samedi 7 novembre 2009

C'est quoi, être français?

Je suis née à Paris et nous avons emménagé, avec ma famille, à Tremblay-les-Gonesse (aujourd'hui rebaptisée Tremblay-en-France) alors que j'avais trois mois. Dans le 9-3, comme on dit maintenant. Issue de la classe moyenne, notre famille s'est installée au douzième étage d'une tour de 24. En banlieue, donc, dans ces immenses ensembles tant décriés, où il est dit que l'on ne peut pas grandir sans séquelles.

Je serais incapable de dire si, aujourd'hui, c'est encore le cas. Je n'y vis plus, ayant troqué ma vie de banlieusarde contre celle de provinciale. Mais à la fin des années 70, on y vivait bien, si je m'en réfère à mes souvenirs d'enfance. C'était pas le luxe, bien sûr. Mais ce n'était pas traumatisant.

Alors, oui, c'est vrai, le niveau scolaire n'était certainement pas aussi bon qu'on aurait pu l'espérer - lorsque je suis arrivée en CP à Nantes, ma maman a été convoquée par l'institutrice, catastrophée que je n'aie "aucune base". Pourtant, je garde de jolies images de cette époque.

Le seul choc est survenu en arrivant à l'école - à Nantes, donc. Je me suis demandé pourquoi il n'y avait que des blancs. J'avais 6 ans, et j'avais grandi dans la "mixité". Ce concept qui effraie aujourd'hui quelques politicards douteux, lesquels cherchent, à coups de débat national, de charters et de grands effets d'annonce, à chasser l'idée d'un mélange pluri-ethnique. A effacer ce qu'est la France aujourd'hui.

Pourquoi? Pour rendre à la race sa pureté? C'est marrant (enfin, façon de parler), c'est un discours que l'on a déjà entendu.

Je n'ai pas la prétention de faire de la politique, ni de dire aux autres ce qu'il faut faire - qui suis-je, pour cela ?- mais le devoir, simplement citoyen, de réagir. Certaines attitudes m'écoeurent au plus haut point et ce racisme latent est tellement banalisé, de nos jours, que si personne ne dit rien, arrivera un jour où tout le monde se taira en souriant quand quelqu'un dit un truc, comme:

"Pourtant, ils sont marocains, ben, je vous jure, hein, ils sont bien."

Ou : "Je ne veux pas aller dans le métro, j'ai peur des noirs."

Ou encore : "ah, moi, je ne pourrais jamais sortir avec un noir."

Ou enfin, devant l'arrestation d'un voleur, dans un supermarché : "évidemment, ça ne pouvait être qu'un Arabe."

Je n'en peux plus de voir des gens dits "normaux" acquiescer et parler dans la seconde de la météo, comme si la gravité des propos entendus ne les touchait pas. Je suis naïve? Oui. Utopique? Oui.

Ça m'a valu quelques sérieuses prises de bec, j'ai même entendu que "j'essayais de les défendre." "Les"? Qui ça? Les Arabes? Les Noirs? Les autres?

Non, je n'en peux plus de cette généralisation. Paradoxalement, ce n'est pas un acte raciste qui déclenche cette réflexion, aujourd'hui, même si la lecture d'un excellent édito - que je vous conseille vivement - m'incite à écrire le fond de ma pensée.

Hier soir, à l'issue de mon marathon bancaire, je suis passée voir Christiane, la "gentille". La semaine passée, je lui avais raconté, par mail, le couac avec le FONDES. Abasourdie, elle qui m'encourage depuis le début, elle avait alors pris son téléphone, appelant la personne en question. Qui lui a confirmé que "mon profil d'autodidacte" l'avait poussée à rejeter mon dossier.

Elle a levé les yeux vers le ciel. Un ange est passé. "Quand je pense à votre travail..."a-t-elle soupiré. Elle m'a alors raconté la conversation qu'elle avait eue avec l'une des quatre banquières rencontrées, au détour d'une entrevue professionnelle. "Elle trouvait que vous étiez très sûre de vous (ah, ah ah, quelle ironie, moi qui ai toujours manqué de confiance en moi), que vous aviez beaucoup d'assise, elle m'a même dit que ça se voyait que vous étiez journaliste."

Pardonnez-moi d'avoir eu une ancienne vie, pitié!

Avant de reprendre: "J'ai l'impression que tout ça lui a semblé trop." Christiane n'a pas caché son empathie. "Vous savez, c'est triste, mais un si gros dossier, ajouté à votre détermination et votre aplomb, cela a sans doute joué contre vous."

Le pire, c'est qu'elle a raison. Montrez-vous faible et on vous balaiera d'un geste, estimant que vous n'avez pas les épaules pour porter un projet. Soyez perfectionniste et on cherchera la petite bête. Foncez, prouvez vos ressources et l'on prendra votre assurance pour de l'arrogance.

Et le Français, il n'aime pas ça, l'arrogance. Rester dans le rang, c'est quand même tellement plus judicieux...

Voilà, c'est ça, être Français. Ce n'est pas tous les jours réjouissant.

To be continued...

2 commentaires:

  1. Bravo ! Trois fois bravo, ça c'est de l'article comme j'aime. La suite, la Mouette, s'il te plaît. La suiiiiiiiiiiiiite.

    Bises
    L'oiseau

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  2. YES !!! BRAVISSIMO !!!!!!
    C'est consternant de voir ce que devient ce pays ! il me paraît ressembler de plus en plus à....un certain moment de son passé qui n'était pas des plus vivables (surtout pour certains)
    C'est consternant aussi de voir à quel point il faut être standardisé selon les normes en vigueur pour qu'on vous laisse une petite chance - partout !
    Allez, on s'accroche ? parce que vivre, c'est aussi bousculer la confortable termitière....!!!

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