mercredi 31 août 2011

Cette fragilité-là

Silence radio. Soudain, je me suis sentie coupée des mots, comme s'ils ne pouvaient plus suffire à m'apaiser, comme s'ils m'échappaient, surtout, comme si j'avais perdu la clé pour jouer, tourner et jongler avec.

J'ai passé un drôle d'été. Entre tourments et grands bonheurs, entre sensations vertigineuses de vide et sommets d'épicurisme. Un été de frustration, parfois, mais une semaine de vacances, enfin, régénérante et durant laquelle j'ai eu le sentiment d'être moi, tout simplement, libre et sans fioritures, bien accompagnée et heureuse. Une semaine à sentir les embruns bretons, à observer l'incroyable manège des mouettes et autres cormorans, à sillonner les chemins en vélo, à respirer, à manger avec plaisir et appétit, à aimer et vivre sans contraintes.

Un drôle d'été, oui, durant lequel mon corps m'a rappelé mes excès, en me coupant les ailes et me privant de ma bouffée sportive. Or, j'ai besoin de me faire mal, un peu, de tester mes limites, pour me sentir plus forte. D'aller courir, nager ou pédaler, peu importe, pour évacuer mes habituels doutes et états d'âme. Sans ça, je me sens oppressée. Cette fois, j'ai dû composer, l'écouter davantage, ce corps, arrêter de foncer tête baissée pour accepter de me poser, me reposer, de me regarder vraiment dans la glace et faire le point.

Aïe.

Terrible constat d'impuissance, évidemment. Parce qu'à l'instar des mots, j'ai senti que tout m'échappait. Que je focalisais sur des détails de ma vie personnelle parce que, dans le désert pro qui a caractérisé ce mois d'août, j'avais besoin de me raccrocher aux rayons de soleil qui éclairent mon existence actuellement. J'ai compris toute l'importance, aujourd'hui, de me "réinsérer" dans la vie active, pour ne plus tourner en rond et être à la merci de missions toujours aléatoires. Et pour relativiser davantage, surtout.

Naïvement, je pensais qu'une fois la raison revenue, je pourrais envisager d'avoir une vie comme tout le monde, avec un cadre, des horaires, des collègues - peut-être lourds et pénibles, certes, mais des collègues, une vie autour de moi. J'ai postulé, à droite, à gauche, dans une période certes peu propice au plein-emploi, tant dans ce contexte de crise qui n'en finit pas de nous anéantir, que dans une période estivale où les DRH se dorent peut-être la pilule en Corse ou décompressent à l'autre bout de la planète (clichés, quand tu nous tiens...). Le bilan est peu flatteur, entre refus polis, recrutements finalement déjà bouclés, relances vaines et sensation de perdre pied chaque jour un peu plus avec ce monde du travail si déconcertant.

Rien de neuf, me direz-vous, je me lamentais déjà de tout ça voilà peu. Mais je déteste ce que ce constat d'impuissance réveille en moi, cette fragilité que j'ai tant contrée, repoussée, envoyée valser. Ce sentiment de n'être qu'une petite chose, au lieu de me tenir tête droite, prête à me lancer dans la bataille et lutter, vaille que vaille, pour retrouver cette sérénité professionnelle à laquelle j'aspire aujourd'hui.

J'ai lancé mon plan d'action, listé mes envies, creusé plus ou moins de nouvelles pistes et j'en suis consciente:  je suis la seule à avoir la clé pour changer la donne. Pourtant, je sens toujours ces freins en moi, sans parvenir vraiment à les déraciner. Je réalise que ces recherches d'emploi me ramènent à mon métier d'avant et que je le veuille ou non, j'ai l'impression d'une forme de régression, d'un compromis que j'aurais passé avec moi-même et qui me dérange.

