mardi 24 novembre 2009

Question d'alchimie

La cafelière, voyez-vous, n'est pas issue de la profession. Érudite, elle a de multiples cordes à son arc et jongle aussi bien avec les mots qu'avec les ingrédients. Et je n'écris pas ça parce qu'elle lit ce blog. Comme quoi, on peut avoir eu une autre vie et réussir sa nouvelle aventure, traduire des recueils, avoir une bibliothèque pleine de bouquins que l'on a vraiment lus... et mitonner des plats aux petits oignons.

Ce supplément d'âme dont je vous parlais hier, il vient de cette personnalité-là. Le Café Clochette est bien davantage qu'un restaurant/salon de thé de plus. Il crée le lien social entre les gens, souvent, et j'ai rarement senti une telle atmosphère, baignée de sérénité et de bienséance.

Non, je ne suis pas tombée dans un grand bol de guimauve.

Je pense seulement aux sourires, aux discussions feutrées, aux rires des enfants dont j'ai été témoin. Combien de clients sont simplement restés assis, suspendant le temps, avant de repartir presque à regret? Combien ont commencé à discuter entre eux, entamant naturellement la discussion là où ils se seraient ignorés ailleurs?

Casser les barrières, c'est ce qui m'anime. Utopique? Je l'ai souvent pensé. A vrai dire, je pense que rien n'est calculé. Cela arrive, ou pas, selon l'endroit, l'ambiance et la personne qui régit le tout. C'est tout sauf une fabrique de sentiments. Plutôt une question d'alchimie.

Il serait vain pour moi de copier ce modèle, tant tout cela est personnel et subjectif. Durant cette semaine, j'ai eu à coeur d'observer, d'écouter, de maîtriser mon stress, aussi - et j'avoue qu'il était bien plus bas que ce que je craignais, tant je me sentais bien. C'était d'autant plus facile qu'ici, l'apparence ne compte pas (enfin, presque, puisque je me suis fait un peu chambrer avec mon tablier multicolore piqué aux enfants). Pas besoin de jouer un rôle.

C'est reposant.

Vous me direz, nous sommes toujours en représentation, en société. Oui, mais non. On se tient plus droit, certes, on évite de bâiller devant le client ou de lui taper dans le dos, bien sûr. Mais combien ont fini par me tutoyer très vite?

Ou alors, c'est que je fais jeune. Mais là, j'ai un peu de mal à y croire, rides à l'appui.

Où en étais-je? Ah oui, jouer un rôle, tout ça. En fait, j'ai dû me glisser dans la peau d'une chéfière (il n'y a qu'une cafelière, c'est comme ça) et oublier mes vieux automatismes. Savoir rester discrète alors que je mourais parfois d'envie d'entamer la discussion avec quelques personnes. Sourire et acquiescer aux autres, patiemment, alors qu'en cuisine, une tonne de vaisselle attendait d'être sagement rangée dans le lave-vaisselle. Rester zen, en somme.

Au début, on observe, donc, et puis très vite, les choses s'enchaînent. Les gestes deviennent plus rapides. Les gens qui viennent ne sont pas (forcément) là pour te taper la causette, mais pour boire, manger, passer du temps tranquillement. Donc, en salle, tu sors ton plus gros sourire - rien d'hypocrite, attention, ne vous méprenez pas. Il faut juste éviter de tirer une tête de dix mètres de long, pas vrai?

Dès que tu retournes dans la cuisine, tu te mets en vitesse 10 et tu carbures pour préparer la théière, le jus de fruit avec la paille pour la petite, le chocolat chaud pour la dame et les assiettes de douceurs pour tous. Sans oublier la crêpe au beurre du cadet, qui aimerait manger rapidement pour aller jouer ensuite.

Tu as douze secondes pour remplir le plateau et l'amener sans encombres. Le plus drôle, c'est que tu l'amènes, limite détachée, même-pas-que-je-me-suis-speedée pour vous servir, messieurs-dames. Comme si c'était naturel. Alors qu'au fond de toi, tu sens ton coeur palpiter, la sueur t'envahir et le désordre te gagner.

