Un rien intimidée, je frappe à la porte blindée-customisée aux impacts de balle. L'accueil est plus mitigé qu'espéré mais enfin, je suis là, je reste, hein.
Dehors, il faisait froid, très froid. La tendance aurait été de rester bien au chaud et de passer des vacances tranquille. Mais je n'étais pas là pour ça.
Tous les matins, je prenais donc le métro, toujours accompagnée d'un membre de la famille de mon amoureux - il y avait plein de cousins, cousines, ils vivaient en communauté - qui me laissaient à hauteur de Harlem, la conscience tranquille, vaquer à mes propres occupations pendant qu'eux reprenaient les leurs.
J'ai découvert qu'ils se sentaient en fait responsables et estimaient qu'il valait mieux m'accompagner, tant que la rame de métro traversait le Bronx. En fait, c'était étonnant d'être à ce point dépendante d'eux, tout là haut, et autonome à Manhattan.
Sous la neige, je suis partie déposer des CV, à droite, à gauche, avec une lettre de motivation. Je visais principalement un magazine de basket et des revues féminines. Je rentrais dans ces immenses lobbys dorés, au plafond très haut et à la déco parfois kitch. Un réceptionniste prenait le courrier en souriant, annonçant qu'il transmettrait. Je n'étais pas sûre de sa sincérité, mais enfin, c'était la seule solution pour proposer sa candidature. En France, on trouverait la démarche culottée, j'imagine. Elle est usuelle outre-Atlantique.
Je me sentais un peu bizarre, à vrai dire, d'en passer par là, mais cela ne me coûtait pas grand-chose. Le soir, je rentrais sagement "à la maison", toute seule, cette fois. Au fil des jours, j'en étais à me dire que le Bronx n'était pas le quartier gangrené que l'on racontait. La seule légère agression que j'avais subie, c'était celle d'un homme dans le métro, un Américain blanc, alcoolique. Rien de bien méchant.
En fait, je cherchais juste à rester discrète, à ne pas faire de vagues, car ma présence dans ce quartier était un rien atypique. Un soir qu'un groupe de jeunes se lançait des boules de neige, j'ai manqué m'en prendre une en plein visage. Juste avant qu'elle arrive à ma hauteur, j'ai pensé : "je ne dis rien, surtout, si je suis touchée." Parano?
Pas sûre. Un jour, nous sommes parties, avec la cousine de mon amoureux, faire quelques courses dans le petit supermarché de la rue. Rien à signaler, a priori. Et puis, en arrivant, on s'aperçoit qu'il manquait un ingrédient. La cousine n'a pas eu le temps de me retenir que j'étais repartie.
"Non, non, attends!"
Trop tard. En rentrant dans le magasin, les mêmes gens indifférents à ma présence, cinq minutes plus tôt, m'ont dévisagée de pied en cap. L'hostilité était palpable. Je n'étais plus accompagnée, donc plus légitime. Je n'avais rien à faire ici.
Je n'ai rien dit en rentrant. Tout le monde en avait conscience. D'ailleurs, le lendemain, la même cousine a accepté avec joie que l'un de ses copains nous ramène de Manhattan au Bronx.
"Tu sais, le métro, ça craint un peu dans le coin", m'a-t-elle expliqué.
Sauf que le métro, parce qu'il est souterrain, ne nous rien laisse entrevoir de la réalité de la rue. C'est en traversant le Bronx que j'ai compris que tout ça n'était pas (forcément) un mythe. Le South Bronx, sorte de ville-fantôme, pullulait de junkies. Les dealers de crack regardaient notre fourgonnette et j'ai compris qu'un voyeurisme exacerbé pourrait avoir de fâcheuses conséquences.
Je me suis tue. C'est moi qui avais voulu y aller. Et puis, au delà de la découverte d'un monde insolite et rugueux, il y avait cette recherche d'emploi, tout aussi nouvelle pour moi, dont j'allais connaître les retombées quelques mois plus tard...
A suivre...
vendredi 4 décembre 2009
Croire en ses rêves, part five
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RépondreSupprimerSacrée claque, hé ? comment fait une société pour en arriver là, c'est ce que je voudrais comprendre....
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