mardi 22 décembre 2009

Ange ou démon, part two

Lorsque j'avais une vingtaine d'années, je gardais de temps en temps une petite fille de huit ans, adorable poupée espiègle, permettant ainsi à sa maman de respirer, d'avoir elle aussi sa part de liberté, son petit break salvateur.

La vie n'était pas tous les jours facile pour mon amie - la maman, donc - mère célibataire à plein temps. Sa relation avec sa fille était très fusionnelle, belle, aussi, incroyablement forte. Mais parfois oppressante. La maman avait parfois besoin de prendre l'air, mais elle culpabilisait de le faire. La fille le ressentait et angoissait de voir sa maman partir.

Quinze ans plus tard, la mère et la fille sont toujours complices, s'appellent plusieurs fois par jour et ne se sont pas déchirées. L'adolescence a épargné leur relation, la vie les a soudées à jamais.

Lorsque j'ai décidé de vivre autrement, cassant le noyau familial pour partir, avec mon fils, j'ai songé à cette relation fusionnelle, à cette sorte d'exclusivité que l'on consent. On ne part pas sans culpabilité. C'est un choix compliqué, que l'on impose à son enfant.

Les premiers temps, je plaisantais sur mon statut de mère célibataire. J'étais un "cas soc' ", comme je le répétais volontiers. Mon fils avait deux ans et demi et j'avais l'impression de bien m'en sortir, au quotidien. J'avais la chance de pouvoir compter sur un papa présent et impliqué. Et puis, loulou était petit. On va dire qu'il suivait le mouvement.

Je ne voyais chez lui que de l'innocence et je cherchais surtout à le protéger, consciente que je lui offrais une vie différente - et ce n'est pas parce que les familles monoparentales se multiplient qu'elles deviennent banales. L'équilibre est perturbé, et ça, je l'ai toujours gardé en tête.

Sauf que l'enfant le sait, lui aussi. Une sorte de sixième sens... Et qu'il a tendance à jouer sur cette culpabilité, sur cette sensibilité accrue pour appuyer là où ça fait mal, abusant de la situation, souvent inconsciemment, d'ailleurs.

Voilà pourquoi mon loulou est à la fois ange et démon.

Quand je l'observe, alors qu'il joue, dans sa bulle, oubliant d'en faire trop, je sens en moi un amour démesuré. Une forme de culpabilité, aussi, en songeant à ma colère à son encontre, lorsqu'il pousse le bouchon un peu trop loin. Je me dis alors qu'il n'a pas mérité que je m'agace à ce point, que je hausse le ton ou que je parte ainsi dans les tours. Petit bonhomme, il y a tellement de candeur et d'insouciance en lui...

Il me contredit généralement assez vite. Mu par la volonté de grandir et de s'imposer, ressentant cette vulnérabilité maternelle, le même agneau se transforme en petit diable dans la foulée.

C'est terrible, cette ambivalence. C'est le lot de tous les parents, me direz-vous. Certes. Le fait de n'avoir qu'un "référent" à la fois lui donne néanmoins plus de pouvoir. Impossible de montrer de la fatigue, une quelconque lassitude ou un embryon de lâcher prise. Il faut rester au front, contrer l'abus de pouvoir imminent, remettre l'enfant à sa place. Le guider, l'éduquer, tout simplement. Mais seul.

C'est là que le bât blesse parfois.

A suivre...

2 commentaires:

  1. Bien vu, la Mouette ; néanmoins, quelque chose me dit que tu ne t'en sors pas si mal que ça....:)
    Tu vois, pour ma part, je trouve les relations fusionnelles dangereuses et destructrices, émanant de mères qui n'ont pas compris qu'un jour on cesse d'être maman - car mère et maman ne recouvrent pas la même chose du tout. Mère, c'est biologique : une mère "a fait" un enfant. Maman, c'est social : c'est celle qui élève, éduque, prend soin - ce rôle peut être tenu par n'importe qui, et doit un jour se terminer, quand on a bien fait son boulot. Et l'enfant, enfin adulte, voler de ses propres ailes et faire sa vie. La mère ne doit pas oublier de vivre sous prétexte qu'elle est maman, car un jour elle n'aura plus qu'à vivre, et plus le souci de s'occuper de l'enfant, censé savoir enfin le faire tout seul !
    Les mères fusionnelles sont une plaie, car elles ne veulent jamais renoncer à être maman, même quand le temps en est venu ; elles n'ont pas su continuer de vivre, elles ont dévoré leurs petits...
    La bonne distance avec son ou ses enfants n'est pas facile à mesurer.
    Mais y a pas de culpabilité à avoir, non, d'être parent "mono" - il a un père Loulou, il ne grandit pas sans rien, l'équilibre se fera quand même, rassure toi.
    fais gaffe, trop de culpabilité nuit au développement personnel...:))
    bises !

    RépondreSupprimer
  2. Je suis d'accord avec Anne, je crois que tu n'as pas de reproches à te faire. En tout cas à te lire (et le seul fait que tu te poses la question tend à le prouver), tu es une mère formidable.

    Bises.
    L'oiseau

    RépondreSupprimer