Au moment du service du midi, même topo, tu dois préparer les assiettes des petits, sans oublier l'Osso Bucco et la salade de lentilles au saumon, en moins de temps qu'il n'en faut pour l'écrire. Ne pas oublier la salade, ni sa (divine, hummmm) sauce. Penser aux carafes d'eau et à la corbeille à pain.

Bon, forcément, parfois, y'a des ratés.

Comme cette bouteille de Chardonnay, prise sous le comptoir, que j'ai ouverte alors que sa petite soeur attendait sagement dans le frigo, à bonne température, elle. Comme ce macchiato transformé en caffe latte à l'insu de mon plein gré. Ou comme ce thé noir fumé que j'ai amené à ce charmant monsieur, dimanche.

"Laissez-le infuser encore deux minutes, je viens de le mettre", que je lui dis, sûre de moi. Dix minutes plus tard, il vient vers moi avec sa théière dans la main. "Je veux bien l'infuser, mais il n'y a pas d'eau dedans."

Une quiche, je vous dis.

A suivre...

6 commentaires:

  1. Mais non, mais non ! Pour avoir lu le dernier article de la cafelière, tu t'en es très bien sortie, personne n'a fui et le chiffre a été excellent. Tu as assuré comme une bête. Et si petites bévues il y eut, c'est juste le métier qui rentre. T'inquiètes pas, bientôt, tu seras à ton tour une cafelière accomplie.

    Bises
    L'oiseau

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  2. Si tu savais le nombre de fois où j'ai oublié, soit l'eau dans la théière, soit le thé dans l'eau ! L'oiseau à raison, c'est le métier qui rentre et il te reste des tas d'expériences à faire en chemin...

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  3. Mouette... tu me donnes envie et regret de n'avoir pas pu reprendre le bistrot de mon pépé.
    Place du marché à Nancy; il s'y est passé tant et tant de choses...
    mais enfin... tant que je mettrai dans la théière de l'eau en oubliant le thé... tant qu'un pot au feu prévu se transformera en boeuf plus que braisé par mes soins négligents... tant que... tant que...

    je prie tous les saints du calendrier pour que tu trouves ton financement et que tu m'invites à l'inauguration...
    Cheer Up!!!
    PP

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  4. bon je vois que tu poursuis ton parcours, tes billets me font rire en tout cas, mais tu avances c'est essentiel, n'hésites pas à me contacter si tu as besoin d'un avis pro, mais je sais que je te dois une fière chandelle pour ton article sur mes ateliers, ici c'est le carton plein, et la presse est hunamime, et je sais remercier ceux qui ont cru en moi au tout début de l'ombre... tu peux compter sur moi, jésus,... à bordeaux....

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  5. WOUAH HA HA HA HA HA !!!!
    Bin oui quoi, ce sont des choses qui arrivent....hey, allez, tu t'en sors comme une....cheffe, la Mouette ! Tu y arriveras, des p'tits incidents on en a tous fait !
    ça me fait du bien de te savoir en pleine action, ça me dit que les tunnels ont tous une issue....bises ! continues !

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  6. @ l'oiseau: je suis ravie, en tout cas, que tu sois devenu un fidèle de Pascale, j'adore son blog, son style, enfin, tout, quoi! Je ne peux que conseiller à tous ceux qui passent ici d'aller lui rendre visite, comme tu le fais...

    @ Pascale: euh, ne rougis pas, après ce que je viens d'écrire...

    @ Pomme Papion : J'adorerais écouter ton histoire, tranquillement assise sur le canapé de mon restau, tout virtuel qu'il soit à cette heure!

    @ Jésus: Justement, j'ai besoin d'un cuistot diplômé, tu voudrais pas m'aider? Je ne te demande pas de quitter les Ateliers - et tu ne peux pas savoir à quel point ta réussite me fait plaisir, sans doute pour l'avoir vue grandir!!-, juste de me prêter tes diplômes, le temps de l'installation... Non, je rigole, t'inquiète, je serais ravie, en tout cas, de venir te rendre visite à Bordeaux!

    @ Anne: à coeur vaillant, rien d'impossible, n'est-ce pas ? Quand je te vois rire, je suis toujours contente, c'est bon signe!

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