Loin des ambitions d'antan, de ces rêves anéantis, de cette énergie que je sentais jaillir en moi, j'en suis là, dans ce marasme, à chercher ma place. Avec, néanmoins, ce petit quelque chose qui demeure dans un coin de mon esprit. Parce que si les mots étaient cachés au fond du placard, ces dernières semaines, cette envie de cuisiner m'a tenaillée plus que jamais dans le même temps, et il n'y a que la main dans la pâte que j'ai senti cette sérénité et cette envie de faire quelque chose de nouveau, de grand, de positif.

Je sais, il faut savoir ronger son frein, remiser certaines idées et filer droit en attendant la fin de l'orage. Je vais donc laisser derrière moi ce découragement latent et cette fragilité encombrante pour bouleverser cette vie un rien marginale qui me pèse aujourd'hui plus, bien plus, qu'hier. Et songer à tous ces fragments de bonheur qui ponctuent mon existence, ça et là, pour effacer cette image de petite chose et casser cette coquille de Caliméro qui n'a décidément aucun sens et que je véhicule depuis trop longtemps, bien malgré moi.

Bien malgré moi? Caliméro, tu sors, j'ai dit;)

mercredi 10 août 2011

De l'utilité de ne (presque) rien faire

Lundi, en descendant le chemin pavé qui mène au domaine (si si) de Poney, j'ai ressenti ce sentiment qui revient chaque fois que je me sens investie d'une "mission" : à défaut d'être divine, la dite mission a pour elle de me donner l'impression d'exister aux yeux de quelqu'un - professionnellement parlant je veux dire.

Donc, ce lundi, j'ai senti ce regain d'énergie qui s'est accentué à la vue de Poney. Sa mine était légèrement halée et, surtout, elle était souriante, moins écorchée vive que lors de nos derniers entretiens, où des événements personnels l'avaient plongée dans une lassitude vivace. Et je ne vous parle même pas de la bouffée supplémentaire que j'ai ressentie, le lendemain, après son coup de téléphone. Elle avait lu le manuscrit que je lui avais rendu et l'avais aimé. Alléluia.

Oui, on s'accroche à ces toutes petites certitudes lorsque plus rien ne vient. J'écume les annonces en vain, évidemment, et je sais que l'avenir reste très obscur. Et comme je n'ai pas le prétexte de jouer mon rôle de mère, par exemple, pour "oublier" de penser à cet avenir pro qui m'interroge, je trace de nouvelles voies, certaines très virtuelles, envisage des pistes parfois un rien improbables et... accepte une mission de retranscription de derrière les fagots, un truc horrible où on entend un type siffler, fermer un placard, jouer avec des clés, dire bonjour à son pote qui passe par là tandis qu'au fond, des gens parlent. Ces gens dont, justement, je suis censée retranscrire les propos. Aïe.

On est d'accord, il faut que ça cesse.

Vous voyez, rien de neuf, donc, sinon que je rêve de vacances, même si la météo absolument pourrie qui n'épargne personne me permet de relativiser. Aller à la plage en ciré, c'est bon, j'ai donné, c'est moyennement drôle. Ah, histoire de pimenter un peu mon quotidien, j'ai eu la bonne idée de tomber malade, me transformant en sorte de zombie qui voudrait néanmoins résister à la léthargie...

Peine perdue.

Mince, pour une fois que je n'ai quasiment aucune contrainte à respecter et que je peux dîner d'un thé et de céréales si ça me chante ou veiller sans penser au réveil trop matinal du lendemain, c'est la tuile.

Ce qui m'a fait le plus bizarre, c'est la réflexion du médecin qui me demandait si je travaillais. Pour savoir s'il me donnait un arrêt-maladie, bien sûr.

Euh non, ce ne sera pas nécessaire... Sur ce, je suis retournée comater en me disant que je passais vraiment un drôle d'été, tiraillée entre toutes ces envies de liberté qui s'offrent à moi et la prise de conscience que ma vie a définitivement changé. Que mes conditions de vie ont changé. Que j'ai changé. Tout court.

