En poussant la porte, je crois comprendre mon erreur. Sept, huit personnes patientent devant le guichet. C'est pas gagné.
C'est bien fait, ces temps d'attente. Du coup, je jette un oeil autour de moi. Mais c'est qu'ils ont tout changé, chez mon employeur! On ne me dit rien, c'est dingue, ça! Espace plus moderne, plus clair, plus pénible - j'imagine - pour les conseillers, car sur un "plateau": MON bureau de chez Pôle Emploi a fière allure. Et toujours autant de "clients".
J'y regarde de plus près. Ce sont des gens normaux. Pas la tête cabossée ou une allure de pouilleux, non. Des personnes lambda. Avec juste un dossier sous le bras. Mince, j'en ai pas, moi, de paperasses. J'ai même pas de rendez-vous, en plus.
Non, je passais là, à la pêche aux infos vu que le 3949 me donne envie d'exploser mon téléphone. Du genre, tu poireautes dix minutes, facturés 11 cts - parce que, quand même, les chômeurs, faut bien qu'ils dépensent leurs indemnités journalières - avec une musique infâme, et au bout de cette éternité, on te dit qu'aucun conseiller n'est disponible.
Comme mon employeur pense à tout, il propose le rappel automatique. Sauf que je l'attends toujours, celui-là.
Donc, avec mes petites papattes (et ma voiture, parce que ça caille ce matin), je suis allée la fleur au fusil à Pôle Emploi. Vous connaissez la suite.
Enfin, pas tout à fait.
Je poireaute donc lorsque, soudain, je reconnais le visage de MA référente, caché derrière un paravent en plastique. "Madame machin ?", que je lui dis, "bonjour, je dois passer au guichet pour prendre rendez-vous ou...?"
Est-ce ma mine de cocker (je fais bien le cocker), ou le fait qu'elle en avait ras-la-casquette de ce qu'elle accomplissait, toujours est-il qu'elle m'a fait signe: "Venez", m'a-t-elle murmuré, "vous avez de la chance, j'ai cinq minutes pour vous."
Le gros coup de bol.
Donc, je lui explique que maintenant, non seulement je vais bientôt sortir des chiffres des demandeurs d'emploi (premier sourire), mais en outre, je vais passer dans l'autre bord, si tout va bien. Employeur (là, le sourire est carrément limite décent en cette période de crise, madame, mais enfin, passons).
Bon, elle me donne tous les formulaires à remplir, les p'tits trucs et astuces pour bénéficier des aides de l'Etat. En gros, si tu es borgne, que tu as moins de 26 ans ou plus de 55 ans, que tu n'as plus bossé depuis l'âge de 12 ans et que tu veux être exploité rapidement, écris-moi, j'ai peut-être un poste pour toi.
Je lui donne l'identité de mon employée potentielle. Elle part sur son profil. Hélas, ma future salariée-collègue n'est ni borgne, ni sous-qualifiée, mais bientôt trentenaire, jolie, intelligente avec en outre, la vicieuse, trop d'heures de travail au compteur pour m'exonérer de certaines charges. Mais bon, je sais pas pourquoi, je préfère. La conseillère rentre en un clic dans le détail de sa vie d'employée. Je suis sciée de voir à quel point le moindre de nos mouvements est répertorié. Je sais que nous sommes fichés, mais là, ça dépasse l'entendement.
Ensuite, elle va sur mon compte. Elle tape un courrier, qu'elle va me remettre, où l'on peut lire que je recherche un poste de... journaliste, à 100km à la ronde, précisant: "vous commencerez votre activité en janvier avec une SARL." Blablabla, je la vois s'emballer, elle part me chercher d'autres papiers, elle clique sur des boutons, rentre des codes. Retourne sur mon profil...
Je suis soufflée.
Il paraît que mon employeur manque de zèle, mais là, je ne peux pas me plaindre. D'ailleurs, lorsqu'elle m'annonce qu'elle mute dans une autre agence, je suis presque déçue. Avant de me rappeler que mon idée, c'est de ne pas remettre les pieds ici. Ouf.
Évidemment, les cinq minutes du départ deviennent trente, elle me raconte la nouvelle organisation de travail, les ex-ANPE qui vont se mélanger avec les ex-ASSEDIC et, à la façon qu'elle a de me détailler tout ça, je sens le carnage imminent. Elle fronce les yeux et baisse les épaules. Elle aussi, visiblement.
Avant de partir, elle me conseille deux, trois autres tuyaux. Me regarde et chuchote: "enfin, évidemment, je ne vous ai rien dit, hein."
Non, moi j'ai rien entendu. Sauf sa dernière phrase. "Ça m'a fait plaisir d'avoir des nouvelles de votre projet."
Ce n'était donc pas ma tête de cocker.
Au fait, comme la journée n'est pas finie, il se peut que j'en rajoute une couche ultérieurement. Stay tuned...
lundi 19 octobre 2009
Si tu es pouilleux, que tu as moins de 26 ans ou plus de 55, appelle-moi...
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d'ac, on digère déjà ça pis on reviendra....
RépondreSupprimerMince, c'est si indigeste que ça? Je vais peut-être m'abstenir pour la soirée, alors. J'voudrais pas être lourde...
RépondreSupprimerhe ho ! j'ai pas dit çaaaaa ! j'ai dit qu'on se le faisait en deux parts, le gâteau du jour ! :-) !!
RépondreSupprimerMoi aussi, le 3949 me donne envie de mordre ; ça fait juste un peu moins d'interlocuteurs valables à croiser, plus de solitude pour les désemparés livrés à eux-mêmes, plus de déshumanisation dans une société où tous les "moyens de communication" n'aboutissent, paradoxalement, qu'à de moins en moins de discours "ayant sens", faisant sens au vécu.
RépondreSupprimerEt ça, ça me fiche les jetons.
Cette fusion, pas sûre que le demandeur d'emploi s'y retrouve.
Marre de ces machines à broyer l'humain...