, à voir la triste mine de l'intéressé au moment de résumer la soirée - douze couverts- j'ai compris à quel point toute cette débauche d'énergie n'était pas récompensée à sa juste valeur.
Une fois toute la popote finie, nous avons discuté, d'un peu de tout, et en évoquant les restaurants manceaux, on a cité le cas d'un établissement très couru de la cité, où il faut généralement réserver - et ce depuis des années - et dont la cuisine s'avère assez... ignoble. La purée si appréciée serait en fait de... la Mousline, seulement agrémentée de quelques champignons, si j'en crois le cuistot qui y a passé un essai, le dessert "hit", des brioches d'un hypermarché. Là, le chef s'est retourné vers moi et a admis, défaitiste: "oui, et pourtant, il gagne bien mieux sa vie que moi." La qualité contre la quantité, c'est un débat récurrent.
C'est facile de juger. Évidemment, le restau où je travaille actuellement s'avère moins rentable que cette sorte de cantine, étrangement bien cotée, qui plus est. Et je comprends tout le danger qu'il y a à se lancer, sans rien renier de ses exigences qualitatives et gustatives. Il est impératif de combiner ces dernières à du business, en tentant juste de rester le plus proche de ses convictions.
C'est un challenge, mais je ne suis plus à un près...
vendredi 11 septembre 2009
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Oui, respect, en effet. Très tentant, cette sauce, en effet ! Nous parleras-tu un peu plus de sa carte ?
RépondreSupprimerCe défi, je te crois assez intelligente et fine pour le relever et parvenir à faire de ton lieu quelque chose de vraiment exceptionnel.
Bises
L'oiseau
Ah, la Mouette, fais passer le nom de ce restau miraculeux où le chef est un chef, un vrai, et qu'on lui fasse de la pub bigzouille ! On mange si souvent de tristes mets surévalués !
RépondreSupprimerC'est cela qu'il faut viser, cette perfection là, car ou tu fais de la cuisine, ou tu fais du pognon - et si tu veux les deux, chapeau, vas-y et bonne chance !
Allez, je vous le dis, le restaurant, c'est "le Jardin sur le pouce", au Mans (d'où mon titre lorsque j'avais raconté ma rencontre avec ce chef, coup de pouce). Il mélange les saveurs de façon assez inédite, use énormément de légumes, de saison, évidemment, invente des tas de recettes comme cette dorade farcie avec un mélange d'amandes en poudre, de massala, de citron confit au gingembre et d'autres ingrédients que je taierai, confidentialité oblige (!) et au final, c'est aussi beau dans l'assiette que délicieux au palais!
RépondreSupprimerAh oui, ça change de pas mal d'établissements qui ont, par souci de rentabilité - et je peux le comprendre, au vu des charges chaque année croissantes- décidé de s'épargner pas mal de petits soucis de préparation.