Et vous savez quoi? Ça ne m'a même pas déprimée. Bien au contraire.

mercredi 3 août 2011

Ce léger désoeuvrement

Combien de fois ai-je songé que je ne pouvais sortir ici, me rendre là, goûter à ceci ou envisager cela car... j'avais mon fils ce soir. Oui, l'année scolaire passe et elle est pleine de ces mini-sacrifices maternels qui, au final, ne laissent pas vraiment de traces. On s'en accommode, voilà tout.

Parfois, aussi, on se sent bousculé par cette routine école 18h-dîner 19h - coucher 20h et quand l'heure des grandes vacances sonne, on a juste envie de donner un grand coup de pied là-dedans et de vivre, vraiment, sans contraintes. Sauf que 1/ Loulou est fatigué de son année; 2/ Loulou, du coup, est fatigant; 3/ Les enfants ont besoin de sommeil, emploi du temps free ou pas; 4/ Les parents ont aussi besoin de souffler; 5/ Et puis les vacances sans partir, ça devient long.

Je crois avoir un peu surestimé mes forces le mois passé, imaginant emmener Loulou par monts et par vaux découvrir les rivages et terres, sinon de l'hexagone, au moins de notre région... En fait, il a dû se contenter de quelques tours de tyrolienne dans un parc, d'une baignade tout habillé (en jean-parka, sinon c'est pas drôle) dans une piscine artificielle (en béton!) d'un parc nantais par -12 degrés et une pluie battante, quelques vagues promenades amicales, deux-trois pestacles de chevaliers et de théâtre, une petite virée express à la mer (toujours par -12, mais cette fois en maillot de bain, quelle mère prévoyante je suis, quand même) et des après-midis chez les grand-parents parce qu'il paraît qu'il avait une mère débordée par le travail. Si si.

De toute façon, quoiqu'on fasse, il trouvait tout nul.

Vive l'adolescence.

On me dit que mon Loulou n'a que 7 ans et demi.

Soit.

...

Autant vous dire que je suis très moyennement satisfaite de ces pseudo-vacances passées tous les deux. Pourtant, le mois d'août venant, j'ai bien dû m'en contenter parce qu'il est parti chez son papa, me laissant seule avec tous ces trucs que, donc, j'allais pouvoir faire, sans avoir à me soucier de l'heure. Yipppppaa, liberté chérie...

Eh ben, le truc, c'est que j'ai du mal.

Je ne sais plus quoi faire de tout ce temps. Partir en vacances? Ah ah, c'te blague. Travailler? Les missions sont finies pour le mois. Chercher du travail? Je m'y suis collée en envoyant quelques lettres, comme des bouteilles à la mer tant je sais que la période n'est pas propice au recrutement. Mais j'y crois, c'est déjà ça...

J'exagère un peu, car finalement, ce temps m'a permis d'avancer sérieusement sur le manuscrit de Poney. Je suis à l'affût de la moindre annonce qui pourrait se rapprocher de mon profil (l'espoir fait vivre), je peux aller faire du sport quand je veux et sortir comme bon me semble.

Mais devenir "kid-free" quand on a l'habitude d'avoir dans ses pattes un loulou un rien hyperactif, ben, que voulez-vous, ça perturbe.

Je réalise aussi que le gouffre entre ma vie et celle, lambda, des gens salariés (ou indépendants, certes, mais avec des clients réguliers), s'élargit chaque jour un peu plus. Pas question de pleurer sur mon sort, ne pas partir au soleil ou à l'aventure n'est pas non plus catastrophique. C'est l'angoisse du lendemain qui m'étreint un peu, me dire que tous ces gens en goguette actuellement vont réintégrer leur poste demain, dans une semaine ou à la rentrée, pendant que j'en serai toujours à me demander où est ma place.

A moi de l'inventer, je crois. Voilà une perspective pour les jours à venir. En ces temps de disette, c'est déjà pas si mal